Un si beau monstre de François Forestier

Un si beau monstreSi pour vous Marlon Brando c’est don Corleone ou Kurtz, après lecture de Un si beau monstre ce sera « fuck machine ». En effet, François Forestier s’applique à énumérer les très nombreuses conquêtes du « plus grand acteur du monde » qu’elles soient hommes ou femmes à un rythme qui finit par donner le tournis et faire oublier qu’effectivement, il fut un grand acteur.

Deux parties pour ce livre : « Up » l’ascension et « Down » la chute, précédées d’une scène de meurtre auquel l’auteur semble avoir assisté même si l’affaire n’a jamais été vraiment résolue. Christian Brando tirant sur l’amant de sa sœur et papa Brando maquillant le tout, embobinant la police de son charme universel.

Le charme oui, le charme à l’œuvre. Avec un père violent et une mère alcoolique et nymphomane (il faut bien que ça vienne de quelque part…), le gamin se fait rebelle dès l’adolescence et subjugue les spectateurs quand il monte sur les planches. Brando c’est d’abord le théâtre (et cent petits boulots) et l’énorme succès de Un tramway nommé Désir qu’il jouera huit cent soixante-cinq fois, toujours de façon imprévisible. Il prend plaisir à déstabiliser les autres acteurs, mais aussi les spectateurs. Puis c’est l’adaptation au cinéma avec Vivien Leigh la nymphomane.

Ça, on l’aura compris : Vivien Leigh saute sur tout ce qui bouge, se promène nue dans la rue, fait des scènes à son mari, Laurence Olivier. Il y a aussi Elia Kazan qui trahit, dénonçant ses petits camarades à la commission d’enquête sur le maccarthysme, et ça c’est mal. Et Marie Trintignant assassinée par le chanteur de Noir Désir. Qu’est-ce que ça vient faire là ? Ben on ne sait pas, mais l’auteur saute sur tous les scandales, tous les malheurs qui touchent ou toucheront ceux qui de près ou de loin ont approché Brando. D’où la très longue liste de suicidés, drogués, aliénés. Mais que vaut-elle ? Combien James Stewart ou Johnny Depp ont-ils croisé de gens qui finiront mal ? Il faudrait pouvoir comparer, le métier d’acteur n’est pas de tout repos…

Bref, François Forestier met nettement l’accent sur la phase noire de Marlon Brando. Mais il y a aussi les phases lumineuses, notamment avec ses amis en France, à Paris. Brando est un mâle dominant, « humiliations, mauvaise volonté, caprices, paresse, indiscipline » sont courants sur les tournages à moins qu’il ne tombe sur plus fort que lui et dans ce cas, il rentre dans le rang. Bref, c’est un lâche qui profite de la faiblesse des autres… Avec ses femmes ou compagnes, sa vie tourne au scénario hystérique. Elles finissent toujours par se transformer en furies, par le fuir et les enfants qui lui sont attribués finiront mal, gravement perturbés. A la fin de sa vie, enfermé dans son bunker de Mulholland Drive, il ne voit plus que sa femme de ménage colombienne et c’est à elle qu’il fait trois enfants, entre dix hamburgers et vingt pots de glace… Sordide en effet… Mais cet homme a-t-il été heureux ?

La célébrité commence à le ronger. C’est presque invisible en 1955. Il a encore ce charme, cette beauté extravagante, cette aura qui le distinguent du commun des mortels. Il va désormais s’ingénier à transformer sa vie en tragédie. Sa mère morte, son père éloigné, ses amis devenus des courtisans, ses femmes transformées en paillassons, son raton laveur abandonné, il ne reste plus rien. Le talent va se dissoudre, la beauté s’effacer, la royauté crouler. Au bout, il ne restera qu’un vieil homme seul, attendant la mort devant sa télé allumée en permanence.

Il est beaucoup question du tournage des Révoltés du Bounty : sept minutes de film en un an à cause de Brando ! Beaucoup moins malheureusement de Reflet dans un œil d’or, autrement réussi pourtant. J’aurais aimé en savoir plus sur les relations Brando-Coppola, sur les tournages du Parrain et d’Apocalypse Now. Il n’est quasi pas question de L’homme à la peau de serpent, d’ailleurs, Anna Magnani n’est envisagée que d’un point de vue sexuel. Car on l’aura compris, l’angle d’attaque de François Forestier pour écrire la vie de Brando, c’est le sexe. Ça finit par lasser car aujourd’hui à l’évidence, on se fiche de ses frasques, ce qui nous reste, ce sont les films. Des bons et des moins bons, mais toujours le magnétisme et la présence d’un type à l’évidence torturé, mais habité.

En lisant Un si beau monstre il semble qu’il n’y ait rien pour sauver le soldat Brando du gros lard qu’il est devenu : tout s’oriente vers la fin. Moi, c’est un autre Brando qui me plaît et ce qui m’intéresse c’est de savoir comment il choisissait ses rôles, ce qu’il faisait en jouant de cette formidable énergie sexuelle, comment il travaillait tel ou tel personnage, ce qu’ils étaient pour lui. Un être solaire réduit à une icône diabolique, c’est trop peu. Il est question de ses frasques, pas de ses engagements pour les minorités (Indiens, Noirs) ou de façon très anecdotique.

François Forestier semble pourtant bien connaître la filmographie de Brando et avoir rencontré beaucoup de ceux qui l’ont côtoyé. Dommage donc que le portrait soit si orienté, qu’à part quelques Parisiens, personne ne témoigne de sa vitalité, de son énergie et de son charme autre que sexuel. Et puis bien sûr, autant de pages consacrées à décrire son charme sans une photo pour l’illustrer, c’est vraiment dommage…

François Forestier sur Tête de lecture

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Un si beau monstre

François Forestier
Albin Michel, 2012
ISBN : 978-2-226-24027-9 – 283 pages – 19,50 €

6 commentaires sur “Un si beau monstre de François Forestier

  1. Décevant, alors? Le closer de l’époque?
    Reflets dans un oeil d’or, film génial (si tu ne l’as pas vu, fonce)
    Merci pour la photo ^_^

  2. voilà un livre qui ne me tente pas du tout, je n’avais aucune illusion sur cet acteur qui pourtant est souvent excellent. Pas toujours, dans » le parrain » il m’a terriblement ennuyé (désolée) mais je n’oublie pas « un tramway nommé désir »

  3. Fuck machine ! Eh eh ! Bon cela reste assez glauque pour certains passages (un meurtre maquillé !), je ne suis pas certaine d’avoir envie d’en savoir plus… Tout comme Luocine, je reste sur mon impression de Un Tramway nommé désir

  4. pas du tout fan de François Forrestier qui a une tendance à l’acharnement dans ses articles sur les célébrités…je me souviens d’un article absolument dégueulasse sur Kurt Cobain dans le Nouvel Obs …

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