Les rois d’Islande de Einar Mar Gudmundsson

Les rois d'IslandeJ’ai cherché Tangavik sur une carte d’Islande. Il est probable que vous aussi, si vous lisez Les rois d’Islande, vous chercherez à localiser ce petit port de pêche qui abrite la saga des Knudsen, ces hommes et femmes qui en ont fait l’histoire depuis des siècles. On est pêcheurs chez les Knudsen, sauf quand on n’a pas le pied marin et qu’on fait carrière à la caisse d’épargne. Astvaldur, Arnfinnur, Jakob, Haraldur, Ingunn, Sigtryggur et les autres vous deviendront si familiers qu’il vous faudra vous aussi en savoir plus sur « l’Etat cabillaud ». Et ne vous inquiétez pas de savoir si Sigtryggur est un homme ou une femme : Einar Mar Gudmundsson est sans doute un petit plaisantin qui a bien décidé de perdre les non-Islandais (et peut-être les Islandais eux-mêmes, allez savoir…) dans une généalogie aussi réjouissante que tentaculaire.

Tout comme son neveu Jakob, Arnfinnur avait appris les accords de guitare au Nœud avec Magni Knudsen, qui était le frère d’Astvaldur Knudsen, père d’Arnfinnur et d’Asthildur Knudsen, mère de Jakob. Magni était le cadet, il mourut assez jeune. Reynir Arnason, père de Jakob Knudsen, disparut de Tangavik sans que personne ne sache jamais ce qu’il était devenu. Asthildur se remaria avec Magnus Bjarnasson, dit Mangi le Riche, qui se débarrassa d’elle un peu plus tard, après avoir fait main basse sur deux bateaux, un chalutier et une conserverie. Jakob Knudsen avait également des demi-frères et sœurs, tous beaucoup plus jeunes. Gréta Knudsen était l’une d’entre eux.

Le pilier de la famille, celui autour duquel, croit-on, va se construire ce récit, c’est Arnfinnur Knudsen nouveau professeur à l’école Holtaskoli. Bien. Mais le facétieux narrateur de cette chronique familiale choisit d’aller et venir le long des diverses branches de la famille livrant ça et là quelques informations liées à l’état civil qui permettront aux plus méticuleux d’entre les lecteurs d’établir un semblant d’arbre généalogique. Sauf qu’à l’évidence, il est bien plus agréable de lire Les rois d’Islande en voguant au gré des générations et des péripéties d’un clan dont l’histoire est faite de succulentes anecdotes.

Car il n’y a pas ici d’intrigue à proprement parler, mais des histoires et des personnages qui reviennent, font référence et sont repris par un narrateur qui prend plaisir à intervenir sans jamais se dévoiler. Ils forment un festival, que dis-je, un feu d’artifice de drôlerie et d’humour qui m’a fait éclater de rire. Oui. Et c’était pour une histoire de caca dans une paire de chaussettes trouées. Oui, c’est trivial mais bon sang, ce Gudmundsson a un don pour raconter qui vous collera un sourire de trois cent vingt-six pages alors autant en profiter.

Souvent avinés, de mœurs dissolues, les Knudsen de Tangavik nous permettent d’apprécier un humour islandais résolument divertissant mais parfois aussi très critique sur ce pays qui a vécu en version accélérée le rêve financier avant de retomber dans la crise. Une petite vacherie par-ci par-là, y’a pas de mal et ça fait toujours plaisir…

Hafsteinn avait découvert quantité de nouveaux bonbons en Amérique, de même qu’y coulaient toutes sortes de produits de toilette, ce qui correspondait parfaitement à l’avènement de ces temps nouveaux où les Islandais commençaient tout juste à se laver les mains et à se brosser les dents.

Rude la vie des Islandais ? Sans doute, mais vue par l’œil de Einar Mar Gudmundsson, elle vous semblera avant tout réjouissante et hautement aventureuse.

J’aurai le plaisir d’interroger Einar Mar Gudmundsson au cours du festival Étonnants Voyageurs de Saint Malo : ne le manquez pas !

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Les rois d’Islande

Einar Mar Gudmundsson traduit de l’islandais par Eric Boury
Zulma, 2018
ISBN : 978-2-84304-812-8 – 326 pages – 21 €

Islenskir kongar, parution en Islande : 2012

26 commentaires sur “Les rois d’Islande de Einar Mar Gudmundsson

  1. Un roman que j’ai ajouté à ma PAL dès mon retour d’Islande tant je ne voulais pas quitter cette ambiance si particulière. J’espère m’y plonger bientôt et en retirer autant de plaisir que toi.

