Meurtre au comité central : à Madrid en 1980, Fernando Garrido, le secrétaire général du parti communiste espagnol est assassiné en pleine réunion, entouré de ses partisans. Modéré, zélateur contesté de « l’euro-communisme », il occupait ce poste depuis trente ans. Le meurtre tient du mystère en lieu clos puisque que la victime a été tuée au poignard durant une coupure d’électricité de trois minutes durant laquelle personne n’est entré ni sorti. L’assassin est donc un des communistes membres du parti présents à la réunion. Une affaire de linge sale…
L’enquête officielle est confiée à Fonseca, un commissaire qui a torturé des communistes sous le franquisme. Mais les membres les plus influents du parti décident de faire appel à Pepe Carvalho, ancien communiste désormais apolitique, également ancien de la CIA. Qui devra donc quitter sa chère Barcelone pour la capitale. Carvalho accepte d’enquêter aussi, avec approbation de Fonseca, mais reçoit des menaces de mort avant même d’avoir commencé.
Pepe Carvalho est un de ces privés récurrents à l’américaine qui nous sont désormais familiers, mais innovant à l’époque en Espagne. Celui-ci, bien que Galicien de naissance, est Barcelonais jusqu’au bout des ongles, le séjour madrilène tient donc autant du retour aux sources de la jeunesse militante que de la punition. Cependant, à Madrid ou ailleurs, Pepe Carvalho reste Pepe Carvalho et donc fin gourmet, amateur de femmes et toujours bien placé pour se faire tabasser.
Manuel Vázquez Montalbán nous offre avec Meurtre au comité central, par le prisme du roman policier, une plongée dans les années dites de transition, celles qui ont suivi la fin de la dictature, alors que le parti communiste espagnol n’était légal que depuis quelques années. Si le lecteur ne connait pas la situation politique et ne pratique pas l’humour communiste, le contexte peut sembler un peu complexe. Alors que Vázquez Montalbán écrivait peu de temps après les faits qu’il imagine ici, il n’était pas nécessaire d’expliciter la situation. On peut même parler de roman à clef, certains personnages s’inspirant directement de la réalité la plus contemporaine. Je ne pense pas que le lecteur français d’aujourd’hui qui ne serait pas un minimum au fait de cette période, puisse apprécier tous les détails du roman.
Il serait pourtant dommage de passer à côté de cet enquêteur, un des premiers de la littérature policière espagnole qui prend dès lors la couleur noire du polar. De nombreux titres suivront celui-ci, qui n’est pas le premier mais me semble important car la littérature touche ici au politique de tellement près que Meurtre au comité central a aussi une valeur documentaire, il a acquis une valeur testimoniale avec le temps : le communisme espagnol si longtemps opprimé va-t-il changer le pays ? Va-t-il lui apporter ne serait-ce qu’un idéal, des valeurs, une raison de croire en des jours meilleurs ?
Il est clair ici que Vázquez Montalbán n’y croit déjà plus. Parce que ceux qui ont fait les beaux jours de la dictature sont toujours là, à l’image du commissaire Fonseca, que l’armée est toujours puissante et que le parti refuse la voie de la modération. Comme Pepe Carvalho, Manuel Vázquez Montalbán fait figure de communiste désabusé, voire désenchanté.
Meurtre au comité central
Manuel Vázquez Montalbán traduit de l’espagnol par Michèle Gazier
Le Sycomore, 1982
ISBN : 2-86262-143-9 – 270 pages – épuisé dans cette édition
Asesinato en el Comité Central, parution en Espagne : 1981
Fini les lendemains qui chantent hélas, c’était déjà prévisible dans les années 80… tu me tentes encore là 🙂
Celui-le est presque un monument à lui tout seul !
Jamais lu Montalban mais je crois que c’est un auteur qui pourrait me plaire.
Je ne sais si tu es cuisinier, mais il y a des recettes, bien détaillées. Je crois qu’il existe même un livre de recettes de Carvalho.
j ‘en ai lu un de cet auteur et j’avais bien aimé
Luocine
Alors il faut en lire d’autres : trois tomes d’intégrale disponibles au Seuil.
Parce qu’il y a des communistes qui ne sont pas désabusés ?
j’espère pour eux…
j’espère que j’aurai l’occasion de le lire, j’en ai lu quelques-uns de cette série mais je ne suis pas trop attachée à ce policier. En revanche la dimension historique m’intéresse énormément ! Est-ce que c’est un gros livre ? J’aimerai bien le lire en espagnol…
Non, il n’est pas très épais. Je l’ai lu en français, malheureusement, mais je suis fière de mon exemplaire qui est la première édition française de ce roman 😉