Au début du roman de François Vallejo, le vieux baron de l’Aubépine des Perrières meurt enfin, son fils qu’il a toujours haï, peut s’installer au château. Il congédie tous les domestiques, ne gardant que Lambert, le garde-chasse et sa famille (sa femme Eugénie, sa fille Magdeleine, huit ans et le nouveau-né, Grégoire). Il amène avec lui son désagréable valet Cachan, qui ne fera pas de vieux os d’ailleurs, après que Lambert s’est plaint du harcèlement qu’il exerce envers Eugénie.
Les Lambert ne tardent pas à constater objectivement que leur nouveau maître est passablement dérangé, au moins instable. Il a des comportements étranges, tantôt dépressif, tantôt exalté. Sa grande affaire, ce sont les révolutions de 1848 qui l’attirent à Paris au point d’en oublier son domaine où les Lambert et les chiens meurent de faim. Puis c’est le terrible coup d’État de 1852 qui scandalise le baron aux idées républicaines. Drôles d’idées d’ailleurs selon Lambert, un baron qui ne veut pas qu’on lui obéisse, qui insiste pour qu’on lui tienne tête, qu’on se rebelle enfin contre l’autorité et l’ordre ancien. Le garde-chasse ne comprend pas bien ça, il est là pour servir, pas pour polémiquer. Mais enfin quand le baron se met à ramener des femmes au château, des femmes de rien, demi-mondaines sans doute, il commence à grommeler Lambert, surtout quand une certaine Berthe François semble s’installer à demeure et dévergonder Magdeleine, qui va sur ses seize ans. Mais avec Berthe, les soupçons de Lambert se confirment : monsieur le baron de l’Aubépine semble avoir des relations très étranges avec les femmes qu’il poursuit la nuit dans les couloirs du château, et qu’il force à lui raser le corps. Quand Berthe, quasi séquestrée, ne veut plus se plier aux jeux du baron, elle disparaît du jour au lendemain par une nuit bien sombre au son des grincements de la vieille charrette.
Plus le récit avance, et plus le lecteur de François Vallejo, comme Lambert, veut en savoir plus sur le baron : un tueur en série, un vampire, un loup-garou ou au moins, le fruit d’amours défendues entre sa défunte mère et une créature abominable (d’où la haine du baron son père) ? On ne saura jamais, et je dois dire que j’ai terminé ma lecture bien frustrée. Pourquoi tant de mystères autour du baron si c’est pour ne rien résoudre à la fin ?
La quatrième de couverture affirme de ce roman de François Vallejo : « Ouest, c’est l’histoire d’un huis clos où deux hommes se détruisent dans l’indifférence d’un paysage. » Mouais… L’affrontement entre le baron et son garde-chasse est certes au cœur de ce roman, mais c’est un affrontement de personnalités. Le garde-chasse est paradoxalement celui qui veut poursuivre les vieilles traditions ; il veut bien que ses enfants aillent à l’école, mais ce qu’il veut surtout c’est que son maître tienne son rang et dirige le domaine. Partant de là, ses réactions sont assez prévisibles, même si la meute dont il s’occupe, devenue inutile, entretient l’inquiétude du lecteur. C’est du baron républicain et dérangé que vient la surprise et donc un certain suspens (a-t-il dépecé Cachan et Berthe ? Va-t-il zigouiller Magdeleine et violer Grégoire, ou l’inverse ? Vont-ils tous se faire dévorer par les chiens ?), qui ne tient malheureusement pas ses promesses.
Si l’intrigue ne m’a donc pas vraiment convaincue, je l’ai été beaucoup plus par le style de François Vallejo qui mêle constamment récit et dialogues au point que le lecteur ne sait parfois plus si l’on a à faire au narrateur omniscient ou à du discours rapporté sans tirets ni guillemets.
« Dans l’excitation des lettres, M. de l’Aubépine se soucie moins que jamais de Mlle Berthe. Il donne l’impression de ne pas voir qu’elle dépérit. Elle se plaint devant Magdeleine, mais à voix basse, comme si elle avait peur. Et elle répète qu’elle est une vieille femme. Si elle a vingt-sept ou vingt-huit ans, c’est bien tout. N’empêche, vieille, vieille, à moisir ici ; des étangs, des forêts, rien que de l’humide partout. Elle en perd ses cheveux, la peau gonfle, du moisi, du dégoulinant, on se noie dans cette pourriture de sous-bois. Qui voudrait encore d’une vieille femme comme moi ? Vois-tu, Magdeleine, ce qu’il me faudrait, c’est partir. Je n’ai jamais pensé m’installer ici pour tant d’années. Le coup d’État, ça n’allait pas durer. L’Aubépine allait me ramener à Paris, quand la république serait rétablie. Et maintenant, me voilà propre. Cette vie-là, ce qu’il faut endurer pour manger à sa faim… »
Ce choix stylistique de François Vallejo donne beaucoup de vie et de naturel au récit, raconté au présent. C’est l’avancée au quotidien, jour après jour de l’opposition entre deux hommes qui se nourrit de petits faits anodins, de secrets et de silences. L’inquiétude (et la curiosité) du lecteur monte avec celle de Lambert.
