Le combat ordinaire de Manu Larcenet

Marco, jeune photographe, n’a plus envie de rien : plus de photos, plus de psy, plus d’agitation.. Se retrouver seul dans sa maison loin de tout avec son chat méchant, voilà ce qu’il lui faut. C’est qu’il n’est pas bien dans sa peau Marco (depuis longtemps sujet à des crises d’angoisse), avec son père qui se meurt de la maladie d’Alzheimer. De temps en temps, il rend visite à son frère « Georges » avec qui il peut encore se conduire comme un adolescent et fumer de gros pétards en jouant aux jeux vidéo jusqu’à pas d’heure. Mais voilà que la femme de « Georges » est enceinte… ça qui tombe mal pour Marco qui vient de rencontrer Emilie, jeune et jolie vétérinaire qui s’installerait bien chez lui, puis qui, le temps passant, ferait bien un enfant… Mais le père de Marco s’est suicidé et il n’arrive pas à faire face à la solitude de sa mère et à ses propres souvenirs.

Pourtant, Marco se trouve confronté au passé. A celui de son père à travers des carnets qu’il découvre, et à celui de toute une région et de ses habitants à travers des photos qu’il fait des travailleurs des chantiers navals en pleine mutation. Avec les hommes de l’atelier 22, les collègues de son père, il retrouve son enfance et le goût du travail, mais découvre aussi la précarité de leurs vies si rudes dédiées au travail. Les photos donnent lieu à une exposition parisienne, puis à un livre : la notoriété de Marco s’accroît.  Mais une autre figure du passé hante Marco : il se lie d’amitié avec un vieil homme, son voisin, avant de découvrir que celui-ci a torturé des gens en Algérie. Il coupe les ponts avec lui, mais Emilie le force à s’interroger sur la pertinence de son jugement : qui est-il lui pour juger des choix d’autrui ? Tout ce temps passé dans le regret ne compte-t-il donc pour rien ?

Sous bien des aspects, Marco ressemble à Manu, le héros de la série Le retour à la terre : exilé à la campagne, immature, dépressif, son indécision constante est attachante. Mais alors que Le retour à la terre est une série essentiellement comique, faite de petites scènes de la vie quotidienne, Le combat ordinaire déroule une histoire parfois tragique. La planche qui suit l’annonce du suicide paternel est muette, elle ne montre que des visages, ceux des collègues, et elle est triste à pleurer, juste parfaite, l’émotion sans un mot.

C’est qu’il maîtrise l’image Larcenet, elle dit la tristesse, la mort, la fatigue d’une vie, le renoncement. Tout ça sans drame, car la tonalité générale est légère grâce à ce personnage de jeune adulte fragile, paumé, hyper sensible. Ordinaire Marco oui, comme tout le monde, comme vous, comme moi, même si je ne suis pas un homme de trente ans. C’est là le grand talent de Larcenet, rendre proche un personnage pourtant si différent tout simplement parce qu’il est essentiellement humain.

A travers une chronique à la fois intime et sociale, Le combat ordinaire construit un homme dans une société en mutation qui peine à prendre en charge son passé. Il y a aussi quelque chose de la difficulté pour un homme d’être au monde, c’est à la fois tendre et troublant.

Manu Larcenet sur Tête de lecture
 
Tome 1 : Le combat ordinaire, Dargaud, 2003
Tome 2 : Les quantités négligeables, Dargaud, 2004
Tome 3 : Ce qui est précieux, Dargaud, 2006
Tome 4 : Planter des clous, Dargaud, 2008

40 commentaires sur “Le combat ordinaire de Manu Larcenet

  1. Tiens, les relire, oui…
    mode râleuse on : c’est quoi cette colonne qui apparait en haut à gauche de l’écran, gênant la lecture : share, tweet, like in et j’en passe?
    Et gênant l’introduction de mes coordonnées, j’espère y arriver!(ouf, oui, mais à l’aveugle)

  2. Une série bouleversante de justesse sur la réalité sociale d’une génération, sur comment on fait avec ses peurs, et plein de choses qui me reviennent à la lecture de cette si juste note. Larcenet me ferait devenir lyrique et dithyrambique !

