Délicieuses pourritures de Joyce Carol Oates

Délicieuses pourrituresGillian Brauer, la narratrice de Délicieuses pourritures, est étudiante en troisième année dans une université féminine de Nouvelle-Angleterre dans les années 70. Comme de nombreuses autres étudiantes, elle est fascinée par son professeur de poésie, Andre Harrow. L’homme est conscient de son charme et en joue avec subtilité. Sa femme, Dorcas, est sculptrice et au moins aussi énigmatique que lui. Gillian raconte comment elle va se rapprocher peu à peu de l’un et de l’autre, découvrir qu’elle n’a pas été la seule à céder à leurs charmes sexuels et avilissants.

Si j’ai pu penser que Joyce Carol Oates se faisait le chantre de la libération sexuelle, en lisant ce livre, c’est bien l’inverse qui apparaît. Le professeur et sa femme profitent de leur statut d’intellectuel et d’artiste pour attirer les jeunes étudiantes et les transformer en objets sexuels. Droguées et alcoolisées, elles servent leurs fantasmes, se croyant consentantes. En fait, elles plongent toutes irrémédiablement dans une dégradation physique puis psychologique qu’elles finissent par ne plus supporter.

La figure du professeur, tout puissant de part son statut est terriblement mise à mal. Il oblige les jeunes filles à dévoiler leurs secrets les plus intimes en cours, avec maints détails toujours plus sordides, avant de faire ce qu’il veut de leurs corps. C’est un pervers qui n’existe que par l’admiration que lui portent ses étudiantes et par la domination qu’il exerce.

Délicieuses pourritures est aussi un triste portrait de l’Amérique, où de belles jeunes filles souriantes et blondes cachent des enfances ravagées par l’alcool et la violence parentale et avalent quantité de valium et d’antidépresseurs.

Sur un ton tout à fait ordinaire, comme si tout ça était on ne peut plus naturel, Joyce Carol Oates décrit les charmes  et ravages de la perversion, la force de la manipulation. Les personnages ne sont pas aussi ambigus que je m’y attendais et qu’ils auraient pu l’être, que ce soit le couple ou les étudiantes. Le format me semble ici un peu court.

Joyce Carol Oates sur Tête de lecture

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Délicieuses pourritures

Joyce Carol Oates traduite de l’américain par Claude Seban
Philippe Rey, 2003
ISBN : 978-2-84876-002-8 – 170 pages – 14 €

Beasts, parution aux Etats-Unis : 2002

63 commentaires sur “Délicieuses pourritures de Joyce Carol Oates

  1. Le seul que j’ai lu de l’auteur 🙂 (oui ça m’arrive de lire autre chose que de la SF) 🙂 Court mais je crois que, plus long ce roman, serait tombé dans l’obscène…

    1. Je crois que j’aurais aimé un peu plus d’ambiguïté dans les personnages, mais pas de descriptions scabreuses, non, j’arrive à m’en passer…

  2. Pas encore lu JC Oates, et sur celui-ci je te sens très factuel, un peu déçue non ?

    1. Toi non plus ? Je croyais être la dernière… un peu déçue oui, un tout petit peu, j’attendais une peinture beaucoup plus nuancée ; mais tout à fait partante pour d’autres titres

  3. C’est avec celui-ci que j’ai découvert la romancière. Pas mon préféré, mais il m’a permis de pénétrer l’univers de JCO.

  4. C’est également le roman qui m’a permis de découvrir Oates : une lecture forte qui reste encore très vivace aujourd’hui ! Comme j’avais trouvé le récit et l’écriture très « concentrés », le format ne m’avait pas gêné. Et merci pour le lien !

  5. J’avais bien aimé celui-ci. Mais je reconnais être peu objective, car rares sont les textes de Joyce Carol Oates qui me déplaisent vraiment.

  6. Je suis traquée par les lectrices de Oates, je me promet de semaine en semaine de la lire, à lire ton billet ce n’est pourtant pas le meilleur de ses romans ?

  7. Moi non plus je ne connais pas cet auteur mais je compte bien la découvrir un de ces jours. Elle semble avoir une écriture âpre, exigeante à côté de laquelle il ne faut pas passer.

