On a lu beaucoup de romans tristes sur la Seconde Guerre mondiale qui bien sûr, ne fut pas une rigolade. Si on a pu lire des textes à l’humour très particulier sur le sujet, par exemple sous la plume d’Edgar Hilsenrath, il fallait bien un Haïtien pour lui donner un autre ton, presque festif parfois. Mais qu’a donc Haïti à voir avec la Seconde Guerre mondiale ? Louis-Philippe Dalembert nous le raconte, on peut même dire qu’il nous le dévoile, vite, avant que les ombres s’effacent…
Le ton est donné dès le prologue : le 12 décembre 1941, Haïti déclare la guerre au Troisième Reich. Oui, la petite île des Caraïbes contre le Grand Méchant Empire… On dirait une galéjade, sauf que la petite île qu’on savait à peine loger sur une carte fait plus, beaucoup plus, elle fait même ce qu’aucun autre pays n’a fait : elle offre la nationalité haïtienne à tous les Juifs qui le veulent.
On se souvient qu’en 1938, la conférence d’Evian, autrement appelée la conférence de la honte, se soldait par un échec : aucune de nos belles démocraties n’acceptait de revoir ses quotas pour accueillir les Juifs contraints de quitter l’Allemagne et l’Europe. On s’indigne des persécutions mais on en reste là. Sauf donc Haïti, qui n’est pas que le petit pays martyr et souffrant qu’on connaît, accablé par la misère et les éléments. Et pour que tout le monde le sache, Louis-Philippe Dalembert s’empare de cet épisode méconnu pour imaginer le destin d’un certain Ruben Schwarzberg, un Polonais qui connaîtra l’exil et dont la famille s’éparpillera dans le monde entier.
C’est un véritable périple que vit ce jeune Juif sous la plume de Louis-Philippe Dalembert. On le suit lui et toute sa famille de Pologne jusqu’en Allemagne où il entreprend des études de médecine. Quand les persécutions se font trop fortes, la famille se disperse : une tante en Palestine, une soeur en Amérique bientôt suivie par les parents. Pour lui, ce sera Buchenwald, beaucoup moins accueillant. Il y reste peu de temps, mais assez pour rencontrer et sympathiser avec un certain John Nichols qui se fait passer pour un Noir américain mais qui est en fait haïtien. Il lui donnera une bonne adresse…
… qui lui permettra de mener la belle vie à Paris, alors que la guerre est aux portes du pays. Le jeune Juif polonais est accueilli à bras ouverts par la petite mais joyeuse communauté haïtienne de Paris qui s’occupe de lui en attendant le diplomate qui entérinera sa naturalisation. Il rencontre la poétesse Ida Faubert, son confrère Roussan Camille, fréquente le bal Nègre, écoute Joséphine Baker, succombe dans les bras de la femme d’un Dominicain.
Mille et une péripéties tissent la vie de Ruben Schwarzberg qui devenu vieux, très vieux, se raconte à sa nièce qui en 2010 fait partie des médecins volontaires venus secourir le pays. Raconter le sort des Juifs, mais aussi raconter la formidable solidarité exprimée par le peuple haïtien. Évocation, hommage, souvenirs réinventés, ce texte réjouit par son dynamisme. Des pauses sont ménagées par le retour au vieux Ruben, et on aurait aimé qu’il continue le récit de sa vie bien au-delà de son mariage. Car la plume de Louis-Philippe Dalembert rend ces personnages très présents et humains. Sa façon de mêler drame et humour leur confère une dimension particulière qui fait de Avant que les ombres s’effacent un roman original et surprenant.
.
Avant que les ombres s’effacent
Louis-Philippe Dalembert
Sabine Wespieser, 2017
ISBN : 978-2-84805-215-1 – 294 pages – 21 €
J’ai vraiment envie de le lire, ce livre. D’autant qu’au feuilletage, l’écriture m’a paru très élégante.
