L’Homme du peuple d’Andrzej Wajda

L'Homme du peupleQui a vécu les années 80 ne peut avoir oublié Lech Walesa, le Polonais le plus connu après le pape Jean-Paul II. On nous parlait de lui, de sa lutte contre le communisme, des chantiers navals de Gdansk alors que les files d’attente devant les magasins vides s’allongeaient dans le poste. Un héros. Le prix Nobel de la Paix puis la présidence de la République. Puis plus rien, ou plutôt plus rien de bon.

Andrzej Wajda choisit de nous raconter l’itinéraire glorieux de cet homme du peuple, arrêtant ce biopic à la chute du communisme. Car c’est de ça dont l’Histoire se souviendra, de cet homme qui se dresse contre la répression totalitaire, qui harangue et entraine les foules.

C’est à une journaliste italienne venue l’interviewer qu’il raconte à travers une série de flash-backs son itinéraire depuis les années 70. Depuis décembre 1970 et les grèves ouvrières réprimées violemment par un pouvoir sourd à toutes revendications. Walesa, électricien, est arrêté alors que sa femme Danuta est sur le point d’accoucher de leur premier enfant. Il cherche une poussette pour le bébé, mais cette vie familiale est perturbée  par les événements comme elle le sera tout au long de ces années. Pour quitter la prison où les grévistes se font tabasser sous ses yeux, il est contraint de signer sa collaboration avec le gouvernement. Andrzej Wajda par ce film nous fait comprendre qu’il n’honorera jamais cette signature.

Car il sera désormais de tous les rassemblements, il soulignera les contradictions des patrons, les promesses non tenues du gouvernement. Il se met à fréquenter des intellectuels à qui il plait car Walesa ne boit pas et est écouté de ses collègues. C’est un homme d’action qui ne tarde pas à distribuer des tracs, à prendre la parole en public et à dénoncer l’injustice. Il fait de nombreux séjours en prison, dont il ne sait jamais s’il va sortir. Au moment des grèves de 1980 aux chantiers navals (dont il a été renvoyé), il prend la tête des négociations avec le patronat et obtient tout ce qu’il demande. Mais le mouvement ne s’arrête pas pour autant : par solidarité avec les autres travailleurs du pays qui se sont eux aussi mis en grève, il poursuit la lutte. Bientôt, le monde entier a les yeux tournés vers la Pologne.

L’homme du peuple se révèle un film passionnant parce qu’il montre l’ouvrier, le leader, le mari. L’homme est saisi dans son intimité, dans les périodes qu’il passe près de sa femme exténuée et de ses nombreux enfants. Il reste fort, même quand, isolé et manipulé, on essaie de le faire passer pour responsable de la loi martiale désormais déclarée dans le pays. Il reste un homme droit, déterminé et courageux. Il fallait être tout ça pour faire ce qu’il a fait : tenir tête au communisme. Et  Robert Wieckiewicz, l’acteur qui incarne Lech Walesa avec un réalisme impressionnant, est de taille à affronter le monde entier pour son pays. A ses côtés Agnieszka Grochowska  (Danuta), est la femme Polonaise forte dans l’adversité, toujours présente et qui parvient (parfois) à arracher son mari des griffes des autres, de tous les autres qui l’accaparent.

Le film est lui-même hyper dynamique, rythmé par une musique très rock qui clame la liberté et la lutte. Les images d’archives se mêlent à la fiction dans des noir et blanc qui se fondent ensuite à la couleur : la fiction se mêle au documentaire sans heurt et sans abuser le spectateur. L’image finale est celle de Lech Walesa, le vrai, parlant devant le Congrès des Etats-Unis et l’ovation qui s’ensuit. Il est souriant, il est l’homme qui ébranla le communisme.

Les détracteurs de ce film parleront sans doute d’hagiographie. Pour moi, ce qu’a fait cet homme-là mérite au moins un film, un film d’un de ses compatriotes et amis parce qu’il est de ceux qui font l’Histoire par leur courage et ils ne sont pas si nombreux.

L’Homme du peuple

Sortie nationale : 19 novembre 2014
D’Andrzej Wajda avec Robert Wieckiewicz et Agnieszka Grochowska

14 commentaires sur “L’Homme du peuple d’Andrzej Wajda

  1. Je suis assez vieille pour me souvenir de l’irruption de Lech Walesa dans la vie publique polonaise, il a représenté un sacré espoir. Et il fut un temps où je ne ratais aucun film de Wajda (j’avais d’ailleurs eu l’occasion d’en discuter en Pologne et la différence de perception était grande entre les spectateurs Polonais et nous). Donc, je ne manquerai pas celui-ci.

    1. Il va falloir te précipiter si tu veux le voir au ciné car je l’ai vu à Paris, la semaine de la sortie et il n’y avait pas beaucoup de salles. C’était aux 7 Parnassiens, dans une toute petite salle, ça tombait bien parce que j’aime beaucoup ce cinéma, mais bon, nous étions 5 (ceci dit, à 10 h 30 un samedi matin pour voir un film polonais en v.o….)

    1. Oui, mouvementée. Mais c’est drôle, je n’ai pas souvenir aujourd’hui que ma grand-mère polonaise qui vivait avec nous ait dit quelque chose à propos de Lech Walesa. Ou peut-être étais-je trop jeune pour être à son écoute, je le regrette aujourd’hui…

    1. Oui, et de découvrir son parcours, de le suivre un peu dans sa vie familiale, ce qu’on connait peu car l’Histoire saisit les hommes qui la font à un moment donné et non dans leur globalité.

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