Un coeur si blanc de Javier Marías

Il est à peu près impossible de résumer un livre comme celui-là, à moins de devenir extrêmement ennuyeux. Le livre l’est, à bien des égards, il m’a fallu bien de la volonté pour le terminer. Au final, j’ai bien fait de persister car les thèmes abordés sont intéressants, c’est la forme qui me convainc beaucoup moins.

Juan, le narrateur entremêle les récits et les époques autour de quelques thématiques fortes : le couple, le mariage, le secret et surtout, les mots. Juan est lui-même un spécialiste des mots puisqu’il est interprète et parle plusieurs langues. Sa femme Luisa l’est aussi. Le roman s’ouvre sur une scène de suicide : la jeune Teresa, tout juste revenue de son voyage de noces, quitte la table du déjeuner familial, se précipite dans la salle de bain où elle se tire une balle dans la poitrine. La scène est fulgurante. On apprend plus loin que Teresa était la femme du père de Juan, qui a ensuite épousé Juana, sœur de Teresa. A plus de trente ans passés, Juan ne sait rien de cette histoire, rien des raisons de ce suicide.

Juste après son mariage, Juan ressent un certain malaise, il ne sait pas où il va ni ce qu’il va devenir. Le lecteur s’interroge sur ce malaise et la scène inaugurale du roman, qui fait figure d’événement familial fondateur. Personne n’a jamais rien dit.

Pour traduire son malaise, Juan saisit de petits événements qu’il décrit très minutieusement, à travers des paragraphes compacts et très longs. Il tourne en rond autour de minuscules détails, c’est assez épuisant à lire, surtout qu’on ne voit pas bien où tout cela nous mène par rapport à la scène de suicide. Pourtant, quand on est bien attentif, le texte fourmille de répétitions signifiantes, de détails qui reviennent d’une histoire à l’autre, avec des gens qui attendent au coin des rues, d’autres qui promettent le mariage ou écoutent sans être vus des histoires qui ne leur sont pas destinées.

Ce livre se construit autour de ratiocinations, de ressassement ad libitum, susceptibles de larguer plus d’un lecteur qui se devra d’être opiniâtre pour suivre Javier Marías jusqu’au bout.

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Un cœur si blanc

Javier Marías traduit de l’espagnol par Alain et Anne-Marie Keruzoré
Rivages, 1993
ISBN : 2-86930-690-3 – 271 pages

 Corazón tan blanco, parution en Espagne : 1992

30 commentaires sur “Un coeur si blanc de Javier Marías

  1. moi j’aime bien quand dans me blogs préférés on dit du mal de certains livres, d’abord ça me fait faire des économies et en plus ça donne du poids aux compliments.. sur d’autres livres.
    Donc merci
    Luocine

  2. « Ce livre se construit autour de ratiocinations, de ressassement ad libitum, susceptibles de larguer plus d’un lecteur qui se devra d’être opiniâtre pour suivre Javier Marías jusqu’au bout. »

    Complètement ! J’ai tenté cette lecture il y a 2 ans, et je l’ai trouvée très laborieuse : je me suis perdue et j’ai fini par abandonner. J’ai pensé longtemps que j’avais eu tort, parce que j’ai recopié pas mal d’extraits remarquables dans mon carnet de citations, mais voilà: mon courage tout entier s’est essoufflé aux abords de la page 150. Je ne me suis pas montrée très tenace sur ce coup-là…

    PS : Ys, impossible de poster de commentaire en optant pour la méthode habituelle (mail, pseudo, url), tu sais ce qui se passe?…

    1. En effet, la méthode traditionnelle de commentaires ne plaisait plus à WordPress qui a changé le système : merci à tous les persévérants qui y parviennent d’une manière ou d’une autre 😉

  3. J’ai lu ce livre il y a un bout, quand il est sorti en fait, et tout ce que je peux t’en dire c’est que je fais partie de ces lecteurs qui ont été largués.!!
    Je suis allé jusqu’au bout mais cela ne m’a pas servi à grand-chose puisque je n’en ai rien retenu sinon que je ne tiens pas à retenter l’expérience J. Marias. D’ailleurs, « Un cœur si blanc » fait partie de ces piles de livres dont je compte me débarrasser pour faire de la place sur mes étagères.

  4. Je dois manquer d’opiniâtreté car je l’ai commencé, en un temps où je n’avais pourtant pas d’énorme pile à lire en attente, et l’ai abandonné… 😉

  5. Ca tombe bien, Lou m’a offert ce livre ! A en lire ton avis et les commentaires, je commence à me demander si elle me veut du bien…

  6. Un texte d’une beauté fascinante. N’attendez aucune action, ce livre est quasiment un monologue, une transcription des réflexions et pensées du « héros ». Il ne s’y passe rien, si ce n’est que ce roman, écrit de manière maigstrale, nous conduit directement et sans détour au plus profond de nos intimes pensées, de nos propres trahisons et lâchetés. Il parle de chacun de nous, de notre vie de couple si difficile. Un délice, bien trop rare de nos jours.
    N’hésitez pas à le lire, ne serait-ce que pour vous convaincre que ce genre ne vous plait pas.
    On aime ou déteste ce livre. J’ai adoré!

  7. Salut, c’est très intéressant ce que tu dis. Et je vois dans les commentaires des gens que beaucoup ont abandonné l’idée de le lire. Pour tout dire, moi non plus je n’ai aucune envie de le lire mais le truc c’est que j’y suis obligé parce que mon prof de littérature espagnole va nous faire un contrôle là-dessus (je dois le livre en version originale bien sûr). Mais j’espère que le contenu sera quand même intéressant et que je ne me louperais pas au contrôle.
    Adios !

    1. J’ai aussi fait des études d’espagnol et dû lire les auteurs dans la langue : ça n’est pas toujours simple. Javier Marias doit être complexe, je te souhaite bonne chance pour ton contrôle.

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