Si à une époque Bob Dylan a pu être la contestation, aujourd’hui, c’est la consternation.

Au moins 527 éditeurs dans le monde entier ont fait une attaque à l’annonce du lauréat, suivis d’un nombre plus considérable encore de libraires : cette année, il ne se vendra pas de livres du prix Nobel. Une perte économique difficile dans le contexte actuel, mais qui n’est rien au regard de ce que signifie ce choix.
Parmi tout ce que la littérature compte d’écrivains, de poètes, d’essayistes aujourd’hui, il a fallu qu’un chanteur obtienne le prix Nobel de littérature.
Tout le monde aime bien Bob Dylan et tout le monde connaît au moins une de ses chansons. Un chanteur populaire, soit. Et certainement plus que ça : je n’ai personnellement pas les moyens de juger de son apport à la musique américaine, voire mondiale, voire au-delà si l’on veut.
Mais où est la littérature dans tout ça ?
Bob Dylan a été récompensé « pour avoir créé dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine de nouveaux modes d’expression poétique« . C’est donc un poète que l’académie suédoise voulait récompenser ? Ça tombait bien, elle en avait un sous la main. Il s’appelle Adonis, c’est un poète syrien.
Et être un poète syrien aujourd’hui, en 2016, ça a plus de sens qu’être un chanteur américain. Même populaire. Parce que si le prix Nobel n’est finalement pour la grande majorité des gens qu’un signe (« hep les gens, faudrait le/la lire celui/celle là ! »), il a aussi une portée symbolique forte. C’est pourquoi il a été attribué à des écrivains engagés, contestataires, en opposition avec la politique de leur pays. Une portée politique. Oh, le gros mot !!
Pourquoi donc se prendre la tête plutôt que de pousser ensemble la chansonnette, dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine ? Lire Murakami, c’est compliqué, y’a du symbole là-dessous… Et Joyce Carol Oates, mon dieu quelle noirceur cette femme… non, créons le buzz, déjouons les pronostics, voilà qui est bien plus tendance.
Il y avait encore deux ou trois institutions dont on pouvait attendre quelque chose. L’académie Nobel en était une. Moi je croyais qu’elle permettait de mettre en lumière un écrivain (africain par exemple, injustement méconnu sous nos climats), couronner une carrière ou souligner un engagement. Voilà ce que dit la page Wikipédia concernée :
Le prix Nobel de littérature (Nobelpriset i litteratur en suédois) récompense annuellement, depuis 1901, un écrivain ayant rendu de grands services à l’humanité grâce à une œuvre littéraire qui, selon le testament du chimiste suédois Alfred Nobel, « a fait la preuve d’un puissant idéal ».
Qu’est-ce qu’il chantait en 1964 Bob Dylan ?
Come writers and critics
Who prophesize with your pen
And keep your eyes wide
The chance won’t come again
And don’t speak too soon
For the wheel’s still in spin
And there’s no tellin’ who
That it’s namin’.
For the loser now
Will be later to win
For the times they are a-changin’
Oui, décidément, les temps changent…
.
Eh bien, tu m’ôtes les mots de la bouche. J’en suis restée pantoise…J’aime bien écouter Dylan , le personnage ne m’est pas plus sympathique que ça…Mais Nobel,… oui, je pense que c’est une posture du jury Nobel, rien d’autre. à mon pauvre avis. Et qui entérine une certaine paresse intellectuelle.
Bien d’accord… et Don Delillo, alors!
Je n’aurais pas mieux dit…
Dommage… c’était un prix qui jouissait encore d’un certain prestige à mes yeux 😦
Quand j’ai lu le titre de ton billet, j’ai pensé ‘mais c’est un gag!’. J’aime bien Dylan, mais…
Je suis consternée.
Au début j’ai cru à une blague. Hélas, le mélange des genres et la confusion gagnent même une institution comme le Nobel. On est mal barrés…
Moi aussi je suis assez « surprise »…
Rien à ajouter à ton billet hélas, il reflète tout-à-fait ce que je pense.
Comme Keisha, j’ai cru à une blague… j’attendais qu’on nous livre le vrai nom !!
J’entendais ce matin à la radio les commentaires d’auditeurs ravis que pour une fois, le Nobel n’était pas un écrivain chiant et pompeux… je me suis étranglée avec ma biscotte !
