Une exposition est là à point nommé, à la Maison de l’Amérique latine, boulevard Saint-Germain. J’étais à Paris le lendemain du jour où fut annoncé le prix Nobel qui m’a fait sauter de joie tant j’ai aimé tous les livres que j’ai lus de cet auteur péruvien qui manie aussi bien l’humour que la dénonciation.
L’exposition n’est certes pas aussi émouvante que celles consacrées à des auteurs morts depuis longtemps, qui ont laissé des objets, des manuscrits…etc. Ici, sont surtout rassemblées des photos, depuis le plus jeune âge de l’auteur et avec tout ce que le monde des lettres hispanophone (essentiellement) peut connaître de célébrités : Jorge Amado, Carlos Fuentes, Pablo Neruda, Gabriel Garcia Marquez, Octavio Paz, Jose Saramago, Jorge Semprun, Ernesto Sabato… Nombreuses sont celles prises à l’étranger car Vargas Llosa est un grand voyageur.
Le parcours biographique est comme traditionnellement agrémenté de photos du petit Mario bébé, puis enfant. Il rappelle qu’il s’est longtemps cru orphelin de père, en raison du mensonge de sa mère et qu’à dix ans, quand il rencontrera son père pour la première fois, sa vie en sera bouleversée en raison de la dureté de celui-ci. Vargas Llosa va jusqu’à affirmer qu’il est devenu écrivain essentiellement pour s’opposer à cet homme qui le frappe, méprise la littérature et le fait entrer dans un collège militaire (expérience qu’il retrace dans son superbe premier roman, La ville et les chiens). A quinze ans, il a écrit et met en scène sa première pièce de théâtre, La fuite de l’Inca.
Des extraits de textes permettent aux visiteurs de mieux cerner ses admirations, ses émotions de lecteur (on peut voir ses exemplaires annotés et commentés de Moby Dick, Madame Bovary, L’Odyssée, Les Misérables…), ses enthousiasmes (à l’idée de rencontrer Jean-Paul Sartre) et l’éclectisme de ses goûts (Faulkner, Onetti, Thomas Mann, Cervantes, Tolstoï…). Et parce qu’il est aussi un homme d’humour, il a une impressionnante collection d’hippopotames…
J’ai découvert qu’il s’était fait acteur (c’est un passionné de théâtre), notamment pour sa propre adaptation des Mille et une nuits. Ses pièces sont d’ailleurs jouées dans le monde entier, de même que des adaptations de ses romans. Il a aussi été journaliste (on peut lire un article écrit pour L’Express en 1985 en français, parce que bien sûr, il parle très bien notre langue) et s’est rendu à plusieurs reprises il y a peu en Irak et en Israël pour écrire des reportages sur la situation de ces pays.
Ce qui m’intéressait le plus, c’était la période où il s’est présenté aux élections présidentielles de son pays. J’étais alors, en 1990, étudiante en espagnol, j’étudiais à la fac La tia Julia y el escribidor, et cet homme me passionnait. Est-il besoin de rappeler qu’il a été battu par un Japonais dont le gouvernement a ensuite tourné en dictature ? Dans une vidéo (peut-être un film diffusé sur Arte car il est sous-titre en français et en allemand), il explique pourquoi il a fait campagne et surtout comment elle s’est déroulée : mensonges, calomnies, menaces et même assassinats dans son entourage : la tension était terrible et le pays au bord de la désintégration (entre la menace terroriste – le Sentier lumineux – et la gabegie militaire). Il a vécu l’Histoire en marche, en écrivain engagé et généreux.
J’admire énormément Mario Vargas Llosa, en tant qu’homme et en tant qu’écrivain. Si vous n’avez pas l’occasion de voir cette exposition, le catalogue est disponible, où sont reproduites les photos et les lettres de ses amis. Des écrivains y parlent de lui et son parcours est abordé sous différents axes (ses jeunes années, ses amis écrivains, son œuvre, le cinéma et le théâtre, la politique, le journalisme).
