Russell Core reçoit une lettre de Medora Slone : elle vit en Alaska et son fils de six ans vient d’être enlevé par des loups. Il est le troisième au village. Elle n’espère pas le retrouver vivant mais elle voudrait que Core, qui a vécu dans le parc du Yellowstone et écrit un livre sur les loups, parte à la recherche de son corps et le lui ramène. Et parce qu’il est seul, vieux et inutile, il part pour l’improbable Keelut, à la recherche d’un cadavre d’enfant.
Medora l’accueille chez elle, passe la nuit avec lui, mais au matin elle est partie. Et Core découvre le cadavre de l’enfant dans la petite cave de la maison : étranglé. Pour Core et pour Don Marium qui va mener l’enquête, ça ne fait aucun doute : Medora Slone a tué son fils avant de s’enfuir. Alors que Vernon Slone est sur le point de revenir d’une guerre dans un lointain désert après un an d’absence, les deux hommes cherchent à en savoir plus. Mais Keelut n’est pas un village comme les autres, c’est le bout du monde, presque la fin du monde, en tout cas la fin d’une certaine forme de civilisation et la porte ouverte sur le monde sauvage.
Russell Core, Don Marium et Vernon Slone : trois hommes qui se lancent à la poursuite d’une femme comme on traque un loup. Medora Slone est-elle un danger ou un révélateur ? Est-ce qu’au bout d’une traque se trouve toujours la proie coupable ou une forme de révélation ? Au sens aussi d’illumination individuelle.
C’est le propre du nature writing que de faire du lieu un personnage. Keelut, c’est le lieu où se mêlent animalité et humanité. Les habitants sont à l’image du climat : hostiles voire dangereux. Qui n’est pas né à Keelut est un étranger contre lequel il faut s’unir. La nature façonne les êtres à son image, elle les enveloppe, les retient serrés dans ses bras de glace et de nuit. Ainsi Vernon Slone n’a pas eu besoin de la guerre pour devenir implacable ; elle ne l’a rendu que plus efficace.
Car ce sont bien des hommes durs et âpres comme on les aime dans les grands romans américains que nous dessine William Giraldi dans son premier roman. Les placer dans un milieu extrême ne fait que renforcer leur absolue solitude face à l’immensité du monde. Certains témoignent d’une violence qui semble héritée des paysages eux-mêmes. Car ce nature writing-là n’est pas de ceux qui s’extasient devant les beautés de la nature nourricière ou généreuse. Quand on vit dans cet environnement-là, on risque sa vie tous les jours : beaucoup trop de nature (le froid, la neige, le vent…), pas de civilisation ou si peu (pas de police, pas de médecin ni de médicament à disposition, tout juste l’eau courante depuis peu). Et surtout, chacun se forge ses propres codes, son échelle de valeurs personnelle et ses croyances. Dès lors la vie, l’amour, la mort et tout le reste deviennent relatifs.
Avec une grande économie de mots, William Giraldi va droit à l’essentiel. Il est probable qu’il ira loin.
Aucun homme ni dieu
William Giraldi traduit de l’anglais par Mathilde Bach
Autrement, 2015
ISBN : 978-2-7467-3968-0 – 308 pages – 19 €
Hold the Dark, parution aux Etats-Unis : 2014
ce livre est douloureusement beau !
J’aurais bien aimé dire un mot sur la fin du roman et ce qu’elle implique de liberté et d’amour, mais il vaut mieux ne pas en dire trop pour que les lecteurs la découvrent aux-mêmes…
tentant! cela fait longtemps que je ne me suis pas penché sur du nature writing; bon samedi 🙂
Moi certainement encore plus longtemps car ce n’est pas mon genre de prédilection, mais là, j’ai été séduite.
Acheté le jour de sa sortie. Très envie de m’y mettre très vite !
Chez le même éditeur, comme tu n’as pas aimé Retour à Little Wing que j’ai moi beaucoup apprécié, je ne sais plus trop s’il te plaira…
à lire, oui !
Le billet de Clara m’a déjà beaucoup tentée ; tu confirmes.
Je suis sûre qu’il va y en avoir d’autres sous peu !
En effet, voilà une vraie tentation !!
C’est une tentation à laquelle il faut céder si tu aimes le nature writing et ce genre d’âpres personnages.
Hum, tentant!! Un autre. Bah je me plaints mais dans le fond je suis ravie après les avoir lus. 😉
Oui, car c’est toujours un plaisir de récolter des conseils sur la blogosphère 😉
Il me semble l’avoir vu quelque part (une sélection de Télérama, non ?) (désolée, Clara, je n’ai pas vu ton billet, j’ai du mal à me remettre à la visite des blogs jusqu’à aujourd’hui) mais donc après toutes ces parenthèses, mon intérêt est éveillé et je le note !
En tout cas, il est en couverture de Livres Hebdo cette semaine !
Lu plusieurs commentaires allant dans ton sens. Je pense que je le lirai si je le trouve à la bibliothèque
Si elle ne l’achète pas, il faudra le lui suggérer 😉
Tout doucement , je me mets au Nature writting. Mais je n’en suis qu’au début, il ne faut pas qu’il y en ait beaucoup.
Moi tout pareil : du nature writing avec point trop de nature dedans 🙂
Excellent roman,une grosse claque pour moi mais à ne pas comparer à « retour à Little Wing » par pitié!Bien plus sauvage,fouillé et captivant que la niaiserie pré-citée.Un roman qui hante la mémoire.
J’ai aimé Retour à Little Wing bien qu’il ne soit bien sûr pas du tout dans la même veine (j’ai des goûts éclectiques finalement…). Je le citais juste en commentaire parce qu’il s’agit du même éditeur qui a le mérite de nous proposer de nouveaux auteurs, dans des registres différents. Aucun homme ni dieu est en effet un roman très fort, « sauvage » est un excellent adjectif qui convient à tous les niveaux.
On est d’accord,Autrement sort de très bons romans dans l’anonymat.Ils avaient aussi sorti un Danois plaisant l’an dernier et surtout un Woodrell de tout premier ordre aussi.
Bonne journée Sandrine.
W.