J’ai déjà eu beaucoup de plaisir à lire Kazuo Ishiguro. J’aime la sobriété de sa plume et l’élégance de son style tout en retenu. Je n’ai donc pas hésité à proposer une lecture commune de Klara et le soleil à Jostein avec qui j’ai échangé pendant la lecture. J’ai terminé avant elle, elle m’a fait part de ses questions auxquelles bien sûr, je n’ai pas répondu. Je craignais de freiner son envie d’en savoir plus et disons-le, de doucher son enthousiasme. Car il faut bien le dire, j’ai été déçue par ce roman du romancier britannique prix Nobel de littérature.
Nous découvrons Klara alors qu’elle est encore à vendre dans ce qu’il faut bien appeler une boutique. Klara est un robot très perfectionné, même si pas le dernier cri. Elle observe le monde depuis la vitrine où Gérante l’a placée. Elle en comprend ce qu’elle peut. Par exemple que le soleil, qui est son « nutriment », disparaît chaque soir, se range en quelque sorte derrière l’immeuble voisin. Que la pollution est mauvaise car elle cache le soleil. Bref, elle a une vision très parcellaire des choses, ce que Ishiguro rend très bien. Car c’est depuis le point de vue de Klara que s’énonce le roman.
Après une première partie un peu longuette durant laquelle Klara attend qu’on l’achète, le lecteur la retrouve chez son adolescente, Josie. Elle devient son AA, son Amie Artificielle, car c’est ce qu’elle est : une dame de compagnie version moderne. Conçue pour tenir compagnie à un ou une enfant, elle lui voue un attachement indéfectible. Mais Josie est très malade, peut-être autant que sa sœur morte quelques temps plus tôt. Pour la sauver, Klara fomente un plan délirant qui s’appuie sur le pouvoir régénérant du soleil.
Bien souvent, cette lecture de Klara et le soleil m’a rappelé celle de Auprès de moi toujours qui déjà soulevait cette question : où est-on ? Kazuo Ishiguro n’assène pas de réponses et ne s’embarrasse pas d’explications. Mais au moins dans ce précédent roman, on y comprenait quelque chose. Ici, à travers les yeux de Klara, rien de tel. Ce que Klara comprend de travers ou ne comprend pas ne sera pas explicité. Il est par exemple beaucoup question d’adolescents relevés. Ce qui ne le sont pas sont mis à l’écart. Pourquoi ? De quoi s’agit-il ? Je divulgâche mais futur lecteur, tu ne sauras jamais ce que cela signifie, à peine pourras-tu le soupçonner.
Ce que l’on comprend en revanche, c’est que Klara n’est pas là uniquement pour être une Amie Artificielle. Le comprendre m’a fait croire que j’allais retrouver un certain goût à cette lecture car l’idée est aussi originale que terrifiante. Mais non. Le roman souffre de terribles longueurs. Elles n’apportent absolument rien à l’intrigue ni à la compréhension de l’environnement évoqué (comme les anciennes amours de la mère de l’ami de Josie).
Ishiguro met en scène une androïde qui n’a qu’une vision très partielle du monde et agit comme si de cette expérience individuelle elle pouvait tirer des conclusions générales. Comme l’être humain qui pense savoir mais qui en fait ne comprend pas le monde qui l’entoure faute d’en avoir une vision globale. Soit.
En lui remettant le prix Nobel en 2017, l’académie suédoise souligne qu’il a « révélé, dans des romans d’une grande force émotionnelle, l’abîme sous l’illusion que nous avons de notre relation au monde ». Certes, Ishiguro humanise son androïde en décrivant les mécanismes de l’attachement ce qui permet à l’émotion d’affleurer à plusieurs reprises. Mais au final, Klara ne m’a pas touchée, pas plus que Josie et je suis restée extérieure à ce roman très descriptif et monotone. Même le style ne m’a pas plu. La narration elliptique, si elle reflète le mode de pensée de Klara, laisse la lectrice que je suis dans un flou qui finit par engourdir tout intérêt.
Kazuo Ishiguro sur Tête de lecture
Klara et le soleil
Kazuo Ishiguro traduit de l’anglais par Anne Rabinovitch
Gallimard, 2021
ISBN : 978-2-07-290920-7 – 384 pages – 22 €
Klara and the Sun, parution originale : 2021
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