Blake Nelson est retrouvé assassiné au bord de la rivière, près de chez lui. Comme il vit caché dans le désert à plus de 50 kilomètres du premier bled, il a forcément été tué par sa femme. Mais laquelle ? En tant que mormon, Blake Nelson avait trois épouses, narratrices de ce roman choral tout à fait prenant.
Rachel, Tina et Emily prennent tout à tour la parole pour raconter leur relation avec Blake mais aussi la vie dans le ranch miteux avec les autres épouses. Rachel est la plus âgée et la première épouse, l’officielle et la seule légale, même pour les Mormons. Car le mariage plural est mal vu par les Mormons eux-mêmes qui ne le pratiquent plus depuis plus d’un siècle. C’est pourquoi Blake et ses trois épouses vivent cachés dans le désert.
Rachel est en quelque sorte la bonniche du trio. Très croyante, s’efforçant d’être une épouse parfaite (elle passe son temps à faire des conserves pour la fin du monde), elle fait des cauchemars qu’elle peine à distinguer de ses souvenirs. On comprend peu à peu qu’elle a fait partie d’une secte démantelée par la police avant de rencontrer Blake. Qu’elle y a subi des sévices durant son enfance et son adolescence. Que son père en était le gourou, avec plusieurs dizaines de femmes à sa disposition et des enfants vivant dans une misère noire dans la Maison.
Tina a échappé à la drogue et aux trottoirs de Las Vegas grâce à Blake. C’est une dure à cuire qui s’est laissée séduire par cet homme qui lui promet le paradis. Emily est tout son contraire : menteuse, naïve, limite simple d’esprit mais superbe. Toutes les trois ne s’entendent apparemment pas. Mais n’est-ce pas parce qu’elles sont en compétition pour le mâle ? L’inspectrice qui mène l’enquête sur le meurtre de Blake résume bien la situation :
On dirait presque que votre mari est allé chercher ses femmes au supermarché. Une petite jeune fille dans le salon, une cuisinière pour la popote, une prostitué dans la chambre à coucher…
Les prises de parole des unes et des autres dessinent le portrait du disparu, juste un type qui veut assouvir ses fantasmes de mâle dominant mais qui ne parvient pas à gérer toutes ses femmes. Un connard en somme. Heureusement, Cate Quinn est plus fine que moi et ne fait pas un portrait à charge du macho. On a plutôt affaire à des femmes qui s’interrogent sur leurs choix et sur leurs possibilités. A travers leurs réflexions, se dessinent les mécanismes de l’emprise. C’est beaucoup plus intéressant.
D’autant plus que le lecteur se demande laquelle des trois a tué Blake, même si chacune prétend se le demander aussi. On les soupçonne tour à tour. Puis on les suit quand elles imaginent que Blake était à la recherche d’un terrain, celui sur lequel se trouvait jadis la Maison de la secte démantelée. Il y aurait dessus un cimetière sacré qui le rendrait invendable.
Cate Quinn pratique très bien le dévoilement progressif et ne cesse d’intriguer le lecteur avec des révélations. Ce qui est intriguant c’est qu’on ne sait pas si on doit croire ce que disent les trois épouses de Blake Nelson. Si Emily est mythomane, les autres sont-elles dignes de foi ?
On en apprend beaucoup sur les Mormons, qui même s’ils ont rejeté le mariage plural sont des cinglés de Dieu. Ils ont des rites et des coutumes complètement délirantes, comme leurs sous-vêtements sacrés ou leurs réserves de nourriture pour affronter l’imminente fin du monde. Derrière les propos de la très croyante Rachel, on entend le fanatisme même si la romancière ne le dénonce pas ouvertement.
Les trois épouses de Blake Nelson est donc un roman noir bien construit, sur un sujet original traité sans stéréotypes. Le gros problème est la version audio que j’ai écoutée. Le roman est lu par Emmanuelle Mesnard et je trouve sa lecture absolument désastreuse. Elle est très scolaire, lit comme si elle déchiffrait à peu près tout sans donner vie aux personnages. Elle lit vite et multiplie les liaisons mal à propos. C’est un roman choral mais il n’est pas du tout oral ni naturel. De plus, les niveaux de son sont inégaux avec des phrases qui semblent coupées en plein milieu (avec un casque sur les oreilles, ça s’entend très bien).
En bref, c’est vraiment parce que j’ai trouvé l’intrigue prenante et le sujet original que j’ai supporté les 10 heures et 49 minutes de cette lecture totalement ratée.
