La maison d’édition Mirobole choisit de nous faire découvrir des auteurs inconnus en France, issus de pays qu’on disait jadis de l’Est. Par le biais ici du roman policier, elle nous invite à lire un roman d’investigation assez traditionnel, si ce n’est que l’enquête est menée par un procureur de la République.
Il est intéressant de constater à travers le choix de ce roman en particulier, que ce qui est traduit de la littérature polonaise relève au final de l’Histoire. En effet, le procureur Teodore Szacki va devoir se pencher sur le passé communiste de son pays, sur ces années noires que chacun préfèrerait oublier mais qu’il ne suffit pas d’enfouir dans sa mémoire pour qu’il disparaisse : les acteurs sont toujours là.
Il est justement question de mise en scène dans la thérapie dite de constellation familiale du docteur Rudski. Il s’agit pour les participants de revivre les drames de leur vie via des mises en scène orchestrées par le thérapeute avec tous ses patients réunis. Chacun incarne un membre de la famille impliqué dans l’histoire personnelle du patient traité. Pour Henryk Telak, la thérapie finit mal puisqu’après une séance, il est retrouvé mort, un pic à rôtir planté dans l’œil. A l’évidence, l’un des participants de la constellation familiale est son assassin.
C’est donc Teodore Szacki, procureur du district de Varsovie-centre qui dirige l’enquête. Dans un premier temps, il tourne autour de cette thérapie jusqu’aux hypothèses les plus fantastico-farfelues : est-il possible que le participant d’une thérapie de constellation familiale s’investisse à ce point dans un rôle qu’il en endosse les griefs jusqu’à commettre un acte que l’individu lui-même n’a pas commis ? Est-il possible d’assumer les pulsions criminelles de son modèle au point de passer à l’acte ? Y va-t-il de la possession ? Szacki sent bien que sa supérieure ne va pas apprécier…
Parce qu’il piétine autant dans son enquête que dans sa vie familiale trop banale pour être excitante, Szacki se met à reluquer la jeune journaliste venue l’interroger. Elle est belle, intelligente, libre et plutôt ouverte à ses attentions. Il commence à lui donner rendez-vous dans un café, ils s’échangent des SMS de moins en moins avouables. Ce qui est clair pour monsieur le procureur, c’est qu’une aventure avec Monika mettrait un peu de sel dans sa vie, dynamiserait sa virilité et confirmerait à ce trentenaire bon mari et bon père que son charme n’est pas totalement usé. Oui mais voilà, outre qu’un fonctionnaire de la République n’a pas les moyens financiers d’une aventure galante de haut vol, tout ça est aussi très dangereux. Et Szacki n’en finit pas de ratiociner, s’interrogeant sur son mariage, son métier, son pays… et nous faisant visiter sa ville, Varsovie.
On ne s’étonne dès lors pas que quand il s’agit de romans policiers, Szacki tombe d’accord avec Monika sur l’excellence de Ian Rankin et Henning Mankell. Car Zygmunt Miłoszewski inscrit son enquêteur dans la lignée de ceux qui ont déjà si bien fait leur preuve. Pour eux, l’enquête n’est pas une simple énigme leur permettant d’exprimer leurs talents : il s’agit bien de sonder la société, de dresser un tableau réaliste de l’état de leur pays, voire de sonder une ville. Il y avait l’Edimbourg de Rankin, il faut aujourd’hui compter avec la Varsovie de Miłoszewski.
Il n’est plus à démontrer que le roman policier et le roman noir sont d’excellents vecteurs pour donner à voir l’état d’une société loin des discours officiels et de la propagande touristique. Et quand il s’agit de la Pologne, comme dans tous les pays qui ont subi une dictature (Argentine, Espagne…) le poids du passé est considérable car les acteurs des années les plus noires sont toujours bien là et que l’Histoire a des répercussions bien après le retour à la démocratie.
Autre caractéristique de ces enquêteurs tant appréciés aujourd’hui : leur vie privée a au moins autant d’importance que l’intrigue policière. Si Szacki n’est ni alcoolique ni divorcé, il a un bon potentiel… A suivre donc.
Zygmunt Miłoszewski sur Tête de lecture
Les impliqués
Zygmunt Miłoszewski traduit du polonais par Kamil Barbarski
Mirobole Editions (Horizons noirs), 2013
ISBN : 979-10-92145-09-0 – 441 pages – 22 €
Uwikłanie, parution en Pologne : 2007
Beau début d’année 2015 ! Où la pile menace déjà de dégringoler…ça a l’air vachement bien, ça…
Au début, la thérapie est assez déconcertante, puis tout se met en place à son rythme, celui des enquêteurs désabusés…
J’ai beaucoup aimé ce polar. Il me semble que le deuxième sort très bientôt, je retrouverai l’enquêteur avec plaisir.
