Londres après minuit d’Augusto Cruz

Londres après minuit« Forrest Ackerman vivait pour les monstres et certains d’entre eux, les plus légendaires, survivaient grâce à lui ». Pour tout amateur de cinéma fantastique, le tout premier cinéma fantastique, l’incipit de Londres après minuit est un hameçon inévitable. Forrest Ackerman était un de ces « monsieur science-fiction », de ces collectionneurs qui ont sauvé des merveilles à force de piller les poubelles des studios de Hollywood. Sa maison regorge de monstres du premier 7eme art, de magazine, d’objets aussi précieux qu’hétéroclites, de l’anneau de Bela Lugosi dans Dracula au costume de l’étrange créature du lac noir (il prétend même posséder la cape de Dracula, c’est étrange, j’ai toujours cru savoir que Bela Lugosi avait exigé d’être enterré enroulé dedans…).

Vieux, la mémoire rongée par Alzheimer, ce collectionneur demande à McKenzie, agent retraité du FBI de partir pour lui à la recherche d’un des dix films les plus précieux portés disparus : Londres après minuit. Réalisé en 1927 par le grand Tod Browning avec l’immense Lon Chaney, Londres après minuit est de ces films mythiques entourés de mystère ; on dit même qu’il est maudit. De fait, ceux qui ont pu le voir lors d’une projection très privée dans les années quatre-vingt, sont tous morts assassinés. Toute sa vie, Forrest Ackerman l’a cherché en vain. Avant de mourir, il voudrait le voir encore une fois, comme quand il avait onze ans et qu’il s’émerveillait devant le premier film de vampires américain.

Le roman débute comme un festival en l’honneur de stars disparues, avalées par le cinéma parlant, et de films pour la plupart oubliés mais qui excitent plus que jamais les amateurs. Et un livre où Lon Chaney est encore admiré est forcément un bon livre. Cette plongée nostalgique dans le cinéma fantastique et d’horreur est portée par une intrigue des plus probables, qui tourne au roman d’aventure dans une version où le héros est fatigué.

Car ce McKenzie n’est pas de la première jeunesse. C’est d’ailleurs sur son expérience que Forrest Ackerman fonde ses espoirs : McKenzie était un agent vraiment spécial puisque l’ancien homme de confiance de J. Edgar Hoover, fondateur du Bureau Fédéral d’Investigation. Il ne néglige rien, ses méthodes sont celles du FBI, et ses adversaires aussi. Car McKenzie découvre qu’il n’est pas seul à chercher le film mythique, qu’un homme de l’ombre néanmoins milliardaire tente de lui mettre des bâtons dans les roues. Pour faire de Londres après minuit une pièce de plus de son extraordinaire musée privé ?

McKenzie voyagera jusqu’au Mexique, traversant des villages entièrement passés aux mains des narcotrafiquants, se frayant un chemin à la machette dans la jungle jusqu’au château d’un autre excentrique, anglais celui-là. Londres après minuit se fait alors roman d’aventure, quasi roman d’espionnage, laissant affleurer de (trop ?) rares pistes qui permettent d’en savoir plus sur le passé de McKenzie, cet époux et père qui a brutalement vu disparaitre femme et enfant.

Au final, Augusto Cruz fait tant et si bien qu’on ne sait plus séparer la réalité de la fiction. Aussi n’est-il pas nécessaire d’avoir vu les films évoqués, ni de mettre un visage sur tous les acteurs. Je parie cependant que l’envie sera forte d’en savoir plus et de plonger dans ces merveilles du cinéma fantastique. Si beaucoup ont disparu, il en reste de nombreuses à notre disposition. Allez donc faire un tour du côté d’Archive.org : c’est une mine en matière de vieux films et de beaucoup d’autres vieilles choses !

Il n’est donc pas nécessaire d’en savoir beaucoup sur les débuts du cinéma pour apprécier cette intrigue en forme d’hommage à un monde englouti dont il reste de brillants vestiges sauvés parfois par quelques excentriques.

 
Londres après minuit

Augusto Cruz traduit de l’espagnol par André Gabastou
Bourgois, 2015
ISBN : 978-2-267-02738-9 – 411 pages – 22 €

Londres despues de medianoche, parution originale : 2012

11 commentaires sur “Londres après minuit d’Augusto Cruz

    1. Tout à fait possible en effet : il peut se lire comme un roman noir, un roman policier, un roman d’aventure…ça devrait combler pas mal de lecteurs !

    1. J’ai écrit que c’était fouillis ? Non… c’est très enlevé, plein de rebondissements, mais pas fouillis, on ne s’y perd pas en tout cas.

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