Mais enfin pour mieux le connaître, lisez-le, il me reste pour ma part bien de ses livres à lire, alors même que j’ai envie de relire ceux que j’ai lus tant je sais que ça sera à nouveau un grand moment de lecture.
« Toute ta vie montre à l’évidence le courage et la lucidité d’une attitude qui, malheureusement, est chaque fois plus rare : trouver une personne qui vive ses convictions, ses admirations, ses intérêts, ses refus, ses amours pour le monde, la poésie, la vie avec la force, la détermination et l’aisance avec lesquelles tu as à chaque fois affronté la gloire et la tragédie d’être vivant »
Fernando de Szyszlo, artiste et intellectuel péruvien
Mario Vargas Llosa. La liberté et la vie, Maison de l’Amérique latine, 217 bd Saint-Germain, Paris 7e, jusqu’au 6 novembre 2010
Ys je suis submergé par le travail et les livres alors il me faut un seul titre, celui qui t’a enthousiasmé absolument et qu’il faut avoir lu
Celui qui m’a le plus marquée c’est incontestablement La ville et les chiens, mais c’est un livre très dur… et je n’ai pas encore lu tout ce qu’il a écrit…
A ma grande honte, j’avoue n’avoir rien lu de cet auteur important.
Après tout, un écrivain qui dénonce le fanatisme militaire et religieux dans son pays ne peut pas être tout à fait mauvais!
Alors, ma question serait la même que Dominique: par quoi commencer?
J’avoue avoir été tellement déçu par d’autres auteurs sud-américains (la salmigondis erotico social de Sepulveda par exemple) que ces temps je m’abstiens…
Pas de salmigondis érotico social chez Vargas Llosa, en tout pas dans ce que j’ai lu 🙂 Cf. ma réponse à Dominique, mais si tu préfères quelque chose de plus léger, alors La tante Julia et le scribouillard est pour toi, c’est une narration très bien construite autour du mélange entre fiction et réalité avec pour toile l’amour d’un jeune homme pour sa tante plus âgée.
ça a l’air intéressant, mais je ne pense pas venir à Paris d’ici là, dommage…
Paris est définitivement trop loin de la province 🙂
Comme Dominique et Droopyvert, j’ai très envie de découvrir cet auteur, mais je ne sais pas par où commencer !!
Je vais aller visiter cette expo, ça c’est sûr …
Quand j’y suis allée, c’était un peu désert, j’espère que le prix donnera aux gens l’envie d’en savoir plus sur lui.
J’en ai deux dans ma PAL, et c’est le moment d’en sortir un ! Mais je crois que je vais finir par devoir prendre une année sabbatique 😉
Je viens d’aller voir ta PAL : tu as la tante Julia, quelle chance !
Merci pour ce beau billet.
Je note je note, surtout que cela m’est vraiment facile d’y aller..
ET je note La tante Julia et le scribouillard 🙂
Belle soirée Ys !
Bonne visite et bonne lecture !
De retour du Pérou, après avoir lu des déclarations de l’auteur qui vont à l’encontre ce qu’il avance dans ses livres, c’est-à-dire se prononçant pour l’extinction des populations indigènes de son pays (!) et le fait qu’il ait pris la nationalité espagnole suite à son échec aux élections, tout cela me rend perplexe quand à l’homme (politique), mais je ne peux que saluer l’écrivain.
Il est certain que Vargas Llosa ne s’est jamais remis de sa défaite aux élections : son pays l’a rejeté et il l’a quitté (il a quand même la double nationalité). Et son parcours politique peut faire grincer, du communisme au libéralisme, ça peut paraître étrange, mais on ne peut pas lui ôter le fait qu’il sait se remettre en cause devant les abus qu’il constate (à Cuba notamment). C’est un écrivain engagé, mais un écrivain de droite, aussi rare cela soit-il…
Par contre, ce que tu écris de ses propos sur les indigènes m’étonne énormément, je n’en trouve écho nulle part, même dans les médias de gauche qui devraient faire leurs choux gras de telles déclarations : où peut-on les trouver (même en espagnol) ?
