Ma révérence, c’est l’histoire d’un pauvre type qui fait toujours les mauvais choix. Pas bien courageux, voire même carrément fainéant, il n’a pas l’intention de travailler pour se sortir d’une situation sociale des plus critiques. Pas de boulot, pas de logement et un ami vraiment pas soluble dans le politiquement correct.
Mais par contre, il a une bonne amie, là-bas en Afrique, qui lui a annoncé qu’il était papa et qu’il était temps qu’il prenne ses responsabilités. Ses quoi ? Ah oui ! Ça veut dire gagner de l’argent. Alors pour ça pas de problème, Vincent a un plan, équitable en plus : enlever un gosse, braquer un fourgon conduit par son père et partager l’argent entre les protagonistes du braquage, non consentants compris. Avec son pote Gaby, il a tout prévu, ça ne va pas faire un pli : « voler de l’argent sans blesser autrui pour faire le bien, c’est pas si mal que ça » et c’est possible…
Sauf que dès le départ, le lecteur de Ma Révérence s’en rend compte, Vincent est loin d’être un cerveau et le plan ne tient pas la route. L’ami en question, Gaby Rocket, a « toute la panoplie du débile profond dont on a lesté le crâne avec une pelletée de fumier ». Il n’y a bien que Vincent pour trouver des qualités à ce raciste bas du front, rien moins que fiable. Tout part donc en eau de boudin, au profit de personnages tous plus denses et humains les uns que les autres. Tous se dévoilent petit à petit, les failles et contradictions se dévoilent pour dessiner des individus riches d’attentes et de rêves.
La vie se charge de balayer tout ça, laissant des gens fragiles, parfois haineux, souvent tristes sur lesquels le lecteur se penche parce qu’au final, ils lui ressemblent.
Le braquage, point de départ de l’histoire racontée par Vincent lui-même, devient un épisode propice à raconter d’autres vies, à croiser d’autres paumés. Le scénario, hasardeux au départ en raison de l’évidente impossibilité du plan, s’épaissit peu à peu, au gré des digressions de Vincent et des aléas du destin. Même si on n’en voudrait surtout pas comme petit ami, on l’aime Vincent parce que c’est un rêveur. Il est juste fainéant et bien trop tendre pour la société. Un type fragile, à dorloter.
Lupano signe avec Ma révérence un bel album rempli d’humanité et de tendresse. Les dialogues sonnent toujours juste et l’autodérision de Vincent fait sourire plus d’une fois : idéaliste mais pas aveugle. Rodguen, dont c’est le premier album, illustre avec générosité et humour une bande dessinée à la fois subtile et drôle, surtout émouvante.
Wilfrid Lupano sur Tête de lecture
Ma révérence
Lupano & Rodguen
Delcourt, 2013
ISBN : 978-2-7560-4153-7 – 126 pages – 17.95 €
Qu’est-ce que j’ai aimé cet album ! Comme tu dis, humour, autodérision et plein d’humanité… une recette qui me parle !
Plus je lis Lupano, plus je l’apprécie.
Je sens que ça devrait me plaire, rien qu’avec les citations.
(ton « vraiment pas soluble dans le politiquement correct », j’adore!)
Oh oui ça te plaira, sans problème.
Un paumé sympathique que tu donnes envie de découvrir.
Lupano arrive à le rendre sympathique, de même que son copain Gaby, ça n’était pas gagné…
Un de mes coups de coeur BD de cette année !
coup de coeur pour moi, j’ai adoré!
J’ai préféré Le singe…, je trouve sa porée symbolique plus forte, mais celle-là est très bien aussi.