On m’a proposé de lire ce roman, me demandant mon avis. Je réponds généralement non à toutes ces demandes arrivant généralement par Internet (je préfère choisir mes lectures) mais c’était si gentiment proposé en ce soir d’été… J’ai donc lu et voilà l’avis en question.
Le gros problème de ce texte est qu’il lui manque un éditeur. Je ne connaissais pas les éditions du Lys bleu et j’ai entamé ma lecture sans a priori. Mais après quelques pages, il a bien fallu se rendre à l’évidence : on a beau lire sur le site du Lys bleu qu’il s’agit d’une maison à compte d’éditeur, le texte est tellement plein de fautes (orthographe, grammaire, syntaxe…) et de maladresses qu’il manque à l’évidence un professionnel.
Alice Renard s’attache à raconter la vie de Renée Vivien, poétesse britannique ayant vécu en France au début du XXe siècle et écrivant en français. Sa page Wikipédia explique qu’elle était célèbre et reconnue, mais il faut bien avouer qu’elle n’est plus aujourd’hui ni l’un nu l’autre. Re-née est donc aussi une entreprise de réhabilitation.
Il faut dire que Renée Vivien cumulait les handicaps : femme voulant se faire éditer et homosexuelle déclarée… Un statut difficile mais que la jeune femme a endossé, s’obligeant ainsi à affronter l’hostilité quasi générale. On comprend qu’Alice Renard ait voulu s’emparer d’un tel destin, tragique s’il en est puisque la poétesse meurt à 32 ans. Malheureusement donc, cette biographie romancée est entachée de bien trop de lourdeurs pour que la lecture en soit agréable.
Je ne prendrai ici que quelques exemples significatifs. Côté style, on lit par exemple page 86 : « La passion rejaillissait tel un geyser« , misère… Côté narration, on se demande bien pourquoi l’enfance et la jeunesse de Renée Vivien sont racontées page 207, si près de la fin. Pour ce qui est du point de vue, on suit généralement celui de Renée Vivien mais parfois, comme des cheveux sur la soupe, on lit celui d’autres personnages. C’est aussi le cas dans le second fil narratif qui raconte aujourd’hui et au présent le tournage d’un biopic sur la poétesse. On y suit le point de vue de Léa, assistante réalisatrice et tout à coup : « ce qu’elle ne sait pas c’est qu’une lutte féroce s’opère en lui » : et voilà que sont dévoilées à la louche les pensée d’un autre personnage… Le tout parsemé de trop nombreuses fautes de grammaire ou de syntaxe : « Pauline se hissa et fit courir ses doigts sur ses hanches, son ventre, ses seins, jusqu’à son cou où elle y posa ses lèvres« , « l’équipe régie est la première sur place accueillir les techniciens« , « Ma collaboration avec Hélène ne vous convint pas [à la place de « convainc »] »
A travers le personnage de Léa, Alice Renard nous pousse à nous interroger sur le matériel biographique : la vie d’une personne décédée n’est-elle qu’une somme de faits dont on peut retrancher certains aspects ? L’auteur s’est peut-être elle-même posé la question : le créateur, l’artiste a-t-il tous les droits ? A moins d’être spécialiste de Renée Vivien, on ne saura pas quels sont les choix d’Alice Renard. On peut cependant constater que le portrait qu’elle propose de Renée Vivien est très documenté. Le contexte (historique, politique, social) l’est moins : dommage car un enracinement dans la Belle Époque aurait donné à cette biographie romancée plus de dynamisme et de densité. Pour les mêmes raisons, on aurait apprécié de lire quelques vers de Renée Vivien.
En l’état, Re-née gagnerait donc à être retravaillé : un vrai travail d’éditeur en ferait certainement un livre très agréable car le matériau est là, de même que la capacité à mettre en fiction des données historiques.
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Re-née
Alice Renard
Le Lys bleu, 2019
ISBN : 978-2-85113-738-8 – 229 pages – 18,60 €
Un petit gâchis donc. Espérons qu’un éditeur contacte l’autrice alors.
J’attendrais donc que le texte soit retravaillé.
J’avais lu deux des premiers livres publiés par Le Lys bleu.
Ils m’ont convaincu de ne jamais en lire un troisième.