Un coeur simple de Marion Laine

Un coeur simple de Marion LaineC’est l’envie de voir une adaptation d’un texte de Flaubert qui m’a poussée à aller voir ce film. J’avais envie de voir comment une toute jeune réalisatrice allait pouvoir s’en sortir avec ce texte difficile, vraiment casse-gueule à mon avis car l’humour et la moquerie au détriment de l’héroïne prennent bien souvent le dessus.

Histoire simple à résumer pour une fois : Félicité est une brave fille qui se fait embaucher par madame Aubain pour tout faire chez elle et garder ses enfants. La patronne, dénuée de toute sensibilité, ne fera jamais attention à son employée qui se dévouera toute sa vie pour cette ingrate famille. Elle s’attachera en particulier à mademoiselle Aubain, malgré les réticences de sa mère.

Le texte de Flaubert est parsemé de touches d’humour qui rendent Félicité ridicule en plusieurs situations. Exemple : les riches voisins ont offert un perroquet auquel Félicité va démesurément s’attacher : « A l’église, elle contemplait toujours le Saint-Esprit et observa qu’il avait quelque chose du perroquet. Sa ressemblance lui parut encore plus manifeste sur une image d’Epinal représentant le baptême de Notre-Seigneur. Avec ses ailes de pourpre et son corps d’émeraude, c’était vraiment le portrait de Loulou […]. Le Père, pour s’énoncer, n’avait pu choisir une colombe, puisque ces bêtes-là n’ont pas de voix, mais plutôt un des ancêtres de Loulou« . Flaubert se moque de cette pauvre fille qui rapporte le monde entier à la petite échelle de son quotidien, même les choses les plus sacrées. Alors quand la réalisatrice choisisse de faire de l’envol du perroquet la dernière image de son film, je rigole !  Félicité à l’agonie voit Loulou fondre sur elle comme l’esprit saint, vraiment ça me fait rire tellement c’est ridicule. Ridicule également la scène où la chétive Félicité fait s’enfuir un énoooooorme taureau rien qu’en le regardant dans les yeux en poussant un cri primal. J’ai bien senti dans la salle que je n’étais pas la seule à avoir envie de rire…

La réalisatrice a choisi de faire de Félicité une héroïne romantique qui court dans les bois en déchirant sa robe parce que son prétendant en a épousé une autre (c’est la scène d’ouverture du film). Mais Félicité est une pauvre fille de la campagne, pas une héroïne.

Autres « détournements » de la réalisatrice : la complexification des rapports maîtresse-servante (homosexualité latente ?) et une aventure torride pour madame avec un beau professeur de musique beaucoup plus jeune qu’elle. Le personnage de madame Aubain en devient bien plus consistant, humain et complexe, et disons-le finalement, plus intéressant que la gentille Félicité.
J’ai bien conscience d’être un peu dure, mais je me suis ennuyée pendant ce film et Sandrine Bonnaire, malgré son jeu sensible, n’a pas éveillé mon intérêt. Entendons-nous bien, Marion Laine peut très bien faire ce qu’elle veut de l’oeuvre de Flaubert, là n’est pas le problème. Mais elle en a fait un film trop long où le rire surgit là où il ne devrait pas.

La véritable réussite réside dans la mise en scène des relations entre la patronne et la bonne à laquelle toute existence autre que domestique est déniée. Pas de sentiments, pas de jugement, pas de souffrance : pour madame Aubain, Félicité n’est guère plus qu’une chose, en tout cas un être inférieur qui ne suscite pas l’intérêt. Cette femme froide n’admet pas que sa propre fille puisse trouver chaleur et réconfort auprès d’une servante. Une frustrée qui ne veut pas du bonheur autour d’elle. Marion Laine, à l’inverse de Flaubert, a choisi de rapprocher finalement ces deux femmes. Pourquoi pas, un peu de chaleur humaine ne fait de mal à personne… et donne consistance à un scénario qui sans cela serait resté bien plat.

 

Un coeur simple, Marion Laine (2008)
Avec : Sandrine Bonnaire, Marina Floïs…
Durée : 1 h 45 – Sortie nationale :  26 mars 2008