Qu’est-ce qu’un linguiste peut bien faire de son temps de travail ? Quand il arrive au boulot le matin, à quoi s’attelle-t-il ? Rébus, scrabble, anciens dialectes, dictionnaires ? Rien de tout ça. Le linguiste est un homme (essentiellement) qui vit avec son temps et étudie la langue comme elle va.
A l’institut Wabash, comté de Kensey, on va même plus loin : on étudie le langage à la racine en observant des nourrissons.
Nous nous intéressons à l’acquisition du langage, des premiers babillements jusqu’à une maîtrise plus aboutie de la langue. […] La seule différence ici, c’est qu’il y a sept linguistes qui rôdent dans les couloirs, les salles de jeu, à côté des tables à langer et sous les berceaux, qui écoutent les suffixes verbaux, la glottalisation et tout un tas de trucs du même ordre.
Aussi Jeremy Cook, spécialiste des idiophénomènes, passe-t-il beaucoup de temps à quatre pattes à écouter Wally faire m’boui. Mais bien sûr, pas n’importe quel m’boui : il y a le m’boui descendant et le m’boui ascendant. Pour Wally, c’est très important. Et pour Jeremy, ça ne va pas tarder à l’être.
Car un meurtre va venir perturber le quotidien des linguistes de Wabash : l’un d’entre eux, Stiph, est retrouvé mort et scalpé dans le bureau de Jeremy. Deux autres cadavres suivront : de quoi faire voler en éclats l’apparent labeur de ces chercheurs qui se révèlent avant tout des commères de premier ordre. Car oui, la langue sert à parler, et donc à médire de son prochain. Quelqu’un a traité Jeremy de parfait trou du cul, et le jeune homme entend bien découvrir qui, tout en enquêtant, accessoirement, sur la mort de Stiph avec l’insolite lieutenant Leaf aux méthodes expéditives.
Autant dire que David Carkeet avec Le linguiste était presque parfait nous propose un roman policier des plus atypiques. Tous ces intellectuels surdiplômés passent leur temps à se casser du sucre sur le dos et à dépenser l’argent du contribuable à des recherches dont on peine à cerner l’utilité. On songe tout de suite aux universitaires du David Lodge de la grande époque, hilarant panier de crabes. David Carkeet mêle érudition et loufoquerie pour une joyeuse satire d’un milieu qu’il connait bien puisqu’il est lui-même linguiste. Il a cependant le bon goût de ne pas accabler le lecteur de théories, si ce n’est celle, énigmatique en diable, de contre-amitié, clef de ce roman policier excentrique.
.
Le linguiste était presque parfait
David Carkeet traduit de l’anglais par Nicolas Richard
Monsieur Toussaint Louverture, 2013
ISBN : 9791090724044 – 286 pages – 19 €
Double Negative, parution aux Etats-Unis, 1980
Déjà noté, et ton avis n’arrange rien! ^_^
J’espère bien !
Hier j’en parlais à la bibli de R. car je ne l’avais pas dans leur catalogue (recherches remontant à quelques semaines). Et là, surprise, ils l’avaient , tout beau tout neuf, pas fini d’équiper. Quelques minutes plus tard, la bête était prête! ^_^
Tu as de la chance : ils sont vraiment très réactifs dans cette bibliothèque…
Si tu fais référence à David Lodge des débuts, c’est vendu !
C’est celui que je préfère. J’ai été méchamment déçue par Mauvaises pensées, très vulgaires, alors que je garde de très agréables souvenirs de mes lectures précédentes de Lodge, surtout La chute du British Museum.
waaaaw les langues, c’est mon domaine
je crois que tu viens de trouver mon livre parfait, il faut que je me le procure
merci pour ce partage 🙂
J’ai de très mauvais souvenir de mes cours de linguistique, très mauvais (du genre « étudiez l’évolution de caballus jusqu’à cheval »), alors je n’étais pas aussi enthousiasme quant au sujet. Mais le traitement est tout simplement drôle et accessible, même pour les réfractaires comme moi ! Bienvenue ici à toi, chat de bibliothèque.
Voilà qui me tente au plus haut point !
Tant mieux, j’aime tenter 🙂
Je confirme, il faut le lire ! 😉
M’étonnerait qu’il récolte des avis négatifs ce livre, ou alors il faudrait un lecteur très mal embouché…
C’est marrant, avant même de lire ton dernier paragraphe ça me faisait penser à David Lodge ! Du coup, ça pourrait me plaire !
C’est le mélange humour et universitaires : sa marque de fabrique…
Je suis ravi de voir qu’il t’a plu 🙂
Il était au pied du sapin le 24 au soir et le 25, il était fini !
quel plaisir de te lire de bons billets sur des livres vers lesquels je n’irai pas de moi même! hélas il y a toujours une contre partie … ma liste , ben oui, la fameuse liste qui s’allonge sans fin, et pourtant je lis …
bon en 2014 je m’étais promis de ne plus rien noter avant d’avoir fini la liste de 2013 ..
et je ne tiens aucune de mes résolutions!
faut-il te dire merci
Luocine
Avec en plus une rentrée riche de plus de 500 titres, comment garder ses bonnes résolutions ? Bon, ceci dit, nous sommes le 7 janvier et je n’ai pas encore acheté de livres cette année : c’est beau, non ?
je n’ai pas lu ce roman qui m’a l’air très original ! Par contre j’ai lu » la peau de l’autre »‘, si tu ne le connais pas je te le conseille, un bon roman lui aussi ! J’en profite pour te souhaiter une bonne année à toi et ton blog 🙂
Je viens de découvrir que Le linguiste… n’était pas le premier roman de Carkeet traduit en français. Va falloir que je déniche ce titre en effet.
J’ai moi aussi de mauvais souvenirs de mes cours de linguistique ! Et bon, étudier le langage des bébés, bof. Le reste semble plus avenant. Mais je devrais peut-être sortir mes vieux David Lodge de ma PAL plutôt !
Un David Lodge poussiéreux n’est pas un bon David Lodge 😉 Mais je t’assure que celui-ci vaut lecture (et en fait, c’est la même époque).
C’est vrai qu’on pense à David Lodge, de lui, j’avais adoré Thérapie.
Moi aussi, excellent !
Il est déjà excentrique dans sa couverture !
Elle me ferait plutôt fuir cette couverte assez impitoyable pour les yeux…
Il est sur ma liste !
Bon réflexe 😉
La couverture pique les yeux quand même…
Tout à fait d’accord.
J’ai pensé au Dr von Igelfeld d’Alexander McCall Smith pour le côté « commères ».
Mince, il en a fallu du temps pour le traduire ce David Carkeet. Comme toi, je n’étais pas fan de linguistique, mais ton billet me donne envie de découvrir cet auteur.
Ah intéressant, je ne connais pas les commères de McCall Smith…
Rebonjour Sandrine, comment, je n’ai pas encore fait de coms sur ce billet? Honte à moi!. J’ai beaucoup aimé ce roman délicieux (si, si) plutôt drôle dans lequel les « contre-amis » et « mbouis » sont une notion et une locution d’importance. http://dasola.canalblog.com/archives/2013/10/02/28077347.html Bonne après-midi.
Je crois que le m’boui a définitivement marqué de nombreux lecteurs 🙂