Rob tient un magasin miteux de disques à Londres. Il a trente-cinq ans d’âge civil mais s’est arrêté quelque part entre quinze et vingt-deux ans. D’ailleurs, il passe son temps à ressasser ses amours passées, essayant de comprendre pourquoi et comment il se fait toujours plaquer. Et quand c’est au tour de Laura de partir avec Ian, le voisin du dessus, la remise en question devient fatale, voire abyssale : est-ce qu’au lit, il est mieux que moi ?
Parce que tout de même, être un homme de nos jours, c’est pas facile : Considérez tout ce qui peut mal tourner, pour les hommes. Parmi les problèmes classiques, il y a le rien-ne-se-passe-du-tout, le tout-se-passe-trop-vite, le fléchissement-lamentable-après-début-trop-prometteur ; il y a la-taille-n’a-aucune-importance-sauf-dans-mon-cas, l’incapacité-d’assurer-la-livraison… et les femmes, de quoi elle doivent se soucier ? D’un peu de cellulite ? Bienvenue au club. Du je-me-demande-si-je-suis-mieux-ou-moins-bien-que-les-autres ? La belle affaire.
Non vraiment, c’était plus simple avant, quand les hommes n’avaient pas en plus à se préoccuper du plaisir des femmes et à récurer les toilettes. Et puis Rob ne supporte pas d’imaginer Laura dans les bras de Ian, c’est trop pour lui. Alors quand il la revoit un jour et qu’elle lui avoue qu’ils n’en sont pas encore à ce stade, il est fou de joie… et passe la nuit avec une chanteuse américaine…
Nos hommes ne sont que contradictions mesdames, en tout cas celui-là et c’est ce qui fait tout son charme. Rob est égoïste, discrètement prétentieux, un poil fainéant, menteur au besoin. Il méprise les gens qui n’ont pas les mêmes goûts musicaux que lui, passe son temps à faire des tops five de n’importe quoi et à se demander si vraiment, c’est mieux avec Ian (parce que Laura finit par consommer, évidemment…). Mais il est aussi fragile, sensible, blessé, bref, le genre de gars à consoler, éternel adolescent qu’aucune femme censée ne prendrait pour mari.
Nick Hornby manie l’ironie avec brio et son personnage de paumé sentimental n’en est que plus attendrissant. Il est drôle à force d’égocentrisme, mais tellement sûr de lui. Et perspicace.
J’ai été affreusement déçu par les slips des filles quand j’ai commencé à vivre en concubinage. Je ne me suis jamais remis de cette découverte : elles font comme les garçons. Elles se gardent leurs plus beaux dessous pour les jours où elles savent qu’elles vont coucher avec quelqu’un. Quand on vit avec une femme, les vieux slips Monoprix délavés, rétrécis, informes font soudain leur apparition sur tous les radiateurs ; vos rêves lascifs d’écolier, où l’âge adulte apparaissait vautré dans la lingerie fine à jamais dans les siècles des siècles… ces rêves retournent à la poussière.
Traumatisant, non ? Et d’une mauvaise foi colossale qui lui sert de bouclier contre tous ces gens qui voudraient qu’il fasse quelque chose de sa vie.
Vie sentimentale chaotique, trentenaire adolescent et pop british : un excellent cocktail. J’aime beaucoup Nick Hornby.
Il existe une adaptation de Stephen Frears avec Jonh Cusak (so cute !) et Jack Black que j’apprécie souvent. Il faut que je la voie !
Nick Hornby sur Tête de lecture
Haute fidélité
Nick Hornby traduit de l’anglais par Gilles Lergen
10/18, 2006
ISBN : 2-264-04426-8 – 252 pages – 7 €
High Fidelity, parution en Grande-Bretagne : 1995