Où on va, papa ? de Jean-Louis Fournier

Je passais l’autre soir à la librairie, histoire d’alimenter ma PAL… Je demande à mon libraire ce qu’il lit parmi l’avalanche de livres qui lui tombe dessus tous les jours et il me répond Jean-Louis Fournier. Je ne connais pas, j’ai bien été obligée d’avouer mon ignorance. Et lui de rigoler, non pas parce que le bonhomme a déjà écrit au moins une vingtaine de livres (misère, je lirais vingt-quatre heures par jour que je ne les connaîtrais pas encore tous…), mais parce qu’il est drôle. Enfin selon mon libraire. Et le voilà qui sort de derrière sa caisse, toujours riant et me racontant que cette fois, c’est sur les enfants handicapés : désopilant. Alors moi, bien sûr, je freine des quatre fers, je fais la fine bouche, et le voilà qui me met le livre dans les mains en me disant : ramenez-le-moi demain et dites-moi ce que vous en pensez.

Pas la peine d’insister, je ne vous donnerai pas les coordonnées de ce libraire en or. En or parce qu’il me prête des livres ; en or parce que grâce à lui, je viens de découvrir Jean-Louis Fournier.

Et oui, il parle d’enfants handicapés, et oui, c’est drôle. Pas n’importe quels enfants, les deux siens. Je voudrais pouvoir vous citer tout le livre pour vous montrer à quel point c’est drôle, beau et tendre à la fois. Et tellement triste.

« Un père d’enfant handicapé doit avoir une tête d’enterrement. Il doit porter sa croix, avec un masque de douleur. Pas question de mettre un nez rouge pour faire rire. Il n’a plus le droit de rire, ce serait du plus parfait mauvais goût. Quand il a deux enfants handicapés, c’est multiplié par deux, il doit avoir l’air deux fois plus malheureux. » Jean-Louis Fournier choisit l’humour du quotidien pour décrire ses enfants qui ne sauront jamais rien faire, qui n’iront jamais à l’école, qui ne frémiront jamais en écoutant de la musique, qui ne seront jamais amoureux. Deux enfants dont il ne s’enorgueillira jamais : « J’aurais bien aimé avoir des enfants dont je sois fier. Pouvoir montrer à mes amis vos diplômes, vos prix et toutes les coupes que vous auriez gagnées sur les stades. »

Il se sent tellement coupable, coupable de leur avoir donné la vie : « Quand je pense que je suis l’auteur de ses jours, des jours terribles qu’il a passés sur Terre, que c’est moi qui l’ai fait venir, j’ai envie de lui demander pardon. » Les regrets s’accumulent, faits de quotidien et de frustration, comme pour la fête des Pères : « Ce jour-là, j’aurais donné cher pour avoir un compliment mal écrit par Thomas, où il aurait réussi à tracer, avec beaucoup de difficulté : « Je tème bocou ». Ce jour-la j’aurais donné cher pour un cendrier biscornu comme un topinambour que Mathieu aurait fait avec de la pâte à modeler et sur lequel il aurait graver ‘Papa’.« 

Alors au lieu de faire dans le bon goût en disant que malgré leurs différences, ils sont ce qu’il a fait de mieux dans sa vie, ou son plus grand bonheur, il choisit l’humour « pour prouver que j’étais capable de rire de mes misères. »

Oui c’est égoïste, et tellement triste car il ne peut cesser de penser que ses deux enfants souffrent par sa faute, son crime d’avoir voulu se reproduire et de ne pas avoir su le faire correctement, « comme tout le monde ». Il se croit mauvais père, comme il a été mauvais mari, mais son humour si noir laisse affleurer son amour pour ses garçons qui ne font rien pour être aimés.

Il dit la déception et la souffrance d’un homme et ce faisant, il dit l’amour d’un père. C’est affreusement triste et très émouvant.

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Où on va, papa ?

Jean-Louis Fournier
Stock, 2008
ISBN : 978-2-243-06117-0 – 154 pages – 15 €