Soyez sympas, rembobinez de Michel Gondry

soyez sympas rembobinezUn magasin vraiment minable qui ne loue que des VHS et qui s’appelle « Be Kind Rewind », parce que les clients ne rembobinent jamais leurs cassettes… Un client irradié, ou magnétisé, ou électrocuté lors de l’attaque ratée d’une centrale. Une menace de démolition et un propriétaire qui s’en va pour quelques jours commémorer la mémoire de Fats Wallers (en fait pour observer les techniques de vente de ses concurrents directs) en confiant la boutique à son employé, Mike  (Mos Def), et en l’implorant de ne pas y laisser entrer Jerry (Jack Black, l’irradié).

Oui mais voilà, Jerry entre quand même et après son passage, toutes les cassettes se brouillent : plus de films ! Pas d’inquiétude, Jerry a la situation bien en main : il propose à une cliente pressée (Mia Farrow) de revenir le soir même chercher la  cassette de Ghostbusters et se charge d’en faire un remake improvisé avec l’aide de Mike et d’Alma (Melonie Diaz), une fille plutôt moche sortie du pressing du coin pour les besoins du tournage…

C’est alors que tout devient très drôle : chasse aux fantômes très rudimentaire dans les rues de Passaic (ville quasi inconnue du New Jersey), puis nouvelle version de Rush Hour 2, du Roi Lion, de 2001, l’odyssée de l’espace, de Robocop…etc… Et le pire, c’est que le public afflue : il vient même des gens de New York pour voir ces films « sweded » (suédisés ? suédés ? nouveau courant du cinéma indépendant américain…). Car c’est tout ce que veut nous dire Michel Gondry : il suffit d’y croire et tout devient possible. Si un allumé du New Jersey se prend pour Robocop, que d’autres allumés le voit en Robocop, alors il est Robocop et la magie du cinéma peut fonctionner.

Et le spectateur entrer dans ce film carrément loufoque qui fonctionne comme un hommage au cinéma, aux films cultes comme on dit, mais alors pas le même culte que les amateurs de Autant en emporte vent, c’est nettement plus années 80, science-fiction et premiers effets spéciaux, que nos trois allumés sont bien incapables de recréer, bien sûr. Car rien n’est vrai, tout est en toc, et Fats Waller n’est jamais né dans cet immeuble. Mais si les gens y croient, ça suffit pour colporter la légende et pour faire de la boutique la mémoire du jazz des années 30. Et de Jerry un businessman rapidement débordé…

Au bout du compte, on obtient un film souvent drôle, à l’opposé du cinéma à gros budget hollywoodien (le film a lui-même l’air parfois complètement bricolé, chapeau), qui parle de la magie du cinéma, de cet art envoûtant qui tisse un pacte avec les spectateurs : pour être charmé, il faut croire, peu importe l’argent et les acteurs. Mise en abîme efficace, Michel Gondry a employé des habitants du cru, pas du tout acteurs, pour incarner les figurants de ce quartier en perdition.

Pourtant là, côté acteurs, on est servi avec ce Jack Black complètement allumé (ou magnétisé, ou électrocuté…) qui se prend aussi bien pour Bill Murray que pour Simba ou Sylvester Stallone, qui dort dans un vieux camping-car pourri avec une passoire sur la tête. Acteur anti hollywodien par excellence (beaucoup de kilos en trop, pas très beau et très mal habillé),  il est aussi cinglé que survolté et donne à ce film son côté à la fois loufoque et nostalgique tout en ne sombrant jamais dans le gag grotesque. Apparaissent aussi Danny Glover, Mia Farrow et Sigourney Weaver, comme autant de clins d’œil au cinéma hollywoodien qu’on aime aussi, parfois.

Dire que Michel Gondry (réalisateur français travaillant aux Etats-Unis) a lancé un nouveau genre cinématographique n’est d’ailleurs pas une plaisanterie mais une réalité puisque de plus en plus de gens sur le net se mettent à « sweder » leurs films préférés, c’est-à-dire à les rejouer avec les moyens du bord, souvent les plus rudimentaires. Ça nous promet une belle pagaille…

Be Kind, Rewind, Michel Gondry (USA)
Avec Jack Black (Jerry), Mos Def (Mike), Danny Glover (Mr. Fletcher)
Durée : 1h 34 – Sortie en France : 5 mars 2008