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Ouest
François Vallejo
Viviane Hamy, 2006
ISBN : 978-2-286-02520-5 – 266 pages – 18,50 €
Une lecture plutôt difficile dans mon cas!
Pour moi, ce fut juste décevant…
j’aime avec des réponses et ne pas rester sur ma faim. un auteur à découvrir avec un autre titre.
J’ai l’imagination qui galope quand je lis ce genre de livres où règne le mystère… je vais sans doute trop loin.
Oui pour le style, non pour l’hsitoire… Je note quand même !
C’est pour le style que je relirai sans doute un livre de cet auteur.
J’adore! Coup de coeur sans conteste!
Je te conseille de lire l’intéressante interview faite par Yohan.
Ce roman a été prix du livre Inter, alors je l’ai lu (depuis je manque de temps poursuivre ce prix)Je m’en souviens tout de même, bon style en effet.
Il n’y a donc pas eu de frustrés parmi les jurés… ? Mon horizon d’attente doit être trop vaste…
C’est un auteur dont j’ai pas mal entendu parler. Il faudra que je me penche dessus 😉
Il sort un nouveau roman en cette rentrée.
Je l’ai emprunté mais ne l’ai pas lu. Je devrais peut-être tenter de nouveau…
Ce titre-là ou un autre peut-être, j’attends les conseils de Yohan !
les avis divergent on dirait…
C’est plutôt bon signe 🙂
Un billet qui laisse perplexe. A garder en mémoire, au cas où.
Depuis le temps que je me promettais de découvrir cet auteur, j’en attendais peut-être trop.
J’avais bien aimé cette lecture étrange, déconcertante…
Il faut croire que je n’aime pas être à ce point déconcertée, j’ai l’impression de rester en plan…
Si le style est bon, c’est bien mais si l’intrigue ne tient pas vraiment la route, je ne crois pas que ce roman soit pour moi. Pourtant, en general, j’aime beaucoup les titres de cette maison d’edition.
Je crois que je ne suis pas partie sur de bons rails avec ce livre, j’avais l’impression constante qu’on allait basculer dans le fantastique, et puis non… mais pas d’explication, c’est encore moins bien qu’une explication irrationnelle…
Mouais bof, ça me tente moyen…
J’imagine oui… si tu veux lire un billet positif, je te conseille celui de Yohan
Je me rappelle avoir commencé ce livre avec beaucoup d’attentes et avoir été complètement déçue, ma lecture avait été vraiment laborieuse.
Un peu comme moi alors…
Ce qui m’a le plus dérangé, c’est le parrallèle fait à la fin du livre entre 2 photographies.
Je n’ai rien compris à cette histoire de photos…
Comme toi, j’ai été très déçu par cette lecture. Malgré le style irréprochable de l’auteur, j’attendais plus de l’affrontement entre les deux hommes, entre les deux classes. J’ai également lu « Dérive », chapitre exclu du roman qui narre la rencontre avec Victor Hugo, mais n’ai pas été plus convaincu…
Beaucoup de choses me semblent inabouties dans ce livre. Mais il a eu le prix du livre Inter, alors je me dis que j’ai dû passer à côté de quelque chose…
Bon, je sens qu’il est temps d’intervenir (s’il n’est pas trop tard), car la tendance est mauvaise 😉
Je comprends ta déception si tu imaginais que l’intrigue pourrait prendre un tour fantastique. Malheureusement pour toi, Vallejo n’est pas un grand adepte du fantastique. Hormis dans L’incendie du Chiado (qui n’est pas son plus réussi), où on peut imaginer une telle issue.
Concernant Ouest, j’ai vraiment pris le Baron comme un fou, un illuminé de son temps, républicain alors qu’il n’a aucune raison de l’être, et adepte de pratiques plus qu’étranges. Comme toi, je pense que le style est plus intéressant que l’intrigue ne elle-même, même si l’ambiance liée au huis-clos m’a beaucoup marquée.
Pour un autre conseil, je te proposerai Groom (mais n’y attends pas non plus de fantastique) ou Vacarme dans la salle de bal, son premier roman. J’espère que tu oseras te lancer dans un autre de ses ouvrages, et que mes conseils auront plus de succès (snif !)
Je ne suis pas déçue au point de ne jamais relire cet auteur, ça non, car son style est bien trop intéressant pour que je tire un trait dessus. Je ne m’attendais pas à du fantastique au départ, c’est la conduite du baron qui me l’a suggéré, cette ambiance mystérieuse. Je note donc Groom avec plaisir, pour un peu plus tard.