    1. Le narrateur semble affirmer au début du roman que les Islandais n’ont pas d’humour. Je ne sais pas ce que tu en as pensé suite à ton séjour, mais ce Gudmundsson en tout cas dément très brillamment cette affirmation.

  2. Je ne vais pas à Etonnants Voyageurs, dommage ! J’ai noté ce livre dès sa sortie, je surveille son arrivée à la bibliothèque, je pense qu’il me plairait.

    1. Je crois que cette année, les gens vont de toute façon avoir un peu de mal à y aller vu qu’il n’y a pas de trains en gare de Rennes et quelques grèves… j’espère quand même qu’il y aura un peu de monde…

  3. Comme Si celle, je tourne autour de ce livre depuis sa parution. Je craignais qu’il ne soit trop  » lourd  » , tu me rassures. Bon festival à toi.

  4. Vu cette chronique enthousiate, je vais me procurer ce roman illico ! Je n’ai lu que quelques romans islandais au profit des romans noirs de cette île. J’ai rarement été décue dans un genre comme dans l’autre.

    1. Je n’avais moi non plus pas encore donné dans ce côté humoristique des écrivains islandais, plutôt l’aspect légèrement dystopique et donc critique sociale. Je ne suis pas déçue de la découverte.

  5. Je l’ai abandonné à la moitié. Il n’y pas d’intrigue, non, et c’est ça le problème pour moi. On survole, on va d’un personnage à l’autre, les anecdotes s’empilent, on ne sait plus qui est qui et on se perd dans l’arbre généalogiques de cette famille nombreuse. C’est enlevé et on sourit souvent mais je me suis très vite lassé, dommage…

    1. Ah misère, quel dommage oui ! Effectivement, il n’y a pas d’intrigue et le roman progresse à coups d’anecdotes. Et la famille, j’ai dressé un semblant d’arbre généalogique pour ne pas m’y perdre (et ne pas avoir l’air de ne pas avoir lu le livre…) mais il est vraiment évident que l’auteur cherche à embrouiller le lecteur et le fait de façon fort divertissante à mes yeux. Et vu d’ici, avec tous ces noms imprononçables, c’est encore pire 🙂 A lire ton commentaire, j’imagine donc aussi que ce peut-être décourageant.

  6. Quelquefois il me semble que Zulma multiplie les parutions islandaises et je me perds un peu, j’ai du mal à repérer les bons auteurs des effets de mode. Donc grâce à toi, je note ce titre et cet auteur.

    1. Il y a pas mal d’auteurs islandais chez Zulma en effet, ce qui nous permet de découvrir un pan de cette littérature plutôt par ailleurs tournée vers le polar pour ce qui est des traductions françaises.

  7. Je craignais que ce ne soit une sombre histoire islandaise, je vois qu’il n’en est rien… bon, je ne suis pas sûre que le manque d’intrigue me plaise, mais je tenterai peut-être tout de même ! 😉

  8. Je me suis mise sur la liste d’attente pour ce livre à la bib départementale. Pour l’instant, il doit être dans une bib du département, je dois attendre les rotations

  9. Chez Zulma, j’ai surtout lu des indiens. Mais l’Islande me fascine depuis longtemps et ton billet attise ma curiosité. Je vais lire ça très bientôt donc.

  10. J’arrive de chez Jérôme qui n’a pas réussi à le finir. Du coup, je suis encore plus curieuse. J’adore les avis contrastés. Et bon, ya l’Islande.

  11. bonjour,

    j’étais présente au Nouveau monde à St-Malo lorsque vous avez interrogé cet auteur, et du coup je me suis procurée ce livre. (avec une dédicace de l’auteur bien sûr!)
    merci pour ce beau moment de partage et l’index pointé sur l’humour qui dégage de ce livre et qui m’a donné envie de l’acheter, j’espère que malgré tout le côté anecdotique ne m’empêchera pas de le lire du début à la fin!

    1. Merci beaucoup pour ce commentaire qui me fait extrêmement plaisir : si via ces chroniques ou les rencontres que j’anime je peux donner envie de lire et surtout faire partager mes enthousiasmes alors me voilà tout à fait comblée !

  12. Bonjour Sandrine, je l’ai commencé depuis 4 jours, je suis déjà « paumée » avec tous les personnages de la famille mais c’est sympa à lire. Bonne fin d’après-midi.

  13. Bonjour Sandrine, je suis nettement moins enthousiaste que toi. J’ai lu le roman avec plaisir mais il ne m’en ai rien resté. D’ailleurs, je n’ai pas écrit de billet à son propos. La couverture est sympa et cela se lit bien mais c’est pas résumable. Bonne fin d’après-midi.

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