La bonne nouvelle du mois de novembre, c’est la sortie du tome 5 (enfin) de l’excellentissime série de Manu Larcenet (dessin) et Jean-Yves Ferri (scénario). De quoi égayer la morosité de l’automne finissant.
On ne s’improvise pas campagnard du jour au lendemain… D’abord, il y a le silence, le manque de bruits ; puis le trop d’espace naturel « tous ces champs autour, toutes ces forêts ! Tous ces marcassins, tous ces écureuils ! » ; et puis les autochtones avec leur vrai pain et leur vraie eau de vie… Quand Mariette et Manu (Larssinet !) ont décidé de quitter Juvisy pour s’installer à la campagne, aux Ravenelles, ils ne pensaient pas que ça serait si difficile de quitter la banlieue… pas de Skate Parks, pas de complexes multi-salles, pas de braqueurs, pas de Fnac… Même Speed le chat préfère les croquettes aux oiseaux… Alors qu’est-ce qu’il fait Manu ? Il téléphone à ses potes restés sur Paris pour qu’ils lui racontent les bouchons du périph’ et il s’enferme dans un carton pour écrire ses BD. Pas croyable comme c’est dur la vie à la campagne pour « un chanteur punk plutôt urbain » qui se met à braire comme Francis Cabrel !
Dès le premier volume ce cette formidable série, j’ai été conquise. Moi qui ai quitté ma banlieue pour le Loir-et-Cher profond, je me retrouve à 200% dans les tribulations de ce couple ultra attachant qui doit confronter ses idéaux de vie au grand air à la réalité bien terne de la vie de village. Alors bien sûr, Larcenet et Ferri chargent un peu la barque côté péquenots, mais c’est tellement drôle ! Vous avez d’abord monsieur Henri, le proprio qui semble les observer jour et nuit, puis madame Mortemont et sa bêche, l’ancien maire qui a subi une illumination mystique un redressement fiscal et vit désormais nu dans un arbre, Fnec le chasseur…
Alors quand Manu n’en peut plus, il décide d’aller voir un psy : y’en a un sur Rouen ? Parti se renseigner au bistrot du coin, le patron lui répond : « Psit orange ? Psit citron ? »
Constituée de scénettes d’une demi page avec des gags vraiment très drôles, cette bande dessinée fait partie de mes préférées. Manu, un chouïa dépressif et carrément immature, est hilarant de mauvaise foi et les autochtones sont plus vrais que nature. Et puis ça sent bon l’autobiographie, fausse ou améliorée, ce qui contribue à l’identification, encore accentuée par une mise en abyme de la mise en abîme de la vie de Manu : on s’y retrouve !
Et si vous voulez comprendre l’implication de chacun dans la BD, c’est simple : « C’est Manu vu par Ferri mais dessiné par Manu sauf que quand le Manu de l’album dessine, Manu change de style pour pas qu’on voie qu’il dessine comme lui… » : c’est clair, non ?
Les deux compères trouvent le moyen de ne pas se répéter en faisant évoluer leurs personnages : dans le second volume, Manu se met au potager et au diapason local en dessinant l’affiche de la Fête du cochon (un vrai succès, pourquoi pas aussi celle du Festival du haricot !). Mais Mariette veut un bébé et là, c’est sauve qui peut, il faut s’occuper du radis ! Fatalement, le Laurence Pernoud va devenir leur bible au tome 3…
Pour ce cinquième et toujours aussi excellent opus : élections municipales et implantation d’un Krashdiscount aux Ravenelles. Et Mariette qui a repris la fac ! Non vraiment, père au foyer, ça n’est pas une vie pour un dessinateur de BD !
Allez, vous prendrez bien une tranche de bonne humeur ?
Manu Larcenet sur Tête de lecture
1 : La vraie vie (2002)
2 : Les projets (2003)
3 : Le vaste monde (2005)
4 : Le déluge (2006)
5 : Les révolutions (2008)