Et puis j’espère que tu auras bientôt l’occasion de m’expliquer cette histoire de photo, je n’ai pas bien compris le rapport…
Totalement emportée par la lecture de ce roman !Aucun reproche à faire.
Hécate
Voilà les partisans de Vallejo 🙂 Ce qui ne me plait pas, c’est de rester avec mes interrogations, frustrant…
Je t’assure, ce n’est pas moi qui aie battu le rappel des Vallejistes 😉
déjà entendu parler de l’auteur qu’il me faudrait découvrir maintenant.
Je pense qu’il pourrait te plaire, peut-être pas ce titre-là cependant…
Arghhhhhhhhh ! Mais pourquoi racontes-tu la fin ? Snif.
Ben non, je ne raconte pas la fin ! Je dis juste qu’on n’a pas de réponses aux nombreuses questions que le texte soulève, mais je ne dis pas ce qui se passe… quand même, je ne ferais pas çà…
J’ai adoré !
Ah, je me doutais bien quand même qu’il y avait un certain nombre d’amateurs, pas possible autrement.
Quel dommage que ce roman laisse le lecteur sur sa faim ! Je déteste aussi les mystères non résolus, comme si l’auteur ne savait pas lui-meme où il voulait en venir 🙂
Ou alors il prend un malin plaisir à frustrer le lecteur…
J’ai lu ce livre à sa sortie et j’en garde un souvenir très vivace.
Comme toi, l’histoire ne m’a pas vraiment convaincue (je l’ai trouvé parfois trop sombre et un peu… bizarre) mais je me rappelle les premiers paragraphes parce qu’ils m’avaient beaucoup plu (l’histoire de la photo aperçue sur une page de journal) et j’ai beaucoup aimé le style également. 😉
Ben oui, la fameuse photo… je vais bientôt soumettre Yohan à la question, j’espère qu’il pourra m’expliquer ce parallèle…
Un livre que j’avais adoré ! Je veux également absolument lire son nouveau roman qui vient de sortir.
Je n’aime pas trop être déconcertée moi non plus, je vais passer mon tour pour ce titre.
Il a des fans, tu as vu ? Je ne l’ai peut-être pas abordé comme il fallait…
J’ai « Ouest » dans ma PAL et, contrairement à toi, je n’en attends rien de particulier, si ce n’est lire un livre très bien écrit comme tous les ouvrages de François Vallejo … Il a été le malheureux candidat du Goncourt 2007 que « Les Bienveillantes » de Jonathan Littell lui a pris sous le nez ! Ce qui m’intéresse dans ce curieux roman, ce sont les relations entre ces deux hommes issus d’un milieu si différent et aux idées diamétralement opposées. Le valet est conservateur, alors que l’aristocrate est ouvert aux idées novatrices, à un bouleversement de la société de son époque et de ses diktats. Peut-être faut-il y voir une sorte de marquis de Sade qui ne dit pas son nom ?! Tentant, dans tous les cas …
Je n’attendais rien au départ moi non plus, si ce n’est découvrir cet auteur. C’est au fur et à mesure de ma lecture que j’ai eu envie d’en savoir plus sur cet étrange comte, c’est donc l’auteur qui crée cette attente, mais sans la combler, à mon avis…
j’ai découvert cet auteur aussi avec « ouest » que j’ai adoré
ont suivi « groom », « vacarme dans la salle de bal », « le voyage des grands homme » (irrésistible), que j’ai beaucoup aimé avec un style d’écriture très différent d’un livre à l’autre.
« l’incendie du chiado » m’a bcp déçu, personnages trop névrosés, une histoire décousue, j’ai même laissé tomber
je suis en train de lire « les soeurs Brelan » (nouvellement paru) et je me réjouis à nouveau
effectivement l’important n’est pas tant l’histoire que les personnages, et je trouve son style rare, délicat et jubilatoire (une vraie plume!!), c’est un auteur que je suis surprise de ne pas voir dans les médias car il est talentueux
voilà, je suis dithyrambique à son sujet, je pourrais en parler des heures 🙂
Je promets de réessayer !
Bonjour,
J’ai eu le même sentiment avec « L’incendie du Chiado ». Rien à voir avec ses autres romans. On dirait que ce n’est pas lui qui l’a écrit. J’ai essayé de le lire à deux reprises et je l’ai laissé tomber les deux fois. Décevant.
Par contre j’ai adoré « Ouest » . J’ai beaucoup aimé aussi « Groom », « Vacarme dans la salle de bal » et « Les soeurs Brelan », où l »on reconnaît son style.
C’est curieux…
Je n’ai toujours lu que ce roman de cet auteur, il faudrait que je lui donne une seconde chance, avec peut-être un roman qui lui ressemble plus…