Les prédateurs de Whitley Strieber

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John et Miriam vivent à New York. Ils se sont rencontrés sur les terres ancestrales anglaises du jeune lord deux cents ans auparavant et depuis, c’est le grand amour, éternel lui a-t-elle promis. Pourtant, depuis quelques temps, John présente d’inquiétants signes de dégénérescence, comme tous les autres avant lui : il devient instable, voire violent et surtout, il ne tombe plus après chaque repas dans le Sommeil indispensable pour se régénérer. Bientôt, il perd ses cheveux par poignées, se ride et se voûte. Il se rend compte que Miriam lui a menti, qu’elle ne lui a pas donné la vie éternelle, juste deux siècles durant lesquels il est devenu un meurtrier sanguinaire, tuant son prochain pour se nourrir. Miriam elle comprend qu’elle va devoir chercher un(e) autre partenaire pour partager son éternelle solitude. Elle jette son dévolu sur une jeune enfant qui sera victime de la jalousie de John. Elle se résout alors à l’impossible, entrer en contact avec le monde de la science, à travers une femme médecin, Sarah, qui a fait des découvertes extraordinaires sur la longévité grâce à ses travaux sur les singes. Elle va donc être l’objet d’analyses et d’études qui vont bien sûr mettre en éveil le personnel médical : car il faudra bien qu’il conclue que Miriam n’est pas un être humain.

Ce roman est sorti au moment de la dernière période de gloire de David Bowie, celle de Let’s Dance, et alors que j’étais fan absolue, je n’avais pas lu cette fascinante histoire de vampires modernes.

Whitley Strieber (par ailleurs auteur de Wolfen qui a épouvanté mon adolescence), s’empare du mythe et le modernise en lui donnant une dominante à la fois humaniste, sexuelle et historique. Historique parce que Miriam, lors de ses phases de Sommeil, se souvient des précédents compagnons qui ont partagé sa vie, et ce depuis l’antiquité : l’Egypte ancienne, la chute de Rome, les persécutions médiévales, elle a traversé avec eux des périodes agitées et passionnantes.

Sexuelle car le plaisir tiré du fait de boire le sang salvateur tient de la satisfaction physique et que la fascination que Miriam exerce sur ses partenaires s’apparente à la passion amoureuse. Le roman est d’ailleurs truffé de scènes très sensuelles aux descriptions on ne peut plus éloquentes.

Humaniste enfin car la solitude et la survie sont au cœur des actes sanguinaires de Miriam. Elle s’accroche à la vie, elle qui est sans doute la dernière représentante de sa race, et seuls les êtres humains lui sont indispensables. Elle doit donc manipuler, séduire, dominer les faibles créatures que nous sommes. Mais il s’avère que les hommes sont plus qu’un garde-manger : Miriam a besoin de compagnie, elle ne peut traverser seule l’éternité. Mais malgré ses efforts, aucun de ses compagnons ne dure longtemps, aussi longtemps qu’elle…

A vivre au contact des humains elle a appris à les connaître, mais la violence de la vengeance de John parvient quand même à la déstabiliser, de même que l’amour de Sarah pour Tom, son partenaire, médecin lui aussi. Parce qu’elle n’est pas humaine, elle ne comprend pas l’intensité de la haine ni de l’amour, qui par leur force représentent une menace qu’elle ne mesure pas et la met en danger.

Certaines idées font de ce livre une vraie réussite, une déclinaison originale du mythe, comme par exemple ces boîtes que Miriam transporte avec elle depuis des siècles et qui contiennent les corps de ses amants, toujours vivants, forever and ever, c’est effrayant.

Ce livre suit de près le best seller de Anne Rice, Entretien avec un vampire, qui ouvrait à l’époque un véritable renouveau du mythe, mettant l’accent sur l’aspect psychologique de cette créature mythique condamnée au crime, à l’errance et à la solitude.

Après le livre, le film, que j’ai regardé juste pour David (dont je n’avais jamais vu les fesses, c’est chose faite). Il date de 1983 et accumule les défauts propres à cette période. A vrai dire, on se croirait dans une version sanglante de David Hamilton avec trop de voilages, de brume, de soleil tamisé et de colombes. Tout dans le film est bien moins intense que dans le livre : la révolte de John, la résistance de Sarah, l’amour de Miriam pour ses créatures (dont le passé n’est d’ailleurs pas évoqué, à l’inverse du livre).  Et les fans du grand David éternel ne pourront qu’être déçus : il vieillit bien vite, c’est aussi frustrant pour lui que pour nous !

Comme souvent, le réalisateur s’est permis quelques changements par rapport au livre, c’est par exemple John qui se rend au centre de recherche contre le vieillissement, et non pas Miriam, ce qui est bien plus vraisemblable, puisqu’il veut empêcher ce qui lui arrive. La scène où il vieillit de plusieurs dizaines d’années en attendant Sarah assis sur un canapé est d’ailleurs très réussie, émouvante grâce à l’émotion véhiculée par les images.

Le film est encore plus sexe & rock’n’roll que le livre, il est en cela très stéréotypé à bien des égards, mais supporte encore d’être regardé et apprécié, ne serait-ce que pour ses deux acteurs principaux, impeccables.

Les prédateurs (The Hunger, 1980), Whitley Strieber traduit de l’anglais (américain) par Michel Deutsch, J’ai Lu, 1983, 348 pages

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