Le mystère de la maison Aranda de Jerónimo Tristante

Le mystère de la maison ArandaMadrid, fin du XIXesiècle. Le sous-inspecteur Victor Ros revient de loin : lui, le gamin des rues, le délinquant, a été remarqué par le sergent don Armando. C’est qu’il est intelligent ce sous-inspecteur, et perspicace. C’est aussi l’avis de l’excentrique comte du Razès, « ce fanatique défenseur de l’utilisation des techniques les plus modernes dans les enquêtes criminelles. » Le comte l’initie à ce qui deviendra la médecine légale qui, alliée à ses petites cellules grises, va faire merveille dans l’enquête de la maison Aranda.

C’est qu’il fallait quelqu’un d’exceptionnel pour résoudre cette énigme hors du commun. Jugez un peu. La belle et noble Aurora Alvear, fille aînée et héritière d’une famille quasi ruinée, vient d’épouser un arriviste fortuné qui a besoin d’un titre de noblesse pour parfaire sa position sociale. Et voilà qu’elle le poignarde en pleine nuit, manquant de peu de l’assassiner. Le sous-inspecteur Ros découvre bientôt que la maison dans laquelle ils viennent d’emménager est empreinte de mystère, autant dire maudite. Par deux fois déjà, d’honnêtes épouses y ont tenté de poignarder leur mari. La sombre demeure semble cacher un secret depuis que cinquante ans auparavant, un homme ayant fait fortune outre-mer est revenu avec sa créole de femme, adepte du culte vaudou.

Ros, en homme rationnel, est déterminé à faire la lumière sur cette histoire. D’autant plus que Clara, la sœur d’Aurora, lui plaît beaucoup. Lui, le rejeton du peuple, se met à rêver aux ors de l’aristocratie ; lui, le libéral, se prend aux charmes de la vieille noblesse. Mais une autre affaire le préoccupe : plusieurs prostituées ont été assassinées dans les rues de la capitale espagnole, toujours selon le même mode opératoire. Par affection pour Lola, sa prostituée préférée, il enquête cette fois dans les bas-fonds, jusqu’à remonter à un sinistre représentant de la noblesse madrilène.

De facture très classique, ce roman policier tient son originalité du lieu où il se déroule. Madrid n’est pas Londres, il ne pleut pas, il fait très chaud l’été, mais les bas-fonds madrilènes n’ont rien à envier aux londoniens et les classes sociales sont tout aussi fermées au nord qu’au sud de l’Europe. Certains éléments historiques me manquaient pour comprendre toutes les allusions (la révolution de 1868 ?), mais ils servent surtout de contexte historique et n’entravent en rien la compréhension du tout.

Quant au héros enquêteur, il n’a rien de bien original lui non plus, empruntant à Rouletabille ou Sherlock Holmes leurs éclairs de génie fulgurants et aussi à William Monk ses enquêtes en milieu aristocratique.

Jerónimo Tristante  joue avec les codes du roman populaire et feuilletonesque chers au XIXe siècle. Les passages secrets, les trésors, les belles étrangères, les disparitions, tout sent le vieux mystère teinté de fantastique qu’un farouche défenseur du rationalisme va éclairer de la lumière de l’intelligence et de la modernité. J’ai trouvé que parfois, l’auteur ne laissait pas assez vivre ses personnages, fournissant des explications inutiles à ce que le lecteur peut comprendre de lui-même. Autre reproche : le dénouement manque totalement d’originalité. Les coupables ou complices se confient les uns après les autres à Victor avant de se tuer, le procédé finit par lasser…

Ça n’est pas inoubliable, mais plaisant. Notamment grâce à une très solide mise en scène sociale et historique. D’ailleurs, l’auteur a rencontré un tel succès de l’autre côté des Pyrénées qu’il a déjà donné une suite aux aventures de son perspicace sous-inspecteur.

Le mystère de la maison Aranda

Jerónimo Tristante traduit de l’espagnol par Elana Zayas
Phébus, 2009
ISBN : 978-2-7529-0359-4 – 366 pages – 22 €

El Misterio de la Casa Aranda, parution en Espagne : 2007