La France des années 60 a vu les environs des grandes villes se couvrir de tours toujours plus hautes, toujours plus laides : entasser les gens les uns au-dessus des autres dans des habitations faites pour durer… dix ans. Ainsi naquit Mongis, ainsi s’enrichirent ses élus. Et l’ingénieur Lapanade, beau-frère du président de la « Commission technique pour l’aménagement aux fins d’urbanisation prioritaire du hameau de Mongis et des zones boisées ou cultivées attenantes », d’emporter le gros lot (pour le planquer le plus loin possible).
Comment cet original de Razgouliaï a-t-il ne serait-ce que penser intéresser la commission avec ses espaces verts, son étang artificiel et ses maisons avec des pièces à ne rien faire ?! Le moindre mètre carré doit être rentabilisé, quelles qu’en soient les conséquences. Oups, il se trouve que deux corps sont coulés dans le béton… tant pis !
Peu à peu, mais assez rapidement tout de même, les tours et autres bâtiments de Mongis-Ville-Nouvelle s’enfoncent dans le sol et des trente-huit mille habitants il n’en reste que deux mille. Mongis est devenue une ville-fantôme dont personne ne souhaite se souvenir tant elle symbolise l’échec de tous ceux qui ont participé à sa création. Mais…
Pourquoi ne pas se montrer optimiste ? Pourquoi ne pas croire que Mongis, ville « impossible », féerie d’humanité accidentelle, de liberté fortuite, de bonheur incongru, vivra à l’abri du monde pendant des siècles encore ?
Pascal Lainé transforme alors les ruines de Mongis en utopie. Le troc, la débrouille et la solidarité deviennent les mots d’ordre. On n’hésite pas à détourner ce qui ne veut plus venir de l’extérieur, à dépouiller les égarés, à faire si besoin quelques raids à l’extérieur. Les autorités locales, la police, le fisc et autres taxeurs du monde moderne ignorent la ville retranchée derrière ses murs. Les habitants sont autonomes et autosuffisants. Et surtout contents de leur sort. Ce qui à la longue, finit par fâcher. Pensez donc : un endroit où l’on vivrait heureux sans rien devoir à personne !
Avec Derniers jours avant fermeture, je découvre avec grand plaisir Pascal Lainé et son style tellement caustique. Il ne cesse de prendre le lecteur à parti et d’intervenir dans son histoire. Son humour fait mouche tout au long du récit, un humour acerbe qui souligne les contradictions de notre société moderne que seul le profit intéresse. Quelques allusions et situations brossent des personnages immédiatement familiers, du politicien corrompu à l’utopiste libertaire. J’aime bien cet humour-là, méchamment intelligent.
Et on rit, en s’interrogeant sur cette incroyable capacité de l’homme à détruire tout ce qui pourrait faire son bonheur…
Derniers jours avant fermeture
Pascal Lainé
Fayard, 2001
ISBN : 2-213-60978-0 – 184 pages – 14.33 €
Je me disais que j’étais passée totalement à côté de ce livre, 2001, je comprends ! Ceci dit, ça ne m’intéresse pas trop 2014 ou 2001 …
oui, je lis parfois des « vieilleries »… 🙂
Bien sûr qu’il faut lire les vieilleries, voire des classiques… ^_^ Hélas cet opus n’est pas à la bibli (nul n’est parfait). dans le genre caustique, je me souviens de la médaille de Lydie Salvayre. (de mémoire lointaine)
Lu Lydie Salvayre il y a trop longtemps, faudrait probablement que je m’y remette…
Un style qui me plairait. Je note.
Si on aime le noir grinçant, c’est parfait !