Le brigand bien-aimé d’Eudora Welty

le brigand bien-aiméEudora Welty… quel nom charmant, aujourd’hui largement oublié chez nous. Il fut pourtant celui d’une femme de lettres et photographe américaine qui vécut presque centenaire sans beaucoup quitter son Sud : née et morte à Jackson, Mississippi, elle a traversé le XXe siècle et participé à l’affirmation de cette littérature dite du Sud. Faulkner, dit-on, s’est extasié sur son talent. Elle excellait dans la forme courte, nouvelles et contes. Le Brigand bien-aimé est l’un d’entre eux, publié en 1942.

C’est un conte de fée qui puise largement dans ceux des frères Grimm tout en s’inscrivant dans un folklore résolument américain : les méchantes marâtres côtoient les féroces Indiens, et tous contribuent au rocambolesque d’une histoire débridée.

Le candide Clément Musgrove de retour de La Nouvelle Orléans, rencontre dans une auberge un certain Jamie Lockhart auquel il raconte sa vie. Il l’invite à venir le visiter chez lui, dans sa demeure devenue une plantation prospère. Ce qui bien sûr intéresse beaucoup Jamie Lockhart qui est à la tête d’une troupe de bandits de grand chemin. Clément s’en retourne chez lui près de sa fille, la belle Rosamonde et de sa seconde femme Salomé. Cette dernière est une vipère jalouse qui voudrait bien se débarrasser de sa belle-fille.

Car tandis que Rosamonde était belle comme le jour, Salomé était laide comme la nuit, et elle pouvait toujours grincer des dents, cela ne l’embellissait pas.

La méchante envoie la pauvrette au fin fond des bois, espérant qu’elle s’y perde ou se fasse enlever. Peine perdue. Sa jalousie ne connaît plus de borne quand Clément ramène à sa fille une robe magnifique. Elle conclut un marché avec Bouc, un homme de rien un peu simplet, pour perdre la jeune fille. Qui rencontre dans les bois, non pas le Grand Méchant Loup, mais bien Jamie Lockhart, ce qui revient au même : dans un premier temps, il lui vole ses beaux habits, et lors d’une deuxième rencontre, « il lui déroba ce qu’il lui avait laissé la veille ». Le brigand bien-aimé, c’est lui…

Je vous passe les détails de cette aventure absolument rocambolesque, qui frôle même parfois le grand n’importe quoi. Car Eudora Welty pervertit les codes du conte, les manipule en les saupoudrant d’un humour débridé, bien loin du réalisme souvent sordide de leurs origines européennes. Loin aussi de la morale qui clôt les contes traditionnels. C’est assez déconcertant. Cet humour n’a par exemple rien à voir avec celui de Flannery O’Connor, la contemporaine d’Eudora Welty, beaucoup plus réaliste et sarcastique, qui malmène ses semblables et assume le rôle de tête de file féminin du southern gothic.

Cambourakis réédite Eudora Welty : quel plaisir de pouvoir lire ces textes méconnus dans de si belles éditions !

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Le Brigand bien-aimé

Eudora Welty traduite de l’anglais par Sophie Mayoux
Cambourakis, 2014
ISBN : 978-2-36624-069-6 – 111 pages – 16 €

6 commentaires sur “Le brigand bien-aimé d’Eudora Welty

    1. Oui ! On a de la chance d’avoir en France des éditeurs qui nous permettent de lire des textes dans de belles éditions. Ils sont de plus en plus nombreux d’ailleurs à s’attacher à publier des romans américains parus initialement il y a trente, quarante ans ou plus et qui ne nous arrivent qu’aujourd’hui (ou bien sont indisponibles depuis longtemps)….

  1. Cambourakis, ça vaut toujours le détour (en tout cas, ils ne m’ont pas déçue jusqu’à présent), et puis les contes de fée, moi je ne résiste pas, et si en plus ça s’inscrit dans un folklore résolument américain, je suis cuite !

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