Voici ma seconde incursion dans les terres nordiques d’Arnaldur Indridason. Je garde un très bon souvenir de ma lecture de La cité des jarres et ce second opus de l’Islandais ne m’a pas déçue.
On retrouve le triste commissaire Erlendur, plus mal que jamais car sa fille, droguée et certainement prostituée, est plongée dans le coma. Il enquête sur la découverte d’ossements humains mis au jour sur des terrains entourant la capitale. Urbanisation oblige, les terres en friche deviennent constructibles et dévoilent des secrets vieux de plusieurs dizaines d’années. Ça tombe bien puisqu’Erlendur est spécialisé dans les crimes non expliqués. Et celui-ci va lui donner du fil à retordre, en particulier à cause des archéologues chargés de dégager le corps de sa gangue de terre qui travaillent à la vitesse… d’archéologues. En attendant l’exhumation, le commissaire et ses deux collègues ont le temps de dépouiller les vieux journaux, d’interroger les anciens et de fouiller les caves pour tâcher de découvrir l’identité du cadavre. Ils apprennent rapidement qu’une maison se dressait là jadis, durant la Seconde Guerre mondiale et qu’une jeune femme a alors mystérieusement disparu quelques jours avant son mariage sans que personne ne la revoie jamais.
Trois fils narratifs tissent ce roman policier, caractérisé, il faut bien le dire, par sa lenteur : l’enquête proprement dite, l’histoire personnelle d’Erlendur et le récit de la vie d’une famille dont la femme est battue par son mari. On ne sait au début pas quand se passe ce troisième récit, mais on comprend bientôt qu’il a commencé avant la guerre et que tout se déroule sur la colline où les ossements ont été retrouvés.
Autant dire que tout ça n’est vraiment pas gai. En plus d’un temps insupportablement islandais, cette femme vit un véritable martyre auprès d’un homme violent et humiliant. Il la frappe continuellement, l’agonit d’injures, menace ses enfants : un cauchemar. Le quotidien d’Erlendur auprès de sa fille comateuse n’étant pas vraiment une partie de plaisir non plus, on se demande ce qui plait chez Indridason… Pour ma part, ce que j’aime chez lui, c’est sa façon de nous faire vivre avec ses personnages. Chacun est très finement décrit, on tremble avec la femme battue et on se désole pour Erlendur qui a tellement raté sa vie qu’il est montré en contre-exemple par ses collègues. Ses personnages extrêmement soignés sont émouvants, même si leur misère psychologique et affective peut facilement vous miner le moral.
Pour couronner le tout, Indridason met en place un suspense final qui vous empêchera de reposer La femme en vert avant de savoir, bon sang de bonsoir, à qui appartiennent ces ossements et comment l’histoire de cette femme battue va finir. Il faut cependant être patient, car Indridason fait dans la lenteur, il fait trépigner son lecteur mais pas avec des rebondissements ou des descriptions inutiles, non. Plutôt par le récit d’événements passés qui viennent éclairer le présent et l’expliquer. Erlendur traîne son passé comme un boulet, une culpabilité constante et il se pourrait bien que la femme en vert aperçue sur la colline ait elle aussi une histoire familiale très lourde à porter.
Mon impression se confirme donc : le polar islandais à la Indridason, c’est vraiment très bon.
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La femme en vert
Arnaldur Indridason traduit de l’islandais par Eric Boury
Métailié, 2006 (existe en poche)
ISBN : 2-86424-566-3 – 296 pages – 18 €
Graforpögn, parution en Islande : 2001