« Avant, j’imagine que j’avais de l’allure, mais maintenant, je ne suis plus qu’une vieille pouffiasse blondasse de plus. » Mike Hoolihan ne se fait donc pas d’illusions sur son physique, aussi féminin et suave que son prénom.
Il faut dire que sa traversée alcoolique dont son chef, Tom Rockwell l’a aidée à sortir, a laissé ses marques. Aujourd’hui, elle n’est plus de la Crime mais c’est pourtant elle qu’on vient chercher pour annoncer à Tom la mort de sa fille Jennifer : suicide par trois balles dans la tête. Dur pour Mike qui l’a connue toute gamine : « Ce que je vais raconter maintenant, c’est la pire affaire dont je me sois jamais occupée. La pire affaire… du moins pour moi. […] de tous les corps que j’ai vus dans ma vie, il n’y en a aucun qui m’ait autant marquée, autant remuée dans mes tripes, que celui de Jennifer Rockwell.«
Si vous n’êtes pas appâté après un début pareil… Moi, je l’étais, fin prête à me jeter dans les pas de cette femme flic atypique et de la jeune beauté qui a tout pour être heureuse : travail, argent, amant, famille, santé… tout est absolument parfait. Alors son père ne croit pas au suicide : il sent que sa fille a été assassinée, il le veut, sous peine de ne pouvoir supporter sa propre existence.
Et de fil en aiguille, Martin Amis laisse tomber son enquête pour se focaliser sur la personnalité de la victime. Quand on est belle, riche, aimée, qu’on a réussi sa vie sentimentale et professionnelle, peut-on avoir des raisons de vivre ? Et au-delà, quelles sont les raisons du suicide ? L’inspecteur Mike Hoolihan passe en revue toutes les pistes possibles : les suspects, les interrogatoires, les preuves, tout s’accumule, rien ne progresse, tout dérive, à la faveur du récit introspectif de Mike, vers une réflexion sur le sens de la vie et sa finalité.
Et le lecteur de Train de nuit qui croyait d’abord lire un polar, reste en carafe… moi en tout cas. Parce que le style très américain de ce livre n’est pas ce que j’attendais de cet auteur anglais qui ici plante des personnages à la limite de la caricature. L’ex-alcoolique, le commissariat, les bars, le style lui-même… c’est un peu trop appuyé, trop polar noir pour me convaincre. Je peux lire James Ellroy si l’envie me prend, mais pas Martin Amis pour lire du noir de noir à l’américaine.
Mais bien sûr ici, la forme ne fait pas tout, l’essentiel étant la réflexion menée sur le suicide et donc la mort. Je ne suis pas convaincue non plus par la démonstration qui me semble au final très artificielle parce que vraiment trop improbable.
Je n’ai donc pas bien commencé ma découverte de Martin Amis, mais je recommencerai…
Le suicide est le train de nuit qui vous expédie dans les ténèbres. Impossible de parvenir aussi vite à destination par des moyens naturels. Le billet vous coûte tout ce que vous possédez. Mais c’est un aller simple. Ce train vous emporte dans la nuit et il vous y dépose. C’est le train de nuit.
Martin Amis sur Tête de lecture
Train de nuit
Martin Amis traduit de l’anglais par Frédéric Maurin
Gallimard (Folio n°3508), 2001
ISBN : 2-07-041734-4 – 226 pages – 6 €
Night Train,parution en Grande Bretagne : 1997