Jeff Sutton, la trentaine, est chauffeur de taxi. Un brave type, quoique texan, qui n’hésite pas à véhiculer gratos deux filles saoules pour les dépanner. Mal lui en prend. D’abord, l’une d’elles vomit dans sa voiture, ensuite il va falloir nettoyer, enfin aller en prison… Oui en prison, non pour avoir transporté en douce deux petites nanas mais pour enlèvement, séquestration et peut-être bien meurtre.
Une gamine de douze ans a été enlevée et pour son malheur, Jeff s’est trouvé dans sa maison quelques heures avant sa disparition… Il y a laissé ses empreintes digitales sur une fenêtre après quoi il a nettoyé à fond son taxi… pour cause de vomi. Oui mais voilà, il faut un coupable à la police de Westboro et les empreintes vont suffire à incarcérer Jeff et à le garder enfermé dans le couloir de la mort (pour le protéger…) pendant de très nombreux mois. Et même à le déclarer coupable.
Le lecteur suit Jeff Sutton, l’anti-héros par excellence qui ressemble à Monsieur Tout-le-Monde. Il est vous, moi, n’importe quel citoyen pris dans une spirale qui débute par une enquête bâclée, se poursuit à cause d’un avocat incompétent, d’une opinion publique avide de coupable et enfin par la prison qui réduit à rien la volonté d’un innocent Étape par étape, Iain Levison décortique l’Injustice américaine, ses lois, son système.
Ils n’ont jamais vraiment cherché à arrêter le véritable coupable… ils voulaient quelqu’un susceptible de l’être, et qui n’avait ni les ressources ni la famille pour faire des histoires. Quelqu’un pour empêcher les médias, les parents de la victime et les résidents de Westboro de leur reprocher de ne pas faire leur travail. Ça aurait été super d’arrêter le vrai coupable, mais ça n’était pas une nécessité. Quand une fillette de douze ans est enlevée à sa riche famille, vous ne pouvez pas ne pas exhiber quelqu’un.
La démonstration de Arrêtez-moi là est implacable, bien plus efficace qu’un discours notamment grâce à l’humour que pratique Jeff. Il a l’humour du désespoir, de plus en plus caustique au fur et à mesure que ses espoirs d’être innocenté s’amenuisent.
Levison ne tombe pas dans l’excès ou la caricature (Jeff n’est pas Noir et les flics ne sont pas en plus de méchants racistes). Il souligne à travers Jeff le décalage entre l’image de la police et de la justice que les médias cherchent à faire passer (à travers les émissions dites « vérité » et les séries télé policières notamment) et la réalité vue de l’intérieur. Il n’y en a que pour l’argent et le paraître et aucun justicier ne bougera le petit doigt pour aider un pauvre type si ça ne rapporte rien d’une façon ou d’une autre. Rien à attendre du système ni de personne. La dénonciation de la société américaine corrompue par l’argent fonctionne encore sous la plume toujours acerbe de Iain Levison.
Iain Levison sur Tête de lecture
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Arrêtez-moi là
Iain Levison traduit par Franchita Gonzalez Batle
Liana Levi, 2011
ISBN : 978-2-86746-565-9 – 245 pages – 18 €
The Cab Driver, parution aux États-Unis : 2010
J’aime beaucoup cet auteur, j’ai son dernier roman dans ma PAL… à suivre ! 😉
Encore rien lu à propos de son dernier roman, j’attends donc ton billet 😉
J’attends son dernier! Que du bonheur (caustique) cet auteur.
On prend plaisir à le retrouver en effet, le précédent flirtait avec l’Imaginaire je crois, il me plaira certainement aussi…
Plutôt fan de l’auteur moi aussi, j’aimerais lire celui-là. Ses autres titres ne m’ont jamais déçue!
J’avais beaucoup aimé ce roman. J’aime beaucoup cet auteur, tout court.:-) Un des rares dont j’aimerais bien tout lire.
Y a-t-il quelqu’un qui ait lu Levison et détesté ? 🙂
Un constat qui fait froid dans le dos.
Oui, au final, tout ça est loin d’être drôle.
Brrrrrrr ça fait peur quand même
Ce qui est le plus effrayant je crois, ce n’est pas que la Justice se trompe, elle est humaine après tout, mais bien que tout soit sciemment fait pour accuser un innocent… même avec une dose d’humour à la Levison, ça reste bien angoissant.
J’aime beaucoup cet auteur, je note donc ce titre…
C’est toujours un plaisir de lire cet auteur.
Bonjour Sandrine, très bon roman et en plus M. Levison est un homme sympathique que j’ai eu la chance de croiser deux fois dans des salons. Sinon, son dernier Pour services rendus est très réussi encore mieux que Ils savent tout de vous. Bonne fin d’après-midi.