C’est Alberto Manguel qui évoque cela dans son essai « Dans la forêt du miroir » que je viens de lire. Je regarde de plus près les références et je te les fais passer.
Moi qui cherchais une bonne expo à faire à Paris dans les jours à venir, grâce à toi, elle est toute trouvée.
Et en plus, elle est gratuite…
Je suis allée profiter de cette belle expo hier. Merci pour l’information, Ys : ce fut un moment très agréable.
Bonjour YS , je suis content pour toi que ce soit LLosa
Merci mon gars 🙂 Oui, c’est un de mes écrivains favoris et j’espère que le moment venu, tu l’apprécieras toi aussi.
De cet auteur, je n’ai lu que « Tours et détours de la vilaine fille » et, si j’ai passé un bon moment de lecture, je dois avouer que j’ai eu beaucoup de mal à croire à cet amour inconditionnel… 😉
(Tiens, tu as trouvé un avatar on dirait 😉 ) Je n’ai pas lu ce titre, mais là, tout de suite, j’ai envie de tout lire !
J’ai étudié des extraits de cet auteur en cours d’espagnol et jen garde un excellent souvenir : j’ai la tante julia et le scribouillard qui m’attend depuis des années dans ma PAL (ça date donc de mes annnées fac !!! ) et je vais essayer de le ressortir…
Oh, ça c’est mal, pauvre Julia ! Sors-là vite et tu verras, elle enchantera ta lecture !
J’ai aussi La tante Julia… dans ma PAL. Ton billet devrait aider à la faire sortir de là rapidement !
J’en serais vraiment ravie !
j’aime quand tu es enthousiaste, ça me donne envie de lire :-))) J’ai lu un seul roman de lui il y a des siècle et j'(avais aimé, il ne me reste finalement que tous les autres… 🙂
Que du bonheur en perspective 🙂
J’ai déjà noté plusieurs titres de cet auteur que tu aimes tant ! Pour l’expo c’est impossible Paris est bien trop loin de chez moi 😦
Paris est loin de la plupart des villes françaises, faut pas croire 🙂
Des fois, je me demande sur quelle planète je vis et j’ai honte. Avant que ne lui soit décerné le Nobel, je n’avais jamais entendu parler de cet auteur… Donc forcément, je n’ai rien lu de lui non plus.
Mais Géraldine, on ne peut pas tout connaître ! Moi qui suis bibliothécaire, je découvre sur les blogs chaque semaine des auteurs dont je n’ai absolument jamais entendu parler. Et c’est un des plaisirs de la blogosphère.
Jamais lu cet auteur. Bon, il n’y a plus qu’à… 🙂
Oui, il le faut !
Je suis de l’autre coté de la Méditerranée mais difficile de faire un saut pour l’exposition sur Mario Vargas LLosa qui doit être bien intéressante pour les épris de l’écrivain et ceux qui n’ont pas eu la chance de le découvrir. Pour moi c’est l’auteur le plus représentatif du Boom. Depuis que je l’ai découvert en première année de Fac en 1973 à travers « Les Chiots », je ne cesse de lire tout ce qu’il écrit et tout ce que l’on écrit sur lui. Cela fait 34 ans que je donne des cours de littérature hispano-américaine et il occupe la majeure partie de mon programme. Cette année tous les mémoires de mes étudiants portent sur ses œuvres. Une façon de lui rendre hommage.
Je découvre Mario Vargas Llosa grâce à ton challenge… pour lequel je prends du temps, beaucoup de temps d’ailleurs, pour ma première participation. Je ne connaissais pas cet auteur, et j’ai commencé par le premier livre qui m’a sauté aux yeux en librairie : « Le rêve du Celte » qui venait de sortir. C’est formidable, mais dense, exigeant. Il me faut du temps pour le lire, pour le digérer… Merci en tout cas pour cette découverte ! Je ne sais pas si je pourrai voir l’exposition : mon prochain passage à Paris sera sans doute express… 🙂
Voilà un commentaire qui me fait énormément plaisir : si j’ai permis à quelqu’un de découvrir et d’apprécier Vargas Llosa, je suis une blogueuse comblée !