C’est Audrey qui m’a donné envie de découvrir ce roman : merci.
Les trois épouses de Blake Nelson
Cate Quinn traduite de l’anglais par Maxime Berrée
Presses de la Cité, 2021
ISBN : 978-2-258-19312-3 – 464 pages – 22 €
Black Widows, parution originale : 2021
Tais toi et creuse.^_^
Tu as l’air d’avoir fait une chouette découverte (livre papier, mieux vaut)
(et hop noté à la bibli!)
Oui, il vaut mieux : je n’ai jamais écouté un livre audio aussi mauvais !
un roman à découvrir sur papier donc et pour les amateurs du genre !
Exactement, car je le trouve original et bien mené.
Je l’ai lu et apprécié pour les mêmes raisons que toi, et avec autant de personnages féminins aux caractères bien trempés, j’avais imaginé une version audio addictive et éloquente, mais si le livre est interprêté de façon scolaire, ce doit en effet être décevant!
Je ne comprends pas comment on peut proposer des versions aussi bâclées. Généralement, les lectures sont confiées à des comédiens ou comédiennes qui maîtrisent très bien la lecture mais là, quel gâchis…
Tu me fais regretter une nouvelle fois d’avoir mis ce roman à la boîte à livres sans le lire !
Il a dû faire le bonheur de quelqu’un !
C’est une bonne consolation
Il est à la bibliothèque, en version papier, donc c’est bon pour moi. Noté.
J’espère qu’il te plaira.
à chercher en version papier alors, dommage!
Oui pour une fois, je ne recommande pas du tout la version audio.
Ravie que le roman t’ait plu 🙂
J’avais oublié cette histoire démentielle de sous-vêtements sacrés… Et comme toi, j’ai aimé en apprendre plus sur les Mormons et leurs croyances. Je te rejoins également sur l’art du dévoilement progressif de l’autrice.
Je n’en ai pas parlé sur le blog mais j’ai apprécié la fin dans laquelle les personnages se réapproprient leur manière de vivre en la choisissant vraiment quand elles l’ont trop longtemps subie.
Pour la version audio, je t’avoue qu’elle ne m’a pas choquée mais j’écoute en vitesse très accélérée mes livres audio pour rester concentrée. Cela a pu jouer.
Je n’en ai pas dit beaucoup sur la fin pour ne pas trop dévoiler mais je suis d’accord avec toi. Encore merci pour ce conseil de lecture !
Je n’avais jamais remarqué ce roman, alors qu’il semble bien intéressant. J’ai trouvé qu’il était sorti en poche également.
C’est la magie des blogs : découvrir des livres dont par ailleurs on parle peu 😉
Bon, moi, je n’écoute pas de livres, alors, ça devrait aller, mais l’histoire des mormons pourrait m’ennuyer…
Non je ne crois pas : l’histoire est prenante.
J’ai ce livre audio dans ma bibliothèque Audible. Comme toi, Audrey m’a donné envie de le lire mais j’avoue que ton avis sur la version audio me refroidit un peu. Je viens d’écouter l’extrait, et comme Audrey, je l’écouterai en vitesse plus rapide. En tout cas, merci pour ce retour, je pense que cette histoire va me plaire !
Je trouve que la lectrice lit déjà très rapidement, je ne sais pas ce que ça peut donner en version encore plus rapide (je n’ai pas cette fonction sur mon MP3) !
10 heures et 49 minutes : tu comptes même les minutes ?
C’est écrit sur la jaquette du CD.
Dommage en effet pour la version audio…mieux vaut dans ce cas la version papier que tu nous donnes envie de lire. je ne connais rien aux Mormons mais la vie de ces trois femmes me parait tout à fait intéressante. A voir si je le trouve en médiathèque
Eh bien je n’y connaissais rien du tout, j’avais certaines idées reçues. Je sais gré à la romancière de ne pas avoir tiré à boulets rouges sur les Mormons mais de les avoir abordés à travers ces femmes, croyantes ou pas.
ah ah ah tu m’as intriguée. Je suis en train d’écouter un extrait. C’est catastrophique en effet, si c’est ça pendant 10 heures …. Je sais même pas si je vais aller au bout de l’extrait. On dirait un robot.
Oui, mais quel dommage quand même de gâcher ainsi un texte plutôt réussi.
J’oublie la version audio, naturellement !
Pour la version papier, pourquoi pas s’il croise ma route.
Je n’audiolis pas depuis longtemps mais c’est la première fois que j’entends une lecture aussi désastreuse…