C’est à la fin de l’été 1939 que deux mille cinq cents hommes, femmes, enfants et vieillards, pour la plupart communistes, tristes vaincus de la nouvelle Espagne franquiste et proscrits de l’histoire, embarquent à Bordeaux sur un improbable bateau. Il a pour nom Winnipeg. Pour armateur, Pablo Neruda. Pour destination, Valparaíso.
Le narrateur s’appelle Luis Gontán, surnommé Kilowatt en raison de sa profession, électricien, et de son énergie juvénile. Energie qu’il conservera d’ailleurs ensuite, et qu’il mettra au service de petites arnaques assez enrichissantes, mises au point avec sa petite amie. Mais voilà que la guerre civile s’installe dans son village de Galice, avec exécutions à la clé. « La guerre montait jusqu’au village telle une traînée de poudre, arrivait aux portes des maisons et pouvait entrer par le premier vasistas venu au moment où l’on s’y attendait le moins. »
Ça n’est plus le moment de rire mais de mettre sa débrouillardise au service de la République, ou plutôt de faire du tort aux phalangistes. Car Kilowatt est bien brave, mais il n’a pas une grande conscience politique et même son dévouement filial est intéressé (il a planqué l’argent de ses arnaques sous le matelas de sa mère moribonde, c’est dire s’il la surveille de près !). Quand la pression franquiste devient trop forte, il s’enfuit et suite à une erreur qui le sauve une première fois, se fait passer pour Foucellas, anarchiste et bandit galicien de haute renommée. Il s’avère être un piètre soldat, c’est plutôt en cuisine qu’il démontre quelques talents.
J’aurais bien voulu sourire aux aventures de cet anti-héros, malheureusement tout ça est raconté trop rapidement. Le narrateur invoque une sincérité qui ne me semble pas crédible :
Je raconte ce que j’ai vu sans rhétorique littéraire, ce qui m’est arrivé et comment je me suis tiré de situations embarrassantes. Que ceux qui ont souffert vraiment me pardonnent si ce que j’écris est un récit d’aventures. Je ne suis pour rien dans ce qui m’est advenu. J’ai souffert de la faim, du froid, de la soif et de diverses légères blessures. Pas plus qu’un autre, je ne suis un héros.
La faim, la soif et le froid sont évoqués en une ligne chacun, c’est un peu court. La traversée, la maladie qui se déclencha sur le bateau, la quarantaine qui s’ensuivit… l’atmosphère n’y est vraiment pas. J’imagine que l’auteur souhaitait inscrire son personnage dans la veine picaresque, mais là encore, je n’y crois pas. Certes, ce Kilowatt est débrouillard (il finit la guerre avec le grade de commandant !) et se sort de situations critiques, mais il est trop survolé pour être consistant. Quant à Pablo Neruda, alors diplomate, il est à peine question alors qu’il est à l’origine de cette odyssée. C’est frustrant, à l’image de ce roman qui ouvre tant de pistes sans les exploiter.
A l’histoire de Kilowatt, Ramón Chao intercale des chapitres historiques qui ressemblent à des copiés-collés de livres d’histoire. Tout à coup, voilà Maurice Thorez en réunion. Puis Staline. Il est beaucoup question des ventes d’armes à l’Espagne, point certes crucial pour ce conflit, mais ainsi plaqué dans des chapitres qui ne font pas partie de la fiction, c’est juste très lourd et maladroit.
Quant à l’odyssée du Winnipeg, il commence à en être question page 170, autant dire que le périple suggéré n’est qu’un épisode. Sur le thème des républicains exilés vers l’Amérique latine, j’ai préféré les livres de Jordi Soler, écrivain mexicain parti à la recherche de ses ancêtres catalans.
L’odyssée du Winnipeg
Ramón Chao traduit de l’espagnol par André Gabastou
Buchet-Chastel, 2010
ISBN : 978-2-283-02245-0 – 254 pages – 20 €
Las traversías de Luis Gontán, parution en Espagne : 2006
Bon, pas de titre à noter alors ?!
Je te sens déçue 🙂
Mais lequel des Jordi Soler il faut noter alors ?
Les exilés de la mémoire sur la recherche de l’ancêtre et des racines, est très beau
Ouf ! ni LAL, ni PAL ne s’allongent ce matin (chez toi en tout cas devrais-je préciser)
Bon, encore une fois, je passe ce titre mais je note « Les exilés de la mémoire »…
Tu n’as pas beaucoup de chance avec tes découvertes espagnoles en ce moment… Dommage !
J’ai ai fait de bonnes également, elles arrivent 😉
c’est bizarre moi aussi en ce moment je ne lis que des livres qui n’arrivent pas me convaincre … le printemps est sans doute trop beau pour s ‘adonner à la lecture !
Luocine
La publications de mes billets ne suis pas chronologiquement mes lectures, heureusement…