Tout à fait. J’aurais dû ajouter quelques extraits… C’est une langue tout à fait chatoyante.
Voilà quoi me plaît beaucoup mais beaucoup 🙂 je vais encore lire quelque-chose glané chez toi 🙂
Après tout ce temps, je ne m’étonne plus que nous ayons des plaisirs de lecture communs : c’est sans doute une des raisons de ce compagnonnage bloguesque de tant d’années…
J’ai repéré ce titre. Et l’auteur est au festival de Saint Malo, cette fois ci, j’avais vérifié … Alors je n’ai plus beaucoup de temps à attendre !
Oui, et je l’ai fait figurer dans la liste des auteurs avec lesquels j’aimerais animer une rencontre. Mais je n’ai pas encore de retour (ça va bientôt urger !)… j’ai par contre ceux pour les Imaginales : les choses avancent…
Ce serait génial que ce soit toi qui anime ! Tu me réserves une place au premier rang ! Bon courage en attendant que l’organisation du festival se décide à te donner ton programme, et bonnes Imaginales …
J’aurais été étonnée qu’il ne te plaise pas ! malgré toutes les lectures déjà faites sur le sujet, il amène vraiment un ton très personnel.
Au final, il fait partie des deux qui m’ont le plus plu dans ma sélection pour le prix du roman historique (avec le Dominique Maisons). Les autres ont certainement lu de bonnes choses aussi : j’ai hâte d’être à la réunion de délibérations pour de nouvelles idées de lecture !
oh que j’ai envie de lire ce livre , et bravo à Haïti , comme quoi ni la taille ni la richesse ne font la grandeur d’une nation!
La déclaration de guerre d’Haïti au Troisième Reich est présentée de façon comique, car bien sûr, il y a démesure, mais symboliquement parlant c’est très fort, et la naturalisation des Juifs, c’est unique !
Repéré chez Aifelle, il a tout pour le plaire !
Je le pense aussi.
Déjà noté, tu penses bien que certaines blogueuses ont su en parler, tu confirmes, je vais le demander à la bibli
Sûr qu’il va rencontrer le succès : on aime bien ici la littérature haïtienne, même si je crois que Louis-Philippe Dalembert est encore un peu moins connu que d’autres auteurs haïtiens.
J’ai grande envie de le découvrir, merci pour tous ces beaux articles aux multiples gouts. C’est vrai que j’ai lu beaucoup de livres sur la seconde guerre mondiale plus particulièrement le génocide mais je n’ai encore jamais lu la seconde guerre mondiale sous un autre regard qu’un juif. Je le note !
J’étais curieuse en vérité de voir comment un non Juif allait se tirer du récit de la vie d’un Juif pendant la guerre. C’est assez délicat comme approche, il y a outre le folklore et les traditions, un état d’esprit et bien sûr un humour tout à fait propre à la culture juive, fait de beaucoup d’autodérision. Eh bien cet humour se marie fort bien avec l’haïtien, rien ne m’a choquée.
Je l’ai déjà noté et tu renforces mon envie. La tournure des phrases des écrivains haïtiens est souvent pleine de poésie
Oui, je crois que la langue française s’enrichit beaucoup par la littérature francophone.
Je ne connaissais pas cet acte de courage d’Haïti avant qu’on parle (un peu) de ce livre sur la blogosphère. Ton billet me donne bien envie de le lire, cela doit être très plaisant.
Quand la littérature nous en apprend sur l’Histoire, surtout celle qu’on pense bien connaître, je trouve ça formidable.
Un pan d’histoire que je ne connaissais pas
Je crois qu’on en apprendra tous en lisant ce roman…
je suis conquise! d’autant plus que je suis en train de terminer « Gouverneurs de la Rosée » de Jacques Roumain, et que j’ai bien envie de lire d’autres romans qui parlent d’Haïti!
Oups ben oui (merci à ton index hyper pratique, plus que Google pour trouver les billets, j’ai même oublié Aifelle! ^_^)