Lorimer Black est un golden boy comme on les imagine : expert en sinistres, il travaille dans la City de Londres. Bel appartement, amis de façade, aventures de loin en loin, codes vestimentaires stricts, beaucoup d’argent. Ce qui le distingue des autres ? Sa collection de casques antiques et ses insomnies qu’il traite comme il peut à l’Institut des rêves lucides. Et un passé familial qu’il ne clame pas : grand-mère tzigane, parents immigrés roumains ayant modestement prospéré dans l’import-export. De son vrai nom Milomre Blocj, Lorimer se rend encore de temps en temps à Fulham où frère et sœurs comptent sur lui pour aligner chèques et billets.
Et voilà qu’un jour, au tout début du roman, notre golden boy qui se rend à un banal rendez-vous d’affaires tombe sur un pendu, son client de surcroît. « … et tout bascule dans sa vie. Privé de son emploi, et peu à peu de ses amis, Lorimer se retrouve seul dans une société cynique et malhonnête », annonce la quatrième de couverture. C’est d’ailleurs ce qui m’a tentée et j’avais envie de savoir comment Lorimer allait gérer pendu et perte d’emploi. J’attendais du loufoque, ou au moins de l’humour. Mais le pendu ne le bouleverse pas tant que ça et il ne perd son emploi que page trois cent vingt-deux…
D’où ma relative déception. Car si le monde des affaires londonien est très bien décrit à travers ce personnage d’abord superficiel, l’intrigue elle-même n’est pas passionnante et le récit loin d’être dynamique. Lorimer traite plusieurs cas d’arnaques à l’assurance, reçoit des menaces de mort, tombe amoureux d’une actrice qui le mène en bateau, se fait squatter son appartement par son chef qu’il n’aime pas… mais bon, tout ça n’est pas très excitant.
L’intérêt tient surtout dans la description de Londres, de ses pubs divers et variés que Lorimer fréquente en nombre et de ses rues à la circulation impossible. « Il prit tout droit de Holland Park Avenue à Marble Arch en passant par Notting Hill Gate et Bayswater Road, puis vira dans Park Lane jusqu’à Constitution Hill, tourna à gauche vers le pont de Westminster et Vicktoria Embankment. » Les déplacements de Lorimer sont scrupuleusement détaillés, on pourrait le suivre sur un plan.
Je n’ai donc pas été très sensible au destin de ce héros qui, de très quelconque, devient pourtant peu à peu attachant parce que désarmé et trop tendre pour une société qui ne jure que par l’argent, les apparences et la réputation. Trop empathique Lorimer et trop désireux d’être apprécié, voire aimé.
Armadillo
William Boyd traduit de l’anglais par Christiane Besse
Seuil (Points n°P625), 1999
ISBN : 978-2-02-037229-9 – 366 pages – 7.50 €
Armadillo, publication en Grande-Bretagne : 1998