Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea

Veiller sur elle

Mme Vitaliani a fait un méchant cadeau à son fils : elle l’a appelé Michelangelo. C’est qu’il est fils de sculpteur… Mais voilà, Michelangelo Vitaliani est un nain et il déteste son prénom qui l’inscrit dans une lignée. Il se fait appeler Mimo. Un certain plaisantin l’appelle Gulliver… impossible de rétorquer puisque le plaisantin en question est un fasciste violent, membre de la famille Orsini, sa bienfaitrice… enfin dans une certaine mesure. Mais je vais trop vite !

Mimo est né en France de parents italiens. Pauvre, sa mère le confie à un vague cousin sculpteur dans le nord de l’Italie, à Pietra d’Alba, où il débarque enfant. Le cousin l’exploite façon Oliver Twist. Mimo s’endurcit et commence à se rendre compte qu’il est doué pour la sculpture. Très doué. Ce qui agace d’autant plus l’oncle Zio.

Sa vie serait fort triste s’il n’entamait une relation chaste et secrète avec la fille de la famille régnante au village, les Orsini. La noblesse locale typique qui vit de rentes et de rancoeurs. Viola a trois frères aînés : Virgilio (qui sort rapidement du cadre car meurt en allant à la guerre, la première), Stefano (c’est lui qui utilise du Gulliver) et Francesco qui se destine à la prêtrise et ira loin. Une amitié clandestine naît donc entre Mimo et Viola qui ne semble pas se rendre compte qu’il est différent alors que lui en fait tout un fromage. Ils se retrouvent à la nuit tombée dans le cimetière car elle prétend entendre les morts parler. Oui, Viola elle aussi est différente : elle est très intelligente. Et elle est dotée d’une mémoire absolue qui la rend également très cultivée. Elle se met en tête d’éduquer cet ignare de Mimo et lui donne des livres à lire, en cachette bien sûr. Et elle décide de voler de ses propres ailles, au sens propre.

Parallèlement à ce récit de la jeunesse, puis l’adolescence et l’âge adulte de Mimo, on lit des chapitres qui racontent son agonie dans un monastère où il vit caché depuis quatre décennies. Pourquoi ?

ATTENTION SPOILERS

Mimo est venu se terrer dans ce monastère en même temps que sa statue, une piéta, pour semble-t-il, veiller sur elle. Au fil de ces rares chapitres (lus par une voix différente), on devine que cette statue a intrigué de très nombreuses personnes et que si elle est cachée c’est parce qu’elle semble détenir un pouvoir étrange, ou faire un effet particulier à quiconque la regarde. Quels pouvoirs a cette statue ? Est-elle maléfique ? Quand et comment Mimo l’a-t-il sculptée ?

Réponse à la fin du roman, mais c’est un pétard mouillé (tout ça pour ça ?! La révélation n’a pas l’ampleur du mystère entretenu pendant tout le roman).

FIN DES SPOILERS

Veiller sur elle est un roman traditionnel d’apprentissage, d’amitié, d’art et une fresque sur l’Italie du 20e siècle. Le tout petit Mimo au grand talent va tomber bien bas, se relever mais prendre la mauvaise voie, celle du fascisme, sous prétexte qu’il ne fait pas de politique. On attend bien sûr que l’auteur le sorte au plus vite de cet enlisement, mais il prend son temps. Beaucoup de temps. Si je n’avais audiolu ce prix Goncourt, je pense que le trop de détails et d’aventures m’aurait fait arrêter ma lecture. Mais puisque je faisais autre chose en lisant (comme toujours), j’ai poursuivi et ne suis finalement pas déçue.

L’amitié entre Mimo et Viola est à la fois drôle et touchante. La relation entre Mimo et les frères de Viola est intrigante et sert bien la trame politique qui sous-tend le roman. Le portrait de Viola est une réussite. C’est une femme essentiellement libre prise dans les rets de mentalités misogynes. Il n’y a tout simplement pas de place pour une femme comme elle dans ce pays. Alors que ce pays a besoin de femmes comme elle pour se sortir des intrigues politicardes incarnées par Stefano ou religieuses, incarnées par Francesco.

Tout fonctionne bien : le méchant oncle, la mère aimante, la fille rebelle, l’émerveillement à Florence, l’apprentissage, les amis, les beuveries, les trahisons… sans vraiment d’inattendu. Ce qui m’a le plus intéressée c’est le parcours de l’artiste tantôt au service du pouvoir politique, tantôt au service de l’Eglise (donc toujours asservi) et l’histoire de l’Italie au 20e siècle. C’est un roman romanesque avec aventures à la clef, légèrement saupoudrées d’histoire de l’art et de paysages italiens. Le tout manque d’originalité mais pas de longueurs.

J’ai donc audiolu ce roman lu par Léo Dussollier (qui a un parfait accent italien qui chante tous les noms propres, c’est un vrai plaisir) et Lila Tamazit.

Jean-Baptiste Andrea sur Tête de lecture

 

Veiller sur elle

Jean-Baptiste Andrea
L’Iconoclaste, 2023
ISBN : 978-2-37880-375-9 – 580 pages – 22,50 €

 

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46 Comments

  1. vraiment pas emballée pour ma part … en plus il est long comme un jour de pluie, je l’ai terminé très fatiguée. Et cette histoire de statue… totalement rapiécée. Bref. Bonne journée !

