L’amnésique de Sam Taylor est d’une construction littéraire absolument bluffante.
Il démarre malheureusement lentement, avec le récit d’une rupture (je me suis dit au départ, une de plus). James Purdew, vingt-neuf ans, vient de se casser la cheville : plâtre, arrêt de travail, temps à perdre et c’est la rupture avec sa petite amie hollandaise puis retour en Angleterre. C’est là que tout devient extrêmement bizarre, et je vais essayer d’être claire car c’est une histoire très complexe.
James sait qu’il a perdu le souvenir d’une certaine époque de sa vie. Depuis l’âge de quatorze ans, il écrit son journal mais ceux de la période concernée sont enfermés dans un coffre (une boîte noire) qu’il ne peut ouvrir sous peine d’en perdre le contenu. Il retourne dans la ville où il fut étudiant avant de partir pour la Hollande, cherche un logement et se voit offrir de loger dans une maison contre travaux. Or, il est sûr de la connaître cette maison. Il se renseigne et découvre qu’un drame y a eu lieu quelques années auparavant : suicide d’étudiant. Plusieurs éléments participent à l’ambiance mystérieuse qui règne autour de James : le mystérieux propriétaire de la maison, les lettres de l’alphabet qu’il reçoit, un cabinet médical vraiment étrange, la biographie d’un philosophe inconnu qui semble avoir de nombreux points communs avec lui. Et puis James découvre un manuscrit dans la maison intitulé Les confessions d’un meurtrier. L’histoire s’y déroule à Londres au XIXe siècle et raconte les amours tourmentées de Martin Thwaite, détective qui tombe amoureux de la femme qu’il doit surveiller.
Je n’en dirai pas plus sous peine de ne plus être claire du tout… Sachez seulement que dans les différentes histoires (celle de James, celle de Martin, le journal intime de James et Les mémoires d’un amnésique qu’il essaie d’écrire pour retrouver ses souvenirs), les protagonistes ont tous les mêmes initiales, voire, le même nom. Et pour bien embrouiller le tout, le narrateur omniscient de l’histoire de James intervient de ci de là à la première personne pour nous donner ses impressions sur le malheureux James qui perd les pédales, et nous avec mais avec quel plaisir !
Quel bonheur en effet de se perdre dans cette construction labyrinthique, identitaire et imparable ! C’est proprement fascinant de voir avec quelle maîtrise Sam Taylor entremêle les différents niveaux de narration et mène son lecteur par le bout du nez jusqu’à une fin qui, à mon avis, peut avoir plus d’une interprétation. Tout comme James (mais est-ce son vrai nom), le lecteur est perdu, il erre parmi ces différentes identités, ces bribes de souvenirs, ces hallucinations…
Ce roman demande donc un certain effort de lecture et d’attention et un lecteur tourné vers les troubles de la personnalité et les questions identitaires en tous genres. Il faut accepter de s’y perdre car c’est un livre vraiment ambitieux, savamment construit, intrigant à bien des égards et riche en références littéraires (Borgès, Larkin…).
L’amnésique
Sam Taylor traduit de l’anglais par Claude Demanuelli
Seuil, 2008
ISBN : 978-2-02-096164- 433 pages – 22 €
The Amnesiac, parution en Grande Bretagne : 2007