Les derniers jours de Newgate d’Andrