Effroyables jardins de Michel Quint

Effroyables jardins

Le narrateur se souvient de son père, cet homme dont il avait honte parce qu’il faisait le clown à la moindre occasion : nez rouge, grosses chaussures, il revêt toute la panoplie, comme pour mieux humilier son fils… Car quand on a une dizaine d’années, comment être fier d’un homme qui se ridiculise ainsi ? Comment cet homme pourrait-il être un modèle pour lui, à quelle virilité pourrait-il s’identifier ? « Tous les pères sauf celui-là… »  Effroyables jardins ou de la difficulté d’être fils… Son oncle comprend un jour son désarroi et lui raconte l’histoire de son père qui pendant la guerre, alors que tout était perdu, a vu l’espoir grâce au sourire d’un clown.

J’ai trouvé à Effroyables jardins une grande dignité et une sobriété qui dit le regret de ne pas avoir compris plus tôt, d’avoir si mal jugé. L’enfant a une dette envers son père, il doit reprendre le flambeau pour témoigner lui aussi, pour dire que le Mal n’est pas un, que la nature humaine est belle quand elle n’est pas aveuglée par la haine et que l’humour et la dérision peuvent faire du bien quand tout est perdu. Je retiendrai particulièrement cette magnifique phrase du soldat allemand : « Pardon d’être, avec cet uniforme, du côté du mal !« 

J’ai eu la mauvaise idée de regarder ensuite Effroyables jardins, le film de Jean Becker tiré de ce livre. Très mauvaise idée en fait, tant ce film fausse l’atmosphère du livre, en en faisant un tout petit film bien pensant pour le prime time de TF1. Il n’est plus là question du courage des résistants, mais d’une amourette, de la rivalité amicale entre deux hommes qui, pour impressionner leur belle, font sauter un transformateur. Beaucoup de scènes ajoutées, de blagues, de fêtes de village, tout ça plein de conformisme et de bons sentiments. Beurk. Jacques Villeret, André Dussolier, Thierry Lhermitte : ils sont tous là à faire les braves gars, les bons Français, animant les petites guerres de village qui tournent au règlement de compte, les amourettes, bref, rien de l’essence même du livre, rien de sa sobriété, uniquement les gros sabots du cinéma des familles à la française… En cela, la scène finale est à fuir, à l’image de tout le film : Lucien entre à nouveau dans la salle où son père fait le clown juste après l’explication de son oncle. Son visage est d’abord fermé puis il se met à sourire, et à pleurer. S’il existe pire cliché que celui-là, je voudrais bien le savoir…

Michel Quint sur Tête de lectureLe site de l’auteur.

 
Effroyables jardins

Michel Quint
Joelle Losfeld, 2000
ISBN : 2-84412-164-0 – 62 pages – 5.50 €