La voici enfin cette adaptation BD du magnifique roman de Dennis Lehane. Shutter Island de Christian de Metter, je l’attendais trop, j’en attendais trop… Difficile exercice que celui de l’adaptation d’un livre aussi complexe et aussi réussi. Surtout que Christian de Metter a un handicap : l’image. Oui, il me semble ici que l’image est un handicap puisqu’elle permet au lecteur d’identifier des personnages alors que la folie les mélange.
Il m’a donc fallu « oublier » le roman pour mieux appréhender la bande dessinée, la lire en tant que telle. Et une fois encore, après L’œil était dans la tombe, j’ai apprécié le travail de de Metter. Il choisit les tons sépia à dominante brun et verdâtre qui contribuent à mettre en place l’atmosphère glauque et étouffante de cette île de fous. Avec cent vingt pages rien que pour lui, de Metter a le temps d’installer son ambiance et de glisser peu à peu dans la folie, ou le coup monté. Car si je ne raconterai pas à nouveau l’intrigue déjà résumée pour le roman de Lehane, je dirais juste que de Metter ne privilégie ni l’une ni l’autre des interprétations possibles et qu’encore une fois, bien malin celui qui saura qui est fou dans cette histoire. Le docteur Cawley est-il l’apôtre de la psychothérapie verbale ou la réincarnation du docteur Mengele ?
Pas de souci de scénario donc pour de Metter qui joue sur du velours. Pourtant, petit pataquès avec les heures et dates. Page 44, il faut lire 10 :36 A.M. et non P.M. comme indiqué ; le jour 3 débute page 75 à 0.20 A.M. et page 100 on en est à 8 :32 P.M. Pourtant page 103, on est encore au jour 3, 3 :28 A.M. C’est en fait le quatrième jour qui commence.
Malgré ces cafouillages temporels, cette adaptation est une réussite. Les épisodes supprimés (comme la découverte de Rachel Solando dans la grotte) ne nuisent pas à l’intrigue et si on ne connaît pas la fin, on se laisse piéger. Si on la connaît, on apprécie d’autant mieux le soin apporté aux détails, aux doubles sens, à la fatale descente aux enfers du marshall Teddy Daniels.
J’en profite pour signaler que Shutter Island de Christian de Metter est le cinquième opus de la collection Rivages/Noir de chez Casterman qui se propose de prolonger graphiquement la collection Rivage/Noir, une référence en matière de polars et de romans noirs. La rencontre « coup de cœur » entre un roman et un illustrateur ne peut manquer de donner le jour à des œuvres fortes tout autant que personnelles.
Christian de Metter sur Tête de lecture
Shutter Island
Christian de Metter
Casterman (Rivages/Noir), 2008
ISBN : 978-2-203-00775-8 – 128 pages – 18 €