    1. J’ai du mal à savoir quelle série je préfère. Le retour à la terre me plait vraiment beaucoup, une des meilleures séries BD pour moi, mais bien sûr, c’est léger. Ici, beaucoup plus d’émotions, et Blast, c’est vraiment très grave.

  3. « Le combat ordinaire » est une saga BDesque que j’aime beaucoup. Larcenet est un auteur sensible, son « Retour à la terre » est aussi plein de surprise.
    En tout cas cette BD ci laisse à réfléchir, tout en poésie, avec un regard pudique. Vraiment une BD à lire.

  4. comme tu as dû le lire chez « marécages », je n’ai pas encore entamé le tome 1 de « blast », qui m’a effectivement très noir – et j’ai du mal avec les dessins
    ceci me semble plus abordable pour moi …

  5. J’ai aimé tout ce que j’ai lu de Manu Larcenet et il faudrait que je relise Retour à la terre et Le Combat ordinaire maintenant que j’ai pris quelques années que je suis maman. Je pense que certaines situations me parleront différemment maintenant !

  6. Un indispensable BD pour moi! J’ai eu le plaisir de lire directement l’intégrale, pas eu besoin d’attendre les sorties successives, j’aurais bouilli d’impatience!

  7. Je ne connais que Le retour à la terre, une série que j’ai dévorée avec plaisir…
    HS il y a eu un coup de peinture par ici, j’ai cru m’être trompée d’endroit ! J’aime bien, c’est chaleureux.

  8. Tu as changé le format de ton blog, j’en suis bouleversée au point de perdre mes repères. Déjà motivée par les écrits d’Une Comète, je suis de plus en plus intéressée à découvrir cette série. Bisous et bonne semaine.

  9. Oh oh, y’a du changement par ici…. J’adoooore ta nouvelle déco, oui vraiment… Très très sympa !! A part ça ce combat ordinaire me fait de l’oeil depuis déjà un petit moment (comme tant d’autres) qui sait, j’y succomberais peut-être un jour…

  10. J’ai bien aimé le retour à la terre, en revanche, Blast ne m’a jamais tenté. Quand à ce combat ordinaire, je l’avais par mégarde associé au premier comme un tome de la série. En route pour la bibliotheque alors.

  11. Merci beaucoup de ta visite chez moi. 🙂
    Je n’ai pas encore lu cette série mais elle me tente grandement, tu en parles très bien. 🙂 J’ai lu des extraits du retour à la terre aussi que j’ai également aimés, il faudra que je lise la série en entier.
    Bonne soirée.

    1. Cette série doit se lire dans l’ordre. C’est ainsi qu’on apprécie mieux l’évolution de ce personnage, qui a l’air tout simple au départ, mais qui s’épaissit au fil des tomes.

  12. J’ai découvert Larcenet cette semaine avec  » Retour à la terre », j’ai dévoré la série et j’en redemande. J’ai adoré la scène de la promenade, lorsque le landau se retrouve au milieu de la mare; la vieille voisine aussi est truculente!

  13. J’ai vraiment adoré cette série moi aussi. Ce qui est très fort, c’est qu’il y a tellement de thèmes abordés dans ces pages, qu’on trouve forcément le fil conducteur qui va nous faire adhérer au propos.
    Larcenet est un grand Auteur. Je vous recommande Blast, son chef d’oeuvre en cours de réalisation.

    1. Nous nous sommes étonnamment croisés Yaneck, très surprenant (ou alors une subtilité informatique m’échappe…). J’ai lu le premier tome de Blast et le deuxième m’attend toujours alors que le 3e vient de sortir… il attend une lectrice 100% optimiste et bien accrochée…

  14. Oui, j’ai compris certaines choses dans les commentaires que j’ai reçu… ^^
    Pour Blast, en effet, mieux vaut être au top de sa forme. A se demander si Larcenet, lui, va bien, d’ailleurs. ^^

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s