Un temps fou de Laurence Tardieu

Laurence TardieuJ’ai entendu Laurence Tardieu parler de ce livre et j’ai tout de suite eu très envie de le lire. Cette femme parle très bien, elle est rayonnante et apaisante, et son sujet m’intéressait beaucoup : Maud, la narratrice, reçoit un coup de fil d’un homme qu’elle a rencontré lors d’une soirée six ans plus tôt. Il ne s’est rien passé de physique entre eux, juste un éblouissement, LA rencontre, le moment inoubliable qui l’habite longtemps, très longtemps. Et puis plus rien. Juste les souvenirs, les sensations. Jusqu’au coup de fil : « j’aimerais vous revoir« . Elle dit oui, cet homme-là, elle ne peut l’oublier, malgré son mari, malgré sa petite fille.

Sur la table devant moi, trente et un livres achetés pour la bibliothèque dont au moins une dizaine que j’ai sérieusement envie de lire. Mais c’est celui-là que je veux, c’est comme impératif.
Alors j’ai su dès les premières lignes de ce roman de Laurence Tardieu que la déception serait immense, à la mesure de mon envie. Que de phrases d’une platitude infinie, déjà lues cent fois ! Que de clichés, que de fins de chapitre sentencieuses qui se voudraient marquantes !

« Je ne demande rien, pas un baiser, pas une caresse. Je pense que c’est le premier jour, la vie soudain longue, très longue et si brève, je pense que l’unique raison pour laquelle une vie vaut d’être vécue c’est l’amour, c’est une évidence soudain, la seule certitude possible, une vie sans amour ça n’est rien, ça n’a aucun sens, ça ressemble à la mort, au temps inutile et perdu, c’est la misère du corps et la misère de l’âme, on en oublie le ciel et la ligne d’horizon.« 

Soit. Mais n’écrit pas la passion qui veut. A aucun moment l’obsession de cette femme ne m’a émue, à aucun moment elle ne m’a touchée. Alors que la narratrice semble plongée au coeur de l’intime grâce à une introspection tout en pudeur, je suis restée à la porte de cette histoire, toujours plus déçue voire même agacée. Ce sont les mots que me gênent, ce style que je trouve simpliste et naïf. Et mièvre (ah, les scènes d’amour familial !). C’est le degré zéro de l’écriture amoureuse. On a pu parler à propos de Laurence Tardieu d’une « écriture douce et tendre » : c’est exactement ça, doux et tendre (j’aurais dû me méfier !).

Et au moment de chercher des liens pour ce billet, je ne trouve que des éloges. Serais-je une extra-terrestre ? Le Figaro commence ainsi son article : « La plume profonde et éblouissante de Laurence Tardieu décrit au plus près les frémissements du désir. »  J’ai du mal à comprendre… Tout me paraît tellement superficiel. Même cette narratrice écrivain qui explique ce qu’elle ressent en écrivant : « …lorsque j’écris, je ne sais plus où je suis. Il n’y a plus de limites : je suis en moi très profondément, et ailleurs, je ne sais pas où. Un ailleurs vaste, très vaste. Je suis partout. Je suis éclatée. Et j’écris ça, ce que je suis, cet éclatement. Ce que je vis et ce que j’aimerais vivre ce rejoignent. Je vis ce que j’écris. Ecrire, c’est faire cette expérience-là. » Tout ça me paraît bien convenu.
Laurence Tardieu ne me convainc pas plus en parlant de la création littéraire que de l’amour. Alors que c’est de sentiments exacerbés dont il est question, je n’ai lu que des platitudes qui m’ont laissé totalement indifférente.

Alors bien sûr, je ne me suis pas imposé deux cent trente cinq pages de cette lecture-là, non. Je me suis arrêtée page 112, peu de temps après que « Le ciel est bleu comme une orange » passe pour un vers de Paul Eluard… mon dieu, ça au moins, ça aurait pu être beau !

 

Un temps fou

Laurence Tardieu
Stock, 2009
ISBN : 978-2-243-06243-6 – 235 pages – 17 €