Blanc comme neige de George Pelecanos

blanc comme neigeBoston a Dennis Lehane, Los Angeles James Ellroy et Washington George Pelecanos. Mêmes thèmes sous d’autres cieux, même regard sur la société américaine : les flics, la violence, la corruption, les inégalités sociales. Mais ici, ce qui est au cœur du premier volume du tandem Strange / Quinn, c’est le racisme. Tous deux sont d’anciens flics reconvertis, mais Derek Strange, le Noir, est devenu détective privé tandis que Terry Quinn, le Blanc, est libraire.

Ils font connaissance à l’occasion d’une enquête de Strange : la mère de Chris Wilson, flic noir assassiné par un flic blanc alors qu’il n’était pas en service, charge Derek de reprendre les recherches pour réhabiliter la mémoire de son fils. Or, quand Wilson a été tué, il était en civil, en train d’agresser un Blanc. Deux flics ont jailli d’une voiture de patrouille et le flic blanc a tiré à trois reprises sur le noir. Et le flic blanc s’appelait Terry Quinn. Quinn a quitté la police mais vit quotidiennement avec le doute : aurait-il tiré si Wilson avait été blanc. L’enquête a lavé Quinn, il est blanc comme neige, et pourtant coupable de meurtre.

L’amitié nait entre les deux hommes et Derek associe Quinn à son enquête qui va les mener dans le monde des dealers de la capitale administrative des États-Unis.

Ce que souligne ici Pelecanos, c’est que l’égalité des droits entre Blancs et Noirs aux États-Unis n’est qu’illusion, façade fraternelle pour se donner bonne conscience. Pour quelques réussites sociales, il y a des millions de laissés-pour-compte dont le destin est écrit dès la naissance. La misère, la précarité, la drogue sont leur quotidien et rien ne change dans les mentalités malgré les lois sociales.

Mais Pelecanos ne fait pas dans le manichéisme. Tout ça n’est pas la faute des riches méchants Blancs. Il est clair que le racisme est valable des deux côtés et que les Noirs non plus ne sont pas prêts à faire changer les choses. Le couple Derek / Quinn n’est pas bien vu, de même que celui que Quinn forme avec sa petite amie du moment, Juana, métisse de Noir et de Portoricaine.

Il n’y a pas de bons et de méchants chez Pelecanos, mais une société et des personnages pleins de contradictions. Il existe pourtant quelques valeurs comme l’amitié et la musique, omniprésente.

Loin, très loin de l’idée bien proprette qu’on se fait de cette ville, Pelecanos dresse un portrait du Washington populaire à travers des gens du commun et des flics (ou anciens flics) travaillés par le doute. La ville quitte son apparence administrative pour devenir vivante. Pelecanos déclare cependant : « La ville n’est pas un personnage. Pour moi, les personnages, ce sont toujours les gens. Je les connais bien, j’ai grandi avec eux. Je ne m’intéresse pas seulement aux criminels, à ceux qui vivent dans l’ombre des grandes avenues, j’essaie aussi d’insister sur tous ceux qui vivent dans un tel environnement et qui ne sont pas des dealers » (Interview à L’Humanité).

L’Amérique n’est encore pas bien reluisante vue de chez Pelecanos, pourtant ses personnages portent l’espoir des petites gens qui ont l’air si vivants et réalistes.

.

Blanc comme neige

George P. Pelecanos traduit de l’américain par François Lasquin et Lise Dufaux
L’Olivier (Soul Fiction), 2002
ISBN : 2 87929 271 ç – 365 pages – 20 €

Right as Rain, parution aux Etats-Unis : 2001

37 commentaires sur “Blanc comme neige de George Pelecanos

  1. Le sujet est intéressant mais je n’ai pas envie de polars du genre pour le moment. Je suis dans ma période très anglaise, Agatha Christie et petits meurtres entre amis …

  2. J’ai beaucoup aimé ce roman, ainsi que Drama City… Pelecanos dit qu’il ne veut pas faire de Washington un personnage de ses romans, que ce sont les êtres humains qui l’intéressent, on le croit, et pourtant, la ville est bien plus qu’une toile de fond. Bref, un très bon roman !

    1. C’est aussi ce que je pense, d’autant plus que la ville est très présente dans tous ses romans d’après ce que j’ai lu sur son compte.

    1. Ah non vraiment, pas du tout et c’est d’autant plus intéressant. Je n’aime pas les livres qui nous disent ou est le bien, ou est le mal, rien n’est si simple.

  3. Le titre et le sujet me font penser au roman de Stephen Carter La dame en noir même si je devine une l’ambiance différente.

  4. Je ne sais pas si tu as remarque, ton précédent billet présentait un livre avec exactement les mêmes couleurs sur la couverture.

  5. J’avais bien aimé Soul Circus du même auteur, mais curieusement, contrairement à Connelly ou Crais je n’ai jamais pris le temps d’en lire un autre de lui.

  6. A lire pour ceux qui aiment la suite de la trilogie (Tout se paye et Soul circus), puis Hard revolucion, situé juste après l’assassinat de Luther King et qui éclaire certains points de la trilogie.

    Ensuite il ne reste plus qu’à lire tous les Pelecanos ! En commençant peut-être par In nommé Peter Karras qui, d’une certaine façon, met en place toute la suite.

    1. eh eh, ce n’est que le début, j’ai une liste longue comme mon bras d’auteurs de polars américains incontournables qu’il me faut découvrir !

  7. J’ai honte… je viens de me rendre compte que j’ai ce bouquin dans ma PAL depuis plusieurs années et que je ne l’ai toujours pas ouvert…

Les commentaires sont fermés.