Je ne lis pas beaucoup de littérature asiatique. Mon choix Blog-o-trésors va en partie remédier à cette affreuse lacune, mais en attendant, voici un roman conseillé par Marc-O, libraire convaincant (tenez d’ailleurs, je promets ici solennellement de ne plus mettre les pieds dans sa librairie avant au moins un mois deux semaines – restons réaliste).
Nous voilà plongés au cœur du Japon le plus reculé, montagne et forêt se partageant le paysage qui ne doit pas avoir changé depuis des siècles. Pourtant un jour, on décide en haut lieu que la vallée doit être inondée pour permettre la construction d’un barrage en amont. Une équipe d’ouvriers est envoyée dont les responsables doivent traiter avec les habitants d’un hameau oublié du monde et de la modernité. Choc des civilisations, les uns observent les autres sans plus s’approcher que se parler.
Le narrateur est un de ces ouvriers. Il vient de sortir de prison où il purgeait une peine de quatre ans pour le meurtre de sa femme, crime passionnel. Comme les autres, il observe ces habitants qui ne parlent pas et agissent de façon très étrange, se tenant toujours à l’écart des envahisseurs. Un jour, un des ouvriers est dénoncé par une fille du hameau : il l’a violée. Le lendemain, elle est retrouvée pendue et son cadavre est laissé aux oiseaux. Ce corps sans vie, gagné par la décomposition va rappeler au narrateur celui de sa femme et lui permettre d’accepter sa culpabilité.
Malgré une narration très simple, il n’est pas aisé de rentrer dans ce livre. C’est un texte très austère qui donne une grande place à la nature, et aux éléments en particulier et qui concentre son intrigue sur un événement tragique mais raconté de façon si sobre qu’on s’interroge sur sa réalité.
Le lecteur suit le cheminement psychologique du narrateur (il souhaite se racheter en donnant une sépulture à une femme humiliée), mais si les sentiments mis en jeu sont forts (vengeance, culpabilité, honte…), le récit en est d’une froideur qui me déstabilise. C’est pourquoi je crois, je ne suis pas portée vers la littérature et le cinéma asiatique (je me suis ennuyée à mourir en regardant In the Mood for Love). J’aime quand les personnages hurlent de désespoir, pleurent leur culpabilité et se déchirent par amour. J’ai du mal avec l’intériorisation des sentiments, la froideur malgré l’ardeur dont souvent on ne sait rien.
Alors heureusement, ce livre est court et s’appuie sur une part de mystère qui soutient l’attention. L’étrangeté des habitants, leurs coutumes et leurs traditions interpellent le lecteur occidental qui ne voit du Japon, souvent, que les grandes métropoles.
Avec son ambiance onirique, ce livre me laisse une impression poétique et froide, étrange…
Le convoi de l’eau
Akira Yoshimura traduit du japonais par Yutaka Makino
Actes Sud, 2009
ISBN : 978-2-7427-7150-9 – 173 pages – 16 €
Mizu no soretsu, parution au Japon : 1976