Bleus horizons de Jérôme Garcin

Bleus horizonsDans Bleus horizons, « Jérôme Garcin fait revivre Jean de La Ville de Mirmont » ai-je entendu çà et là. Le nom en lui-même m’était inconnu, mais découvrir qu’il s’agissait d’un jeune écrivain fauché lors de la Grande Guerre m’a donné envie d’en savoir plus. Radiguet, Pergaud, Péguy : ils ont été nombreux nos jeunes auteurs à laisser leur vie dans les tranchées. Ils sont devenus des symboles, presque des légendes, pour Radiguet en particulier, génie si précoce et tant apprécié.

Jean de La Ville de Mirmont est mort à vingt-huit ans en novembre 1914. Ce n’est cependant pas tant à lui que le lecteur s’attache, mais à son ami, Louis Gémon, celui qui n’est pas mort. Les deux hommes ne se connaissaient pas avant guerre et c’est dans les tranchées qu’ils fraternisent. Louis, narrateur de ce roman biographique apprécie beaucoup le jeune écrivain qui n’a pas encore connu le succès et rêve d’horizons lointains. Quelques mois après la mort de Jean, Louis est blessé et passe plusieurs mois de convalescence à Deauville dans le casino transformé en hôpital. Après la guerre, il n’aura de cesse d’alimenter la flamme de son ami, son ami mort alors que lui est vivant.

Ce que raconte Louis dans Bleus horizons, c’est sa terrible culpabilité d’être vivant. Il fait le portrait d’un Jean de La Ville de Mirmont certainement plus grand que nature, plus génial, plus héroïque. La narration se concentre sur ses recherches, ses efforts pour faire publier l’œuvre du « grand mort », du « fantôme encombrant » comme dit Constance, celle qu’il aurait pu épouser s’il avait vraiment vécu.

J’ai cru que je survivais à Jean, mais la vérité, c’est que je me suis tué pour lui. Je lui ai tout sacrifié, au point d’en oublier de respirer. Je n’ai pas réussi à écrire parce que je passais mon temps à le relire. J’ai préféré son passé à mon avenir. Il a été mon double de guerre, mon jumeau idéal, et je ne suis jamais parvenu à en faire mon deuil.

Quelques incursions dans le monde des lettres permettent au lecteur de Bleus horizons de croiser un détestable Bernard Grasset et un François Mauriac ami d’enfance de Jean de La Ville de Mirmont, tous deux Bordelais. Tout reste cependant assez superficiel, hormis la relation entre Jean et Louis. On ne pénètre pas bien loin dans l’âme du jeune poète disparu, sa vie, ses premiers pas d’écrivain ne sont pas développés. Rien non plus sur la vie littéraire à l’époque où Jean écrivait, ni après la guerre alors que Louis tente de le faire éditer et de garder sa mémoire vivante. Au final, Bleus horizons tient plus de l’ébauche bien écrite que de l’incursion dans une époque à travers un écrivain qui sonne terne et que seule la guerre a électrisé. Les quelques vers cités sont élégants mais ne permettent pas d’envisager le génie. Pas plus qu’ils ne donnent envie de lire la totalité de son œuvre composée d’un roman et de quelques poèmes et contes.

Difficile de savoir si Jérôme Garcin s’est passionné pour cet auteur, en tout cas, il ne le rend pas passionnant. La faute peut-être aussi à une langue assez fade et conventionnelle.

Thématique Première Guerre mondiale sur Tête de lecture

Bleus horizons

Jérôme Garcin
Gallimard, 2013-03-07
ISBN : 978-2-07-013061-0 – 212 pages – 16.90 €

18 commentaires sur “Bleus horizons de Jérôme Garcin

    1. Il m’attirait, et me donnait l’occasion de découvrir Jérôme Garcin écrivain, mais ce fut un rendez-vous manqué…

  1. Je n’ai lu que deux livres de lui et je me suis dit : plus jamais ! J’acquiesce à tout ce que tu dis concernant sa plume. Concernant l’histoire, je ne peux rien en dire car je ne l’ai point lue.

    1. Je ne dis pas « plus jamais » car je m’attendais tellement à ce que ce livre me plaise que je pense ne pas avoir choisi le bon, celui susceptible de me plaire. Je retenterai avec un autre titre.

  2. Moi, je suis très sensible aux romans de Jérôme Garcin (même sans parler du masque), j’ai vraiment aimé les soeurs de Prague, Théâtre intime ou Olivier. Et là le sujet me tente particulièrement, la gémellité (sous toutes ses formes) est un sujet qui lui tient à coeur, bref je sais que je vais le lire. J’espère que je serai moins déçue que toi…parce que tu me mets comme un doute.

    1. Voilà mille et une fois que je me dis que je n’écouterai plus « Le Masque… » (version livres) car je trouve que les intervenants sont de moins en moins pertinents. Les trois femmes, Olivia de Lanberterie, Patricia Martin et Nelly Kaprielian font un vrai travail de critique, argumenté, mais les hommes sont juste là pour s’envoyer de bons mots et faire rire le public. La dernière émission (où il était question de Paul Auster) était juste lamentable : ils riaient tellement qu’ils ne pouvaient plus articuler deux mots. Et ne parlons pas de l’argumentation… Et ce sont ces critiques littéraires dits professionnels qui viennent traiter les blogueurs littéraires d’amateurs. Eux ne font pas toujours honneur à leur métier…

      1. Je te rejoins, j’ai écouté cette émission lamentable, il y en a un qui avait confondu deux livres et ça a rendu tout le monde hilare…mais quand même les autres romans de GArcin m’ont plu…

      2. Chère Ys, lorsque j’ai écrit mon com sur le livre de Jérôme Garcin, je me suis autocensurée et n’ai pas souhaité déclamer tout le mal que je pense (non pas de sa prose mais) de l’attitude complaisante des critiques littéraires à son égard. Le fait qu’il travaille au nouvel obs et dirige Le masque ne doit pas certainement être étranger à cet amas de louanges. Je suis d’accord avec toi et Galéa : les trois intervenantes font leur boulot, lisent, elles, les livres qu’on leur soumet. La dernière émission du Masque fut le pompon of the pompones du genre où à demi-mot, ce très cher Jean-Louis Ezine s’est permis de dézinguer un livre dont il n’a lu que les trois premirèe spages : no comment !

      3. Il ne faut pas te censurer, on est là pour discuter 😉 Et puis on ne dit pas de mal, on constate juste que « Le Masque et la Plume » part en eau de boudin. Il y a aujourd’hui heureusement bien d’autres émissions littéraires à se mettre sous la dent, de très bonne qualité. Dans le genre du débat de plusieurs journalistes : « La Dispute » sur France Culture le vendredi soir (à podcaster et à écouter le dimanche soir à la place du Masque…) et dans le genre d’un journaliste qui reçoit des auteurs : « Le Carnet d’or » d’Augustin Trapenard (pour moi le meilleur journaliste littéraire actuel -je ne le connais pas à la télé- : généreux, à l’écoute, pertinent, intelligent, modeste…), « L’humeur vagabonde » de Kathleen Evin (mêmes adjectifs que pour Augustin Trapenard) France Inter, « Du jour au lendemain » d’Alain Veinstein (France Culture). Largement de quoi ne pas s’encombrer les oreilles avec une bande de rigolos…

      4. merci pour ces bons conseils. J’adore la voix de Kathleen Evin. Je ne connais pas encore Augustin mais cela ne serait tarder. Quant à Alain, j’ai lu son roman L’intervieuwer qui m’a passionnée à l’époque. Oui, tu as raison, place aux gens modestes, intelligents et qui bossent, eux !

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