J’aimerais vivre un jour encore d’Eric Van Hamme

J'aimerais vivre un jour encoreMalgré le titre, je pensais avec ce recueil de nouvelles m’embarquer pour quelques textes plutôt drôles. Mais, si effectivement l’humour est quasi toujours sous-jacent dans ces textes, c’est je pense pour permettre au lecteur de prendre ses distances avec ce qu’on pourrait globalement appeler le tragique de la vie.

La tonalité d’ensemble est plutôt triste et sombre, galerie de portraits d’hommes et de femmes au bord de la rupture, tel Stéphane, le narrateur de « Trente-trois » qui vient d’apprendre qu’il est atteint du sida ou la narratrice de « Pas la peine de revenir » qui se fait jeter de chez elle par un beau-père haineux parce qu’elle n’a pas eu son bac.

Tout cela pourrait avoir des allures de fin du monde, au moins de fin de vie, mais l’auteur a choisi un ton qui évite définitivement le pathos pour jouer la carte difficile de l’humour. Je prendrai l’exemple de la quatrième nouvelle, « La dédicace », la plus gaie et la plus drôle du recueil alors qu’elle met en scène un homme qui voit s’écrouler son rêve : devenir écrivain. Louis-Ferdinand Laplume a enfin trouvé un éditeur qui a accepté de publier son livre et il s’apprête, pense-t-il, à rencontrer une foule d’admirateurs à l’occasion de sa toute première dédicace. La nouvelle est construite de façon à ce que le lecteur comprenne avant le narrateur qu’il s’est proprement fait arnaquer par un éditeur peu scrupuleux qui lui a fait débourser plusieurs milliers d’euros pour imprimer cinquante volumes. Il se voit déjà l’égal des plus grands, à faire exploser le classement des meilleures ventes. C’est bien sûr l’égo de l’écrivain qui est ici ridiculisé, mais c’est aussi une critique en règle du monde de l’édition (à compte d’auteur) dans lequel les pigeons consentants se font plumer pour leur plus grande et orgueilleuse satisfaction.

« …Monsieur Kühl, n’ayons pas peur des mots, ne nous drapons pas dans une fausse modestie de circonstance, Monsieur Kühl est une véritable célébrité dans sa partie. Quasiment une star. Le numéro un, « Ze number one » comme il dit, l’homme qui a bâti un empire dans le domaine de l’édition de livres de cuisine odorants, celui qui a inventé le concept de bouquins d’origami vestimentaires. Vous réalisez la puissance conceptrice de cet homme-là ? Un truc de malade. Mais là-dedans, il n’avait absolument rien à prouver, plus aucun challenge à relever. C’est pour cette raison qu’il a fondé les éditions Duvent, une maison audacieuse qui a choisi de publier les grands talents méconnus de la littérature française du troisième millénaire. Pour la collection « Romeo et Juliette », celle de la tragédie amoureuse, il a décidé de prendre « le meilleur », celui qu’aucune maison d’édition n’avait eu l’audace de publier : MOI.« 

Cet extrait reflète bien le style de l’auteur, je crois : il choisit l’humour et l’autodérision, on entend le discours de l’éditeur derrière les propos de l’auteur gonflé de sa toute nouvelle publication. On y sent aussi le principal reproche que je ferais à ces nouvelles : il va trop loin dans l’humour, c’est juste un chouïa trop chargé. Que la maison d’édition s’appelle Duvent passe encore, mais que l’éditeur se nomme Kuhl, et se prénomme Jan, c’est juste un petit peu trop pour moi. De même, le photographe s’appelle Paul Harrow Hid et les noms de tous les auteurs francophones actuels à succès sont repris sous forme de calembours. Moi, ça m’épuise…

L’auteur a choisi d’écrire systématiquement des nouvelles à chute. Exercice difficile… il faut pour qu’il soit réussi qu’on ne voie pas arriver la fin. Or, la fin de la dernière nouvelle, « Lucky looser », est prévisible depuis le début et celle de « Trente-trois » est beaucoup trop abrupte alors que cette « tournée d’adieu à la gastronomie » est plutôt par ailleurs réussie.

Je suis une piètre lectrice de nouvelles, j’en lis très peu, mon avis n’est donc certainement pas le plus informé. Je pense quand même que cet auteur-là a de quoi écrire des textes bien plus forts en dosant plus justement ses ingrédients. La tragédie et l’humour sont des styles capricieux qu’il ne faut à mon avis pas trop accentuer.

Le blog de l’auteur

J’aimerais vivre un jour encore

Eric Van Hamme
Actilia Multimédia, 2009
ISBN : 978-2-915-097-21-4 – 201 pages – 12 €

34 commentaires sur “J’aimerais vivre un jour encore d’Eric Van Hamme

  1. Je pense comme toi qu’à ce stade l’humour devient lourd ! C’est drôle mais ça me fait penser à quelqu’un de mon entourage qui fait des calembours sur les noms ! Mais ce qui passe dans le verbal passe mal à l’écrit je trouve !

    1. Très difficile effectivement de manier l’humour et ce n’est pas parce que ça marche dans la vie qu’on va y arriver aussi quand on passe à l’écrit, je suis tout à fait d’accord.

  2. Je ne noterai pas ce livre… J’ai bien peur que le genre d’humour dont tu proposes un extrait ne me fasse guère sourire.

  3. Bon exercice de style que de ne pas tomber dans le sentimentalisme ou le larmoyant quand on parle du « tragique » de la vie…
    Des histoires de la vie, ça a tout pour me plaire! Je le note.

  4. La nouvelle est sûrement un des genres les plus exigeants de la littérature. La brièveté ne laisse pas de place à l’approximation et aux lourdeurs, mais quand c’est réussi c’est un vrai délice. Mais l’extrait que tu donnes à lire ne m’emballe vraiment pas plus que ça… :-/

  5. L’écriture ne semble pas très travaillée, d’après ton extrait.

    La nouvelle est aussi difficile à réussir que le roman.
    J’aime bien les deux genres, à égalité.

  6. Voà donc ces nouvelles à chute, dont je ne suis pas toujours fan moi non plus, parce que l’auteur mise beaucoup trop sur une chute souvent prévisible et décevante. je préfère les nouvlles linéaires, sans chute aprticulière, qui raconte une petite histoire, comme un roman condensé. Je ne suis pas non plus expert en ce domaine, mais de temps en temps, j’aime bien.

    1. Mai j’ai un peu de mal avec ce genre-là, je ne sais jamais quand les lire : quand j’ai beaucoup de temps, ça ne va pas parce que je n’aime pas lire plusieurs nouvelles de suite, mais quand je n’en ai pas beaucoup, je n’aime pas non plus en lire une en plusieurs fois…

    1. Alors n’hésite pas, j’espère ne pas avoir donné l’impression que ces nouvelles étaient ratées, certaines sont surtout un peu maladroites mais je t’assure que j’ai bien souvent souri en les lisant.

Les commentaires sont fermés.