John Franklin, l’homme qui mangea ses bottes d’Anne Pons

John Franklin, l'homme qui mangea ses bottesAvez-vous lu Terreur de Dan Simmons ? Si non, vous devriez, c’est un excellent roman. Il raconte l’histoire du Terror et de l’Erebus, navires partis avec leurs équipages à la recherche du mythique passage du Nord-Ouest. Des cent-vingt-neuf marins et officiers à atteindre le Grand Nord (moyenne d’âge vingt-neuf ans), aucun ne revint : une hécatombe.
Ce passionnant roman m’a donné envie d’en savoir plus sur le capitaine de cette expédition, un certain John Franklin. Je me suis d’abord tournée vers Du bon usage des étoiles de l’auteur québécois Dominique Fortier. Mais à 26,85 euros le livre + frais de port, j’ai renoncé. D’autant plus facilement qu’était annoncé ce livre d’Anne Pons, qui allait me permettre d’en savoir plus sur le personnage.

Quand il part un jour de mai 1845, John Franklin a cinquante-neuf ans et n’en est pas à sa première expédition. Il a déjà pris la tête d’une expédition maritime vers les glaces et d’une catastrophique expédition pédestre. Son excès d’audace et son manque de concertation coûtèrent la vie à plusieurs hommes, les survivants ayant eu à affronter le pire et à manger n’importe quoi, d’où le surnom de Franklin lui-même. Il est ensuite nommé gouverneur de Tasmanie avant de reprendre la mer et la glace pour son ultime voyage. Bien des expéditions avaient échoué et bien des hommes étaient morts lors de ces missions polaires. Mais celle de Franklin doit « mettre un point final à la découverte du passage du Nord-Ouest« , ce fameux passage qui permettra enfin à l’Europe de se rendre en Chine sans faire le détour par le cap de Bonne-Espérance. Mais n’y a-t-il que ça ? Après tous ces morts, ces souffrances, ces conditions de vie extrêmes, qu’est-ce qui pousse ces gentlemen à partir avec leurs bibliothèques, leur argenterie et leurs douillets gants de peau absolument inutiles ? « Après que tant d’efforts ont été consentis et que l’on touche au but, l’opinion qui domine dans les sociétés savantes et les rangs de la Navy est qu’il nous faut reprendre la recherche du passage du Nord-Ouest. L’état de nos connaissances nous retient de douter du succès de l’entreprise. Si l’Angleterre restait devant les portes qu’elle a ouvertes, à l’est comme à l’ouest, elle serait la risée du monde entier pour avoir hésité à en franchir le seuil… Et cela de façon désintéressée, puisque le succès des Anglais profitera aux autres nations maritimes d’Europe, sans qu’elles aient engagé les dépenses et les risques liés à la découvertes du Pôle. » Foin de l’altruisme anglais, c’est de fierté nationale dont il est question, mais aussi d’honneur personnel : sir John Franklin ne veut plus être celui qui mangea ses bottes mais bien rester dans l’Histoire comme le découvreur du passage du Nord-Ouest.

J’étais donc sur les charbons ardents, je voulais savoir ce qui s’était passé durant ces trois ans de dérive sur les glaces du Grand Nord. Et c’est là que j’ai été bien déçue. Parce qu’une fois appareillés les navires de Franklin, il n’est plus du tout question de leur périple. Evidemment puisqu’ils ont tous disparu corps et biens… Les cent dernières pages de ce livre ne sont donc consacrées qu’aux cinquante-deux expéditions qui entre 1848 et 1859 partirent à la recherche des marins disparus. Aiguillonée par l’infatigable lady Franklin, la Royal Navy y a envoyé ses meilleurs officiers, mais en vain. A ce jour, le corps de Franklin n’a toujours pas été retrouvé. Quelques objets, quelques cadavres et des preuves de cannibalisme que l’Angleterre victorienne, horrifiée, s’empressa d’attribuer aux Inuits… mais de sir John Franklin point de traces… En août 2008, à la faveur de l’année polaire internationale et du réchauffement climatique qui fait fondre la banquise, une énième expédition est partie « pour tenter de retrouver les épaves des trois-mats de l’explorateur britannique« .

On ne sait donc pas, à l’issue de ce livre, ce qui s’est réellement passé. Si comme moi, vous voulez découvrir ce qui s’y est peut-être déroulé, si vous voulez en savoir plus sur le calvaire de ces hommes incroyables, british jusqu’au pôle Nord, lisez Terreur de Dan Simmons !
 
John Franklin, l’homme qui mangea ses bottes

Anne Pons
Fayard, 2009
ISBN : 978-2-213-63827-0 – 289 pages – 23 €