  8. J’ai découvert JC Oates avec Vallées de la mort, un recueil de nouvelles sordides et brutales. Je ne l’ai pas terminé. Je tenterai sans doute un roman la prochaine fois.

  9. J’ai découvert Oates avec Les chutes, puis celui-ci, tellement différent que cela m’avait déstabilisée… A la suite du troisième (Fille noire, fille blanche) je commence à voir émerger des thèmes et des atmosphères communs et je n’ai qu’une envie : continuer !
    Merci pour le lien ! 😉

    1. ma chère Kathel, j’ai de plus en plus l’impression que nos univers de lecture sont proches : j’ai fait un billet hier avec encore un lien chez toi (d’ailleurs, pas trouvé d’autres blogolecteurs sur le livre en question).

  10. Oates frappe encore!! :)) je n’ai aps encore lu celui-ci. Mon prochain Oates sera La fille du fossoyeur, dans ma pal depuis un bout de temps.

  11. Yes j’avais deviné !!! (chose qui ne m’arrive absolument jamais, ce sera mon « tombé juste » de la décennie ! 😉
    Sinon, on dirait bien que 2010 est l’année de JCO sur la blogosphère et c’est tant mieux.

      1. Mon préféré c’est Blonde mais comme c’est une biographie romancée, c’est à part. Sinon, j’ai beaucoup aimé Confessions d’un gang de filles, assez marquant.

  12. J’ai découvert cette auteure l’année dernière avec son roman « Fille noire, fille blanche » puis son recueil de nouvelles « Vallée de la mort » et je compte bien poursuivre ma découverte de cette auteure très prolixte et surtout variée ! 😉

  13. J’aime beaucoup ton billet il est très clair et très juste !
    Pour moi une bonne découverte. Je demande a découvrir d’autres livres de cette auteure !

  14. J’ai tellement aimé de cet auteur Nous étions les Mulvaneys que j’ai bien l’intention de lire d’autres titres. Ce roman fait partie de ma sélection…

  15. C’est le tout premier Oates que j’ai lu et j’ai apprécié le style. Depuis j’ai lu Viol, une histoire d’amour; et je compte en lire d’autres :]

      1. C’est vrai… sommes-nous attirés par le côté dérangeant, le côté malsain ? Ou tout simplement par le style. Car raconté par un autre auteur, ce genre d’histoires ne pourrait pas du tout passer !

    1. C’est sûr que de savoir qu’on va se plonger dans un livre certainement glauque peut parfois envie d’y aller timidement, même si c’est très bien écrit.

  16. J’entame du Oates bientôt (du moins j’espère vu qu’il y en a un dans ma PAL) et ton billet pique ma curiosité et m’y encourage !

  17. Je l’ai acheté cette semaine, je pense qu’il peut me plaire. Je n’ai jamais lu Oates, mais les blogueurs sont décidément doués !

  18. j’ai découvert cette auteur et sa plume avec ce petit roman, je n’aime pas toujours tout ce qu’elle écrit , ces histoires sont tellement bien décrites et analysées que j’y retourne toujours

  19. Je l’ai lu il y a quelques jours et je dois dire que je m’attendais à quelque chose de plus fort. Un peu déçue aussi donc. Mais je compte bien persévérer ! 🙂

    1. Je crois qu’il est juste trop court. J’en choisirai un plus gros la prochaine fois, un dans lequel elle approfondit plus les personnages.

  20. Je n’ai encore jamais lu Oates, mais on me l’a conseillée récemment (merci les blogs!) et je pensais me plonger dans le gros roman des Mulvaney. Mais ton article me donne envie de lire également celui-ci, bien qu’il semble un brin sordide…
    Ravie d’avoir découvert ce blog en tout cas! Je m’en vais de ce pas fouiner 🙂

    1. Bienvenue ici. Je n’arrête pas de noter des titres de JCO à cause des blogs, ses titres ont l’air tous aussi bons, même si les mêmes thématiques reviennent. Je vais essayer de lire Blonde cet été.

  21. Non, vraiment, ce compte rendu ne me donne pas envie d’aller voir de ce côté: une écriture complaisante, ambigüe d’une conduite perverse, sans façons!

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