Je ne m’inquiète pas trop pour les éditeurs : ils trouveront certainement quelque chose à publier.
Un prix qui perd en crédibilité du coup je trouve ….
Dommage !
Bon je vais reprendre ma lecture en cours : André Gide « si le grain ne meurt » (prix nobel 1947 , je viens de vérifier :-))
Bonne journée
Pour info :
http://culturebox.francetvinfo.fr/livres/evenements/bob-dylan-des-ecrivains-contestent-son-nobel-de-litterature-247335
Oui, moi aussi j’ai été étonné par ce choix mais de là à en faire une tartine, genre scandale, il y a un pas que je ne franchirai pas. Comme vous l’avez lu dans Wikipedia, quelques lignes après votre citation, il est écrit : « Le prix Nobel honore avant tous les romanciers, essayistes, poètes et dramaturges. » Poète, Bob Dylan l’est – un peu moins ces dernières années, je vous le concède – et la poésie s’exprime sous de multiples formes, lui la met en musique et ce, depuis cinquante ans ! Une épaisseur suffisante pour ne pas l’exposer à la critique du « buzz ». Par ailleurs, je ne connais pas votre âge, mais sachez que pour moi qui suis Dylan depuis (presque) ses débuts, 1966-1967, ses textes ont marqué ma génération et sont toujours des références qui en valent bien d’autres… Comme je ne veux pas polémiquer, je ne réagirai pas à la phrase, « cette année, il ne se vendra pas de livres du prix Nobel » (Prix Nobel = commerce ?), mais ça me laisse rêveur… J’ai bien compris que votre billet a été écrit dans l’urgence et l’énervement, dommage… Très cordialement.
Je n’en suis pas remise… Et JCO ? Et Philippe Roth????
J’avoue que je connais peu Bob Dylan, bien que je sois de sa génération. Certes, la chanson et la musique ne sont pas de la littérature, et à ma connaissance (je peux me tromper), Dylan n’est pas un auteur de livres. Cependant, si les textes de ses chansons sont si bons qu’ils pourraient se passer de la mélodie qui les accompagne (je n’en sais rien ; en plus, je ne pratique pas l’anglais), s’ils ont une valeur en eux-mêmes, pourquoi ne pas considérer cela comme de la littérature (au bon sens du terme, en fait, comme de la poésie) ?
Un exemple (entre beaucoup d’autres) : ce que l’on a appelé, dans le domaine de la chanson française, « les chansons de jacques Prévert » – ça, je connais bien ; je suis très « chanson française », particulièrement celle dite « rive gauche »…. Ces chansons, en réalité, étaient des poèmes mis en musique (par Joseph Kosma, merveilleux musicien et mélodiste, dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale). Les mélodies en étaient fort belles et convenaient très bien aux textes du poète. Ceux-ci n’en existaient pas moins fort bien en dehors d’elles (puisqu’au départ, c’était « seulement » de la poésie, pas forcément destinée à être mise en musique et chantée), n’en appartenaient pas moins à la littérature !
Quant à l’argument que cela va faire perdre de l’argent aux éditeurs et aux libraires, il me laisse perplexe. Ce prix, je suppose, n’a pas été créé pour faire gagner de l’argent à ces branches professionnelles. Cela me fait penser à la colère des boulangers-pâtissiers lorsqu’il y a quelque trente ans, l’Église catholique avait décidé de déplacer la date de l’Épiphanie (désormais non plus le 6 janvier, mais je ne sais plus quand…), parce qu’ils vendaient encore plus de galettes des rois ce jour-là chaque année. Comme si la fête chrétienne de l’Épiphanie ou des Rois-mages avait été créée pour que les boulangers puissent augmenter leur chiffre d’affaires, et qu’ils étaient trahis ! C’est un peu pareil pour le prix Nobel de littérature ; que je sache, il n’a pas été inventé pour que les libraires puissent s’enrichir.