Oui, il sort en ce début d’année. Certainement que ce premier volume a bien marché et c’est tant mieux car on ne lit pas si souvent de romans policiers polonais. Il y a aussi la série de Marek Krajewski que j’essaierai aussi.
C’est gentil de ne pas le présenter en VO
il est là, posé sur l’étagère, attendant son tour !!! Car je compte bien le lire très vite ce roman dont je commence à beaucoup en entendre parler de manière fort positive. Et ta chronique me dit qu’il y a urgence à la faire !!! 🙂 J’en profite pour te souhaiter une bonne année !! 🙂
Je crois que cette maison d’édition charme le lecteur français par l’originalité de ses choix. Personnellement, je n’ai pas accroché à Vongozero par exemple, mais j’apprécie cependant beaucoup la diversité proposée.
Déjà repéré… je visiterais bien Varsovie avec ce policier, en attendant de la visiter pour de bon !
Moi tout pareil, mais il faut vraiment que j’enrichisse mon vocabulaire : j’apprends très péniblement aujourd’hui à compter jusqu’à 10, c’est pas gagné, sans parler de tenter d’écrire cette langue !
J’ai déjà bien du mal avec l’italien, je te laisse le polonais ! 😉
Un polar à découvrir alors…
J’en profite pour te souhaiter une très bonne année 2015 et te donner RV comme d’hab à St Malo 😉
Je ne serai probablement pas à Saint-Malo cette année… mais bonne année quand même 🙂
ça me tente énormément. Les livres lus chez Mirobole m’on toujours beaucoup intéressés
J’ai aussi lu une Russe et une Suédoise chez eux : j’aime cette façon de voyager !
Je ne sais pas trop si c’est pour moi… mais bon, je verrai les prochains billets :))) Au fait… très bonne année!
Toi qui fais régulièrement des voyages en Europe, tu n’as jamais été tentée par la Pologne ? Pour ma part, plus je m’y intéresse, plus j’ai envie de la visiter !
Très bonne année à toi aussi, j’espère que l’hiver ne sera pas trop long 😉
Mirobole et la Moldavie avaient frappé très fort déjà! Maintenant, la Pologne! A suivre.
Pas encore tenté le moldave, mais pourquoi pas : avec de telles initiatives, on se prend à succomber à des charmes qu’on n’imaginait pas !
Un bon souvenir de lecture. J’attends également la suite….
Pour très bientôt !
MIrobole est une mine, J’ai déjà lu plusieurs de leurs publications mais pas du tout celui là donc ….
Bonne année livresque à toi et merci pour ton blog qui me permet d’engranger des titres à lire auxquels je n’aurais jamais pensé
C’est pour ça que j’aime les blogs : ils nous permettent d’élargir considérablement nos horizons de lecture. Belle année à toi aussi !
Je te suis sur tout sur ce polar, le fond de social, politique, etc, la vie privée,l’enquête, très bon roman noir.
Je vais lire le deuxième sous peu, à l’occasion de l’anniversaire de l’auteur : si tu veux te joindre à moi pour cette lecture…
Je l’ai lu le mois dernier et j’ai été assez emballée. Notamment comme tu le soulignes pour le fait qu’on entre à la fois dans l’intimité de l’enquêteur et dans l’histoire du pays. Le côté psychologique est aussi intéressant. Bref, je serais ravie de lire le nouveau ^^
C’est une belle découverte en effet que nous offrent là les éditions Mirobole. Je vais lire le prochain tout bientôt car Zygmunt Miłoszewski fait partie des écrivains que j’ai retenus cette année pour mon petit défi « Anniversaires d’écrivains » : pour lui, c’est le 8 mars prochain, si le coeur t’en dit !
Je suis totalement d’accord avec toi sur le fait que le roman policier est révélateur de l’état d’une société. C’est vrai ici pour la Pologne. Sur le livre lui-même je suis plus réservé que toi. La place trop importante consacrée à la Constellation familiale et l’invraisemblance de la découverte du coupable par l’organisation de sa propre séance de thérapie par le procureur Szacki m’ont fait tiquer. Mais la chronique est bien.
C’est vrai que cette thérapie est un peu bizarre, et qu’elle prend un peu trop de place dans le roman. Mais au final avec le temps, on l’oublie, enfin moi je me souviens finalement beaucoup plus du contexte, de la portée sociale et politique du roman. Mais surtout, essaie le second tome : il est encore mieux !