Theresienstadt, une ville qui pendant la Seconde Guerre mondiale se situait en Tchécoslovaquie. Elle abritait un camp de prisonniers juifs, parmi lesquels de nombreux artistes, qui vivaient dans des conditions terribles de pauvreté. C’était officiellement une colonie juive modèle, et de fait un lieu de transit vers les camps de la mort, plus à l’est. Morten Brask fait de Daniel Faigel, personnage fictif inspiré par l’écrivain Ralph Oppenheim, le narrateur d’un roman qui mêle le quotidien de Theresienstadt et les souvenirs d’enfance.
Daniel Faigel est un médecin juif danois, raflé comme bien d’autres. Il est envoyé à Theresienstadt et c’est à sa nationalité plus qu’à son métier qu’il doit d’y avoir survécu. En effet, ordre était donné de ne pas toucher aux Danois. Dès son arrivée en 1943, il est affecté au bâtiment des hommes de l’hôpital Hohen Elbe. Face à la misère, au froid, à la maladie et à la faim, il est totalement démuni. La promiscuité et la saleté n’arrangent rien.
Le sol est encombré de matelas et de lits métalliques, et le nombre des patients, y compris dans la salle d’attente, est renversant. Il y a fréquemment deux ou trois personnes dans le même lit ou sur le même matelas, et ceux qui n’ont pas la chance d’en avoir un sont assis ou couchés à même le sol pavé. Un couloir étroit passe entre les matelas et conduit à l’escalier. Dans le couloir et sous les lits, il y a de la merde écrasée, des restes de coton et de pansements, raides et brunis de désinfectant séché, l’étui souillé d’une seringue, des lambeaux de vêtements et de la boue venant de la rue. Deux infirmières dans des blouses tachées de sang courent de lit en lit, débordées.
Le jeune médecin se blinde dans son expérience professionnelle pour aider tous ces gens. Quelques mois après son arrivée, il rencontre Ludmilla, une jeune femme dont il tombe amoureux. Elle est atteinte de tuberculose et le jeune médecin fait ce qu’il peut pour la soulager, sans le moindre médicament. Il craint que comme celui des autres malades, son nom ne figure bientôt sur les terribles listes de déportés vers l’est. Ayant appris que Daniel est vénérologue, Haindl, le commandant du camp, le fait sortir pour qu’il aille soigner sa maîtresse dans un bordel pragois. Cependant que l’état de camp s’améliore en raison d’une prochaine visite de la Croix-Rouge, celui de Ludmilla empire…
Parallèlement à ce récit, Daniel se souvient de son enfance, de son père autoritaire, président de la Cour Suprême du Danemark et de sa mère qui glissa doucement dans la folie.
On en apprend beaucoup sur Theresienstadt dans ce livre, sur l’instrument de propagande que fut ce camp. Durant les quelques semaines qui précédèrent la visite de la Croix-Rouge, ce taudis malsain fut transformé en ville modèle et les prisonniers contraints de jouer les habitants satisfaits. Grâce à la belle écriture de Morten Brask, ce qui aurait pu être un documentaire intéressant se transforme en roman sensible sur la survie, la folie et l’amour. Il décrit la souffrance avec poésie et délicatesse, sans haine. C’est la compassion qui domine, la volonté de se pencher sur le passé de certains compatriotes et de le transmettre simplement. La résignation est un autre sentiment dominant, tant pour la partie se déroulant dans le camp que pour celle évoquant l’enfance. L’enfant, comme sa mère, a été écrasé par l’immense figure paternelle autoritaire, comme l’est le jeune homme par Haindl qui représente le pouvoir, l’homme au-dessus des lois guidé par ses seuls instincts et bon vouloir.
Terezín Plage est un livre grave et triste qui dit avec sensibilité l’horreur des camps sans pour autant redire ni verser dans d’inutiles descriptions morbides. J’ai à la fois beaucoup appris sur Theresienstadt et apprécié l’écriture de cet auteur danois.
Terezin Plage
Morten Brask traduit du danois par Caroline Berg
Presses de la Cité, 2011
ISBN : 978-2-258-08519-0 – 330 pages – 20 €
Havet i Theresienstadt, parution au Danemark : 2007
quoi ? un livre d’un auteur danois ? je m’empresse de le noter !
Je n’en lis pas tous les jours 😉
J’attendrai sa sortie en poche ou en bibliothèque (!). Sinon pour Skyfall, on en prend plein d esl yeux (je confirme) et j’ai adoré la séquence Mac Gyver (cela m’a rappelé mon enfance). bises
Je vais voir si la bibli l’a acheté mais dans le cas contraire je crois que je vais me laisser faire en raison du sujet et une approche « par la bande » si on peut le dire comme ça me semble tout à fait intéressante
C’est noté pour moi
Pourquoi les Danois étaient-ils « épargnés »? Je note en tout cas (en parlant de Terezin, j’avais été très déçue par un autre livre sur ce lieu, Le requiem de Terezin).
Il semblerait que ce soit en raison du gouvernement danois qui a manifesté de l’intérêt pour ses ressortissants juifs déportés. En fait, les Juifs danois avaient été prévenus de la rafle allemande et avaient pu fuir. Ceux qui ont été raflés étaient en fuite pour la Suède, ils furent 500, tous déportés à Terezin. Le gouvernement danois leur faisait envoyer des colis et visiter par la Croix-Rouge.
Le titre m’a intrigué.
Je l’ai noté par ailleurs, il ne faut pas que je le perde de vue.
J’aime beaucoup les auteurs danois mais là, le sujet est vraiment trop lourd. Je préfère passer mon tour.
Je n’en ai pas lu beaucoup, juste quelques-uns qui m’ont semblé assez iconoclastes. Ce titre est plus traditionnel dans son sujet et son écriture.
Je l’avais repéré puis oublié : merci pour le rappel !
Lu dans le cadre d’un partenariat Newsbook (;-)) je l’avais beaucoup apprécié.
Tu vois, je l’ai gardé au chaud longtemps 😉
J’ai eu l’impression d’apprendre beaucoup de choses avec ce roman mais j’ai vraiment eu du mal avec l’écriture.