La famille de Pascal Duarte est le récit qu’un homme fait de sa vie depuis la prison où il attend la mort. De malheur en malheur, Pascal Duarte raconte ce qui l’a mené là.
Il est né en Extremadure à la toute fin du XIXe siècle dans une famille pauvre de parents tous deux violents. Pas d’amour mais des coups et de l’alcool, des cris et des pleurs. Une sœur, très tôt prostituée et un frère, idiot mort jeune, sont les seules personnes de son âge qu’il a fréquentées et qui suscitèrent en lui quelques sentiments autres que la peur. Il quitta l’école à douze ans, mais dans son récit Pascal ne s’attarde pas sur son travail. Ce qu’il décrit c’est l’engrenage des coups durs, le bonheur qui toujours se refuse à lui. Quand il se marie, passé trente ans, avec une femme qui lui plait, le sort s’acharne : Lola fait d’abord une fausse couche, puis leur premier enfant tant aimé meurt avant un an. C’est le sort, la fatalité qui s’acharnent sur Pascal Duarte et le poussent au crime. Il a pourtant bénéficié d’une certaine indulgence de la justice, mais toujours il est repris par son caractère violent, qu’il doit autant à ses parents qu’à son milieu.
Publié en Espagne dans les premières années du franquisme, ce livre, premier roman de l’auteur qui recevra le prix Nobel en 1989, a fait scandale. Jugé immoral, car il décrit un homme qui semble dépourvu de conscience. Il ne semblait pas bon alors d’affirmer l’inéluctabilité du déterminisme social, de mettre en scène un homme que ni la famille, ni la loi, ni Dieu n’ont pu redresser. Le jeune Camillo José Cela dessinait ainsi un portrait extrêmement pessimiste à la fois de son pays et de la nature humaine.
On pense à Zola en lisant cette confession. Mais Cela a aussi été influencé par les auteurs américains comme Faulkner et autres écrivains dits behavioristes : Cela décrit beaucoup les actes et les hommes, il rapporte leurs dialogues sans rien retrancher (dit Pascal Duarte), sauf « quelques passages trop crus ». Rien n’est pourtant plus sordide que la vie et la mort de Mario, petit frère de Pascal, qui s’est fait dévorer les oreilles par un cochon et qui finira noyé dans une jarre d’huile. C’est que l’accumulation de faits horribles est un des traits principaux du tremendismo, genre littéraire qui nait alors, une sorte de réalisme exacerbé qui se repait de misère et de souffrance.
Quand il nous abandonna, il n’avait pas encore dix ans ; c’était peu sans doute pour toutes les souffrances qu’il avait endurées, mais bien suffisant pour qu’il ait pu parler et marcher, deux choses qu’il ne devait jamais savoir ; le pauvre dut se contenter de ramper comme une couleuvre et de faire de petits bruits avec le nez et la gorge comme un rat : ce fut tout ce qu’il apprit. Il avait à peine vécu ses premières années que déjà nous savions tous que le malheureux était idiot et devrait mourir tel…
L’accumulation outrancière pourrait sembler factice s’il n’y avait derrière la voix d’un homme souffrant. Si on peut lire aujourd’hui encore La famille de Pascal Duarte, c’est en raison d’une réelle attention portée au personnage qui peut incarner tous les paysans pauvres, tous les gosses qui ont grandi sans amour ni éducation, au seul son des cris et des coups.
.
La famille de Pascal Duarte
Camillo José Cela traduit de l’espagnol par Jean Viet
Points, 1990
ISBN : 2-02-0115664-6 – 145 pages – épuisé dans cette édition
La familia de Pascual Duarte, parution en Espagne, 1942
Tu as visiblement plus sensible que moi à Cela et c’est tant mieux. Ta dernière phrase finit par me convaincre que j’ai vraiment loupé quelque chose.
Ce livre est finalement assez sobre. J’ai des souvenirs d’étudiante lisant certains romans « tremendismo » : à mourir de rire tellement le triste, le sordide et la misère sont utilisés à outrance. L’écriture de Cela est minimale, c’est appréciable.
Un auteur que je n’ai jamais lu, ton billet est tentant, le rapprochement avec Zola n’est pas fait pour me déplaire, l’époque m’intéresse..donc c’est noté
C’est un livre qui pourrait te plaire, d’autant plus que Cela mérite encore d’être lu, à l’inverse de certains prix Nobel complètement oubliés.
J’en connais des extraits, étudiés à la fac ! Mais j’ai bien envie de lire en entier… Ca me rappelle aussi L’étranger, dans l’évocation d’un homme sans conscience…( Sans la dimension philosophique de camus )… C’est noté ! PS : je suis en pleine littérature sud-américaine avec Cortazar et Fuentes 🙂
Le livre de Camus est sorti la même année, autre livre de plomb, on imagine bien que l’humeur n’était alors pas à la joie de chaque côté des Pyrénées. Bonne lecture avec ces chers Latinos, moi je suis dans les Espagnols pour un bout de temps, j’espère faire des adeptes (peut-être avec des auteurs plus contemporains que Cela…).
Il me semble l’avoir lu, dans un temps lointain, mais alors je ne m’en souviens plus du tout…
Je me suis aussi posé la question avant de le lire, mais non, c’est un autre titre que j’ai lu, il y a longtemps. Je ne sais pas si celui-ci me marquera durablement, en tout cas c’est un repère important dans la littérature espagnole.
Celui-ci ne me tente pas trop…en tout cas pas pour l’instant.
Je me doute bien qu’une telle littérature n’est pas enthousiasmante au premier abord…
C’est un des « classiques », disons incontournables de la littérature espagnol que j’aimerais lire mais je n’arrive pas à me motiver…:) Je crains de ne pas trop accrocher.
Si ça peut t’aider : il n’est pas épais…
Tout pareil que A girl from earth.
En tous cas, c’est la première fois que j’entends parler d’ « Extremadure » (j’ai du le relire car j’avais d’abord lu « extrêmement dur » ce qui m’avait l’air de correspondre à l’impression que laisse ce roman ).
Je n’aime pas bien les partis pris de cette traduction. D’abord moi, je pense Pascual, et non Pascal… c’est comme si un Peter dans un roman anglophone était traduit Pierre… ensuite on devrait plutôt dire Estrémadure me semble-t-il, moi, je pense Estremadura. L’espagnol est une belle langue, j’aurais dû lire ce livre en espagnol si je n’étais pas aussi fainéante…
ça me semble très intéressant. Je le note pour plus tard. Merci 🙂
Bonne lecture !
Je note ce titre ! Même si l’atmosphère me semble très très sombre…
Elle l’est en effet.
Il ne fait pas partie des livres que j’ai choisi pour le prix Nobel mais il faudra que je le lise plus tard car ce que tu en dis m’intéresse.