Jean-Yves Le Naour est historien, spécialiste de la Première Guerre mondiale. Il a plusieurs essais à son actif, dont en 2002 Le soldat inconnu vivant devenu aujourd’hui une bande dessinée grâce aux éditions Roymodus et aux dessins de Mauro Lirussi.
Si le soldat inconnu vivant a tout d’un personnage de fiction, il a pourtant effectivement existé et s’il est aujourd’hui bel et bien mort, il n’en continue pas moins de hanter les imaginations de certains, au premier rang desquels Jean-Yves Le Naour. Résumé en forme de quatrième de couverture :
Le 1er février 1918, un soldat amnésique est interné à l’asile psychiatrique du Rhône. Tous les moyens sont employés pour l’identifier et le rendre à sa famille. Son portrait s’étale à la une des journaux et est affiché sur les portes de toutes les mairies. Plusieurs centaines de familles reconnaissent en lui un père, un fils ou un frère disparu à la guerre. Comment départager ces familles qui n’arrivent pas à faire le deuil de leur proche disparu ? Une longue et douloureuse enquête débute. Elle durera tout l’entre deux-guerres et s’achèvera sur un procès à rebondissements où s’opposent tous ceux et celles qui ont reconnu en l’amnésique un de leurs parents. Les contemporains sont fascinés par cet homme sans passé : Jean Anouilh s’empare du fait divers pour écrire son Voyageur sans bagage et la presse baptise rapidement l’amnésique « le soldat inconnu vivant »…
Albert Vayssettes ? Victor Brille ? Louis, Etienne, Emilien ? Dès que le docteur Fenayrou, directeur de l’asile départemental de l’Aveyron prend l’affaire Mangin (du nom qu’on a extorqué à l’inconnu sous électrochocs) en main et fait publier la photo de l’amnésique dans les journaux, c’est la ruée, des dizaines de personnes reconnaissent en lui celui que la Grande guerre leur a volé.
A lire Le soldat inconnu vivant, il est évident que cette incroyable histoire s’adapte parfaitement au format de la bande dessinée. Il ne reste dans le texte que l’essentiel, la force émotionnelle se transmettant par le somptueux dessin en noir et blanc de Mauro Lirussi, illustrateur argentin. Il donne ainsi à voir non seulement la détresse et la solitude de ce soldat sans nom ni identité, mais aussi la douleur des familles qui ne peuvent faire leur deuil faute de corps. Pendant des années, elles entretiendront l’espoir qu’un frère, un fils, un époux est peut-être vivant quelque part. Noir et blanc où domine le noir et où les personnages ont souvent l’air de fantômes, même s’ils sont bien vivants. C’est que pris entre deux guerres, ils sont tous en sursis. Car quelle ironie : alors que le sort des Poilus n’est pas encore réglé (et Anthelme Mangin les symbolise tous), voilà qu’une autre guerre se déchaîne sur les populations européennes.
Dans une interview, Jean-Yves Le Naour explique : « Imaginez l’immense sillon de douleur provoqué par la mort de masse d’un million et demi de personnes, la mort des fils, des frères, des pères, des maris… Cette souffrance n’est pas saisissable par l’historien qui a besoin d’archives pour écrire et en rendre compte, or les larmes ne laissent pas toujours de traces. La bande dessinée, comme le roman ou le cinéma, permet de franchir ce mur et de faire comprendre et ressentir ce que des millions de gens ont pu vivre. Ce qui compte, c’est le sens que l’on donne à l’histoire, ce n’est pas la vérité historique scrupuleuse. » L’odieuse souffrance ainsi médiatisée devient objet de 9e art, le beau surgissant de l’horreur.
Jean-Yves Le Naour et la thématique Première Guerre mondiale sur Tête de lecture
Le soldat inconnu vivant
Jean-Yves Le Naour (scénario) et Mauro Lirussi (dessin)
Roymodus, 2012
ISBN : 978-2-3636300-9-4 – 87 pages – 16 €
le noir et blanc renforce la solitude et la tristesse. je vais surveiller les achats de ma biblio.
Oui tout à fait : la solitude, la tristesse et la douleur aussi.
Je note ce titre. Je ne lis rien sur les 2 guerres mondiales en ce moment mais quand je vais m’y remettre, cette bd trouvera sa place !
Il y en a d’autres mais j’ai eu envie de parler de celle-ci car je ne connaissais pas du tout cet éditeur.
ils émanent des dessins une telle force, une telle émotion, cela donne vraiment envi de découvrir cette BD . Je note…
Il m’a suffi de tourner quelques pages à la bib pour me donner envie de lire cette BD, la puissance des dessins est immédiate.
Et bien même moi qui ne suis pas très BD, je la lirai quand j’en aurai l’occasion !
Il y en a de toutes sortes. Ici, pas de « bulles », pas vraiment de dialogues mais plutôt un discours rapporté ou une narration, presque comme dans un roman…
Les images expriment parfaitement cette période de désolation humaine. Quelle force !
C’est exactement mon avis.
J’aime beaucoup cette période, mon fils aussi et les dessins ont vraiment l’air superbes. je crois que ça fera une lecture commune entre père et fils.
C’est effectivement le genre de livre à engendrer des conversations entre lecteurs par les questions qu’il soulève et la période abordée.
et moi qui venais juste de sortir de ma période guerre 14 tu me donnes envie d’y retourner
Luocine
Ce titre-là en vaut la peine.