Les neiges bleues de Piotr Bednarski

Les neiges bleuesPetia n’est encore qu’un petit garçon quand les Soviétiques envahissent son pays. Lui et les siens sont déportés en Sibérie, en tant que Polonais opposants au régime. Avec sa mère, il est assigné à résidence dans un petit village tandis que son père, soldat polonais, est envoyé au goulag. Il est libéré contre toute attente en 1941 quand l’Allemagne attaque l’URSS qui a donc besoin de soldats.

Les Neiges bleues a beau être sous-titré « roman », il s’agit bien là des souvenirs de l’auteur qui vécut l’exil dans ce lointain village qui pour ne pas être tout à fait l’enfer du goulag en était l’antichambre. L’enfant a tout à craindre : le froid (il peut faire jusqu’à moins cinquante…), la faim, les poux et surtout Staline, qui le poursuit jusque dans ses rêves.

Les ténèbres furent le cauchemar de mon enfance. Les ténèbres et aussi Staline. Je supportais mieux les ténèbres : elles avaient un début au crépuscule, et une fin à l’aube, et elles n’avaient pas toujours l’opacité des ténèbres bibliques. Tandis que Staline, ce voyeur génial, était partout. A tous les coins de rue, sur toutes les affiches, jusque dans nos rêves. Le guide, le timonier, le père. Souvent, j’essayais de le fixer en pleine lumière pour vaincre ma phobie. En vain. La terreur ne me lâchait pas l’âme.

Les villageois vivent sous la surveillance du NKVD qui ordonne, procède à des arrestations, déporte et exécute. La terreur est au cœur de tous, engendre suspicion et méfiance.

Dans ce contexte, la mère de Petia apparait comme un ange. Elle illumine son entourage qui l’appelle Beauté. Elle fascine les hommes, ce qui lui cause bien des problèmes et entrainera sa mort. Elle aime généreusement, entoure son fils d’amour  et de la crainte de Dieu, elle qui est née juive. Sa douceur, sa force vive et son tempérament d’amoureuse sont à eux seuls insupportables au régime et symbolisent l’inexpugnable résistance.

Petia est à l’évidence un enfant doué, qui va à l’école du village, dirigée par un plénipotentiaire du NKVD. Il ne se fait pas à la rhétorique mortifère du parti, se réfugie dans la lecture et surtout dans la poésie : il commence à composer des vers.  Mais le régime détruit tous les membres de sa famille, les uns après les autres.

Les Neiges bleues est un beau texte très sobre sur une enfance douloureuse, qui donne à voir de l’intérieur les crimes du communisme. Il ne se focalise pourtant pas sur la souffrance, au contraire. Chaque chapitre forme comme une petite anecdote ou une scène de vie qui dit l’amitié, la solidarité et l’amour, surtout l’amour.

Je colmatais mon estomac avec de l’ail sauvage, des oignons, des fleurs comestibles. Mais il fallait aussi nourrir le cœur – l’amour criait famine.

Ainsi Piotr Bednarski redonne-t-il voix et vie, le temps de quelques pages à des gens qui ont été anéantis par le régime soviétique, sont devenus au mieux des numéros mais souvent des inconnus abattus au bord d’un chemin.

 

Les Neiges bleues

Piotr Bednarski traduit du polonais sous la direction de Jacques Burko
Autrement (Littératures), 2004
ISBN : 978-2-746704534 – 139 pages – 13 €

Błękitne śniegi, parution originale : 1996

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