Seuls les vautours de Nicolas Zeimet

Seuls les vautoursC’est un exercice difficile que de convaincre d’autres lecteurs d’ouvrir le livre d’un auteur inconnu qui sévit dans un genre déjà tellement fréquenté, parfois maltraité. Plus difficile encore quand celui-ci écrit un roman américain, alors qu’il est Français et que tant d’Américains pur jus le font si bien. Et pourtant, au blind test, je défie quiconque de parier sur la nationalité française de l’auteur de Seuls les vautours, deuxième roman de Nicolas Zeimet.

Le roman américain jouit ici d’une excellente réputation, bien meilleure qu’aux Etats-Unis. J’écoutais une récente émission de La Dispute sur ce que les Américains connaissent de leurs propres romanciers : « la culture littéraire n’est pas très répandue » en dehors de New York. Et combien de fois a-t-on entendu les plus grands dire et répéter qu’ils sont plus lus en France qu’aux Etats-Unis ? Oui, on les aime ces auteurs-là, on est même prêts à encenser le premier roman de n’importe quel nouveau venu du fin fond de nulle part qui nous causerait Amérique profonde.

Car cette Amérique reculée, austère, pouilleuse, elle nous emmène au cœur des hommes, des haines et tensions exacerbées construisant des romans aux ambiances étouffantes, au moins délétères.

Il y a tout ça dans Seuls les vautours, dont le titre m’évoque un des meilleurs souvenirs de lecture de ces dernières années dans le genre, Seul le silence de R.J. Ellory, qui n’est pas plus américain que Nicolas Zeimet. Il faut donc croire que les codes du roman américain sont accessibles à tous et qu’il suffit de s’en emparer pour passionner le lecteur français. Que nenni. On ne compte plus les nanars à l’américaine qui font fuir le moins exigeant des lecteurs depuis au moins la fin de la Seconde Guerre mondiale : les modes ont leurs dommages collatéraux.

Aucun cliché chez Nicolas Zeimet et pourtant, on débarque immédiatement à Duncan’s Creek, Utah, en 1985. Il s’évite tous les poncifs sur les Mormons, les Américains bas du front tous apparentés (Lovecraft n’est pas loin…), les légendes indiennes, le FBI et je ne sais quoi d’autre. Dans Seuls les vautours il y a des personnages (j’aurais pu écrire des êtres humains) dont la plupart ne sont ni aimables, ni détestables, juste des gens comme les autres. Et l’auteur prend son temps pour les construire, dessiner leurs failles, leurs convictions et les erreurs qui peu à peu, mènent au drame. Car il y en a bien un à la base : la disparition d’une petite fille de cinq ans, qui entraine la mobilisation de tous les villageois qui la cherchent. On ne suit pas d’enquête à proprement parler même s’il y a un shérif et plusieurs adjoints qui coordonnent les recherches.

Seuls les vautours est avant tout un grand roman d’ambiance, de tensions et de personnages. Et surtout, c’est un roman subtil qui utilise les codes ultra référencés du genre avec finesse pour construire une ambiance d’angoisse voire de terreur.

S’il faut le dire en quelques mots : j’ai beaucoup aimé ce livre.

 

Seuls les vautours

Nicolas Zeimet
Toucan (Toucan Noir), 2014
ISBN : 978-2-8100-0584-0 – 477 pages – 18 €

28 commentaires sur “Seuls les vautours de Nicolas Zeimet

  1. Tu en dit juste assez pour donner envie… (j’avoue une attirance particulière pour les romans américains, même si j’ai un paquet d’abandons aussi de ce côté là)(et puis à force d’en lire, de voir des films et surtout d’avoir trainé ses sandales là bas, on finit par s’y sentir chez soi ou presque)

    1. J’espère donner envie. D’autant plus qu’avant lecture de ce roman, je ne connaissais pas l’auteur et n’avais jamais lu de livres de cet éditeur. Le bilan est donc très positif.

    1. Elle est sincère. Merci à vous pour ce très beau livre, je n’ai pas fini d’en parler autour de moi car c’est plus fort que moi : quand j’aime, il faut que j’en cause…

  2. Moi, je suis très facilement convaincue quand tu mets un coup de coeur, que ça sonne américain et que tu te réfères, en plus, à « Seul le silence »,,.

    1. C’est en fait le titre qui a d’abord attiré mon attention (pas l’auteur, je ne le connaissais pas). Parce que quand même, on ne peut pas intitulé son roman noir à l’américaine Seul les vautours sans références à Ellory… d’autant plus qu’il y a aussi ici disparitions d’enfants. Je ne sais donc pas à quoi l’auteur pensait en choisissant ce titre, mais en tout cas, ça n’est pas une référence trompeuse pour moi.

    1. C’est plus angoissant que terrifiant. Pas de quoi faire des cauchemars, mais il est certain que le malaise s’installe, celui de cette communauté mormone si fermée.

    1. Alors j’espère que le livre se vendra bien et que l’auteur sera de plus en plus connu et apprécié, ce dont je ne doute pas, ce n’est pas possible autrement.

  3. Tu sais que je ne résiste pas à tes coeurs bondissants…
    De Seul le silence, je me rappelle cette atmosphère pesante et si bien décrite. Je note donc et je surligne !

  4. Sandrine, sache qu’aucun des romans estampillés ‘A lire Absolument’ ne m’a déçu. Seuls les vautours ne déroge pas à cette constatation.
    Ps : je me félicite d’écrire à côté des titres, que je note dans mon petit carnet, le nom des personnes qui le conseille. Cela serait dommage ne pas pouvoir les remercier.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s