C’est à plus de quatre-vingts ans qu’Aharon Appelfeld, grand écrivain israélien, décide de commencer à écrire pour les enfants. Adam et Thomas a tout l’air d’un conte bien qu’il soit très fortement ancré dans la Seconde Guerre mondiale et fasse appel à l’expérience personnelle de l’auteur.
Adam, neuf ans, sort du ghetto et est emmené à l’orée de la forêt par sa maman. Elle lui dit « Je vais faire mon possible pour revenir ce soir ». Mais le soir arrive et elle ne revient pas. Alors Adam rencontre Thomas dans la forêt, sa maman lui a dit la même chose : ne pas s’inquiéter, elle va revenir. Un jour passe et puis deux, une semaine et puis deux : les mamans ne reviennent pas. Adam, proche de la forêt grâce à des excursions familiales, sait se débrouiller pour construire un nid en haut d’un arbre et trouver à manger. Thomas lui est juste le premier de la classe et ça ne lui est guère utile.
Les deux enfants attendent. Ils attendent leurs parents et la fin de la guerre. Ils voient de loin en loin des fugitifs traverser la forêt, ils entendent des tirs, des canons : l’Armée rouge aurait-elle enfin délivré la région des Allemands ? Ils savent qu’ils ne doivent pas quitter la forêt, se terrent toujours plus profond, mais l’hiver arrive… Ils aperçoivent un jour une fillette de leur classe dans une clairière en train de traire une vache. C’est Mina. Elle ne leur parle pas, ne fait pas mine d’entendre leurs appels mais laisse désormais derrière elle des victuailles qui vont permettre aux garçons de survivre, alors qu’elle-même semble dépérir de jour en jour.
Tout oppose Adam et Thomas et c’est pourtant ensemble qu’ils vont s’en sortir. Adam, doté d’un sérieux sens pratique, tient sa sagesse de ses parents et grands-parents. Il est confiant car Dieu est dans la nature et qu’Il leur envoie de l’aide. Thomas lui est un petit intellectuel, digne héritier de son père professeur. Il a peur, se pose beaucoup de questions qui le tracassent et auxquelles il ne peut pas répondre. Adam et Thomas sont complémentaires, l’un est indispensable à l’autre.
Adam et Thomas revient sur un épisode marquant de l’enfance d’Aharon Appelfeld, quand enfant échappé d’un camp de concentration, il s’est retrouvé seul dans la forêt. Episode traumatique et fondateur, qui prend ici des allures de récit d’aventure et d’amitié. Survivre dans la forêt s’impose comme une épreuve, au cours de laquelle les deux enfants vont rencontrer des alliés, fragiles eux aussi : Mina et le chien Miro.
A la simplicité des mots d’Aharon Appelfeld s’ajoute la fraîcheur des dessins de Philippe Dumas. Ses aquarelles représentent tous les aspects de la forêt, à la fois généreuse, inquiétante, protectrice et sauvage. Parfois, il ne s’agit que de croquis et pourtant ils captent le mouvement ou la tonalité d’une scène, créant une ambiance très en harmonie avec le texte.
Les jeunes lecteurs seront sans doute sensibles à des sujets comme l’amitié, le courage, la peur, l’abandon. D’autres semblent a priori plus ardus, comme la foi ou la présence de Dieu dans la nature. Mais les uns peuvent aider à aborder les autres et ainsi permettre de précocement découvrir la plume d’un auteur à la fois simple et profond.
Aharon Appelfeld sur Tête de lecture
Adam et Thomas
Aharon Appelfeld traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti
L’Ecole des Loisirs (Grand format), 2014
ISBN : 978-2-211-21730-9 – 150 pages – 15 €
Yalda Shelo Minhaolam Hazé, parution en Israël : 2013
C’est le thème qui était développé dans Tsili. Ce serait intéressant de connaître la réaction des enfants d’aujourd’hui devant ce genre de récit.
J’aimerais bien le savoir aussi. Dommage que je n’ai plus d’enfants de cet âge-là pour tester car je me demande ce que de jeunes lecteurs non juifs aujourd’hui en France peuvent penser de ce roman.
J’ai lu Tsili aussi, je le conseille à certains étudiants (plus âgés que pour ce titre-ci).
Je crois que le thème de l’enfant perdu en forêt est un thème fondateur chez cet auteur. Il en est aussi question dans La chambre de Mariana. Je note Tsili que je n’ai pas lu.
Peut-être pas celui-ci mais le nom de cet auteur m’interpelle à chaque vois que je le vois. Lequel autre me conseillerais-tu ?
Je n’ai lu que La chambre de Mariana que je te conseille mais je pense que beaucoup de ses livres sont à lire.
Personnellement j’ai découvert l’auteur très récemment, donc je me note ce titre qui revient dans vos commentaires… J’ai lu seulement les eaux tumultueuses, mais je n’ai guère aimé, je me suis quand même assez ennuyée malgré des thèmes passionnants (la fin d’un monde, d’une époque, d’une sorte de confrérie, de fraternité etc). Je vais donc tenter un autre livre …
J’imagine tout à fait que les romans d’Appelfeld puissent ennuyer : c’est surtout une ambiance qu’il restitue, des souvenirs qu’il amasse. Plus une belle écriture. On y est sensible ou pas.
Je suis très troublée! J’ai beaucoup de respect pour l’auteur et suis très impressionnée par les drames qu’il a vécus. Ceci dit, j’ai trouvé ce récit très artificiel du fait, en particulier, que les deux enfants ne parlent pas du tout naturellement . Ce serait peut-être acceptable pour Thomas mais certainement pas pour Adam. Je suis triste de ma réaction, mais c’est ainsi!
C’est un conte. Je crois qu’il ne faut pas le lire comme un roman réaliste…
Ce livre est très marquant . Mes parents on été contants que je le lise car il pensaient que les autre
livre que je lissait sur sujet était bien trop durs pour mon jeune âge.
Je crois que celui-ci est abordable à tout âge.