Il y a deux ans, quand ce prix a été décerné à Patrick Modiano (que j’adore), j’ai été très heureuse pour lui, même s’il était déjà très connu et avait reçu déjà plusieurs récompenses au cours de sa carrière d’écrivain. Et si cela lui a rapporté de l’argent, tant mieux pour lui. Je ne vois pas pourquoi il faudrait choisir un auteur, parce qu’il n’est pas connu et n’a pas beaucoup d’argent. Quel critère ! On peut préférer un auteur, vouloir le récompenser, même s’il n’est pas pauvre et méconnu. Ce qui compte, c’est ce qu’il écrit, c’est l’émotion qu’il donne, le bonheur qu’on a le lire, et le montant de ses revenus ne doit pas être pris en compte (c’est le cas de le dire) pour départager.
Enfin, ce jury fait ce qu’il veut et ce qu’il juge bon. On ne peut pas contenter tout le monde, même s’il s’agit d’un écrivain à proprement parler, qui n’a jamais composé de musique pour accompagner ses textes. A propos de Modiano, je me souviens de certains commentaires : « C’est nul et rasoir », « Il abuse des imparfaits du subjonctif ; bien écrire, c’est pas ça », « Il raconte toujours la même chose », « Chacun de ces romans ressemble à un bottin des rues de Paris », « Mais qu’est-ce qu’on peut lui trouver à ce type ? Et en plus, il a le Nobel, maintenant ! », etc.
Ce n’est que mon avis. Amicalement.
Nous sommes en phase semblerait-il….
Je suis d’accord avec toi. Je ne comprends pas ce choix. Il y a tellement d’écrivains talentueux qui ont eu un impact sur la littérature. Personnellement, j’espérais que le prix soit attribué à Joyce Carol Oates, mais d’autres grands écrivains, comme ceux que tu cites, le méritaient tout autant. Je suis déçue.
J’ai cru à une blague au début… Pour moi le prix Nobel ne récompense pas la popularité mais la qualité, et là je suis un peu pantoise !
personnellement, je pense à peu près la même chose que le Bouquineur. Lui et moi, on doit avoir le même âge… Je voudrais bien que Dylan s’exprime et défende son oeuvre comme étant de la littérature ( ou de la non -littérature, pourquoi pas?) contre ces gens qui l’encensent ou le vilipendent ( cela revient au même). C’est dommage qu’il fasse le mort.
Ce que j’apprécie dans cette polémique, c’est qu’on parle moins de ce Trump qui fait la une des USA depuis je ne sais combien de temps. Merci aux Nobel pour la diversion!
Je reste assez sceptique…Au début, j’étais interloquée et puis je me suis renseignée et ai découvert que le prix n’avait pas toujours été attribué à des écrivains. Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais dirigé mes choix de lecture en fonction des prix littéraires donc je ne me sens pas trompée. J’ai l’impression que beaucoup élèvent leur voix alors que, comme moi, cette attribution ne les touche ni de près, ni de loin. Dès qu’il s’agit d’une institution renommée, que l’on ose bousculer ou moderniser, ça provoque une polémique pas toujours justifiée. Mais au moins, cette histoire m’aura permis de m’instruire sur le prix Nobel 🙂
D’accord avec vous. Les prix littéraires ne m’intéressent absolument pas et ne sont jamais des critères de choix de lecture pour moi…
Auteur-e africain-e tu dis ? Je verrais bien le prix Nobel à Léonora Miano pour l’ensemble de son œuvre ❤
J’aime ton coup de gueule mais j’avoue que je ne le partage pas vraiment. J’écoute Dylan à petite dose, j’aime ses textes, j’aime sa musique. J’ai été vraiment surprise de sa nomination au Nobel mais je le suis presque chaque année, pour d’autres et diverses raisons. J’aimerais comme Dominique que Dylan s’exprime mais je comprends son silence. Ce prix a dû lui tomber dessus à lui-aussi.
La littérature pour moi, c’est du texte, qu’il soit chanté, proclamé ou juste écrit, on s’en fiche. Que dire du slam? Où est la limite?
Bien sûr qu’il y a des implications pour les libraires etc, comme pour les universités avec les prix scientifiques (un Nobel et vous grimpez dans les classements, vous attirez plus de chercheurs, plus d’argent, etc). Mais cela ne devrait pas avoir d’influence sur le choix, non?
J’aime beaucoup Bob Dylan mais je rejoins ton avis, je suis assez perplexe qu’il ait reçu le Nobel de littérature.