  2. Je ne pense pas le lire… malgré les avis dithyrambiques, les modérés et les critiques, je devrais avoir envie de me faire ma propre idée, mais non ! Je n’arrive pas à audiolire en faisant autre chose, sinon, ça pourrait être une bonne idée.

    1. C’est certainement parce que tu ne jardines pas ! Parce qu’en désherbant, binant, semant, repiquant, rempotant, tu as le cerveau tout à fait libre pour entendre la lecture d’un livre, je t’assure. Quand je ne travaille pas pour gagner des sous, je travaille au jardin et en ce moment, j’y suis beaucoup avec le printemps qui vient. Heureusement que je peux audiolire sinon je ne lirai plus car le soir venu, je m’écroule comme une masse…

  3. Il ne m’attire pas mais j’ai des amies qui ont beaucoup aimé. J’imagine qu’elles ont aimé le côté romanesque au long cours (en contraste sans doute avec certains romans contemporains).
    Note qu’au XVIIIe siècle il y a eu un sculpteur nommé Michel-Ange (Slodtz), un grand artiste, avec un prénom facile à porter.

  4. Je partage l’avis d’Eimelle sur le personnage de Viola que j’ai trouvé fascinant. Je comprends que la fin puisse décevoir mais le voyage pour y arriver était plutôt plaisant donc ça me va. Pour ma part, j’ai lu ce livre comme un roman d’aventure, ni plus ni moins. Je n’ai pas beaucoup de reproches à lui faire, sauf peut-être quelques longueurs.

    1. Pour ma part, je trouve que quand on entretient un suspens comme ça pendant plus de 500 pages, il faut vraiment assurer à la fin. Et là franchement, c’est un peu minable… c’est une pirouette qui ne justifie pas l’état dans lequel tombent les gens qui regardent la statue…

  5. ah, pas convaincue alors? J’ai beaucoup aimé mais je suis d’accord avec toi, c’est un roman de facture classique (je lui ai tout de même trouvé pas mal d’originalités), j’ai préféré les deux romans précédents de l’auteur et j’aime toujours autant sa plume.

  6. En général, je ne lis pas le Goncourt, mais celui-ci me faisait envie avant qu’il n’ait reçu le prix.

    Je l’ai donc lu et j’ai beaucoup aimé ce roman. Il mérite le prix, je trouve.

  7. Moi j’ai aimé le voyage et les personnages et je n’ai pas été gênée par les quelques rares longueurs. C’est un livre d’ambiance comme beaucoup de romans de l’auteur et j’aurai été incapable de faire autre chose pendant ma lecture (même audio !)…J’adore cet auteur et donc je ne suis peut-être pas objective du coup car je l’aurais lu même s’il n’avait pas eu le Goncourt car je suis souvent déçue par les Goncourt justement et en principe je ne les lis pas chaque année à cause de ça ! Mais c’est bien de lire le ressenti des autres…Merci pour le tien

    1. Tu as dû être quand même contente qu’il reçoive le Goncourt… Je crois que je comprends pourquoi ce roman est appréciable, je l’aime bien sans parvenir à m’enthousiasmer complètement… à bien y réfléchir, j’ai l’impression qu’on voit les coutures…

  8. Qu’est-ce qu’il m’a agacée ce bouquin ! et le mot est faible … « saupoudrages », « pétard mouillé » et des longueurs à n’en plus finir … Tu sauves le personnage de Viola, moi, j’ai trouvé que l’auteur n’en fait rien de son intelligence hors norme, une poupée cassée … Cependant, après avoir assisté à une rencontre avec l’auteur, alors que je m’étais jurée de ne plus jamais le lire, j’ai décidé de lui redonner une chance avec Ma reine … Ce sera la dernière !

    1. Je repensais hier encore à ce personnage de Viola et je n’aurais pas dû. Juste après lecture, elle me semblait un personnage intéressant mais finalement, elle est trop tout : trop différente, trop intelligente, trop capable de comprendre l’avenir, trop du bon côté de la barrière…etc. Pas certaine de retenter pour ma part…

  9. Je ne l’ai toujours pas lu et à te lire, ce n’est pas bien grave 🤣. Je vais donc en rester là sans doute à moins d’une rencontre en boîte à livres éventuellement.

  10. Ah, moi, je l’ai aimé plus que ça, je n’ai pas ces réserves. Je lui ai collé 5* tellement j’avais pris plaisir et intérêt à ma lecture (ce qui est le critère)

    1. Pour ce qui est de l’intérêt romanesque, je le trouve assez conventionnel mais ça fonctionne bien et pour l’intérêt, disons documentaire ou culturel ou artistique, c’est assez sommaire, je trouve.

  11. Je fais partie des fans absolus de ce roman (oups je suis peut-être la seule) avec lequel je découvrais l’auteur. J’en lirai d’autres de lui ! (Ils sont plus courts, par son expérience de scénariste de cinéma et ici, il s’est autorisé la longueur.)

  12. Un roman « légèrement saupoudré d’histoire de l’art et de paysages italiens. Le tout manque d’originalité mais pas de longueurs. », voilà qui résume parfaitement ce roman que j’ai trouvé parfaitement insipide.

  13. Moins sévère que toi, j’ai bien aimé ! Ce que je retiens aujourd’hui c’est que la vie de cet artiste pauvre contemporain Michelangelo et ses relations avec les grandes familles nobles différent peu de celles du grand Michelangelo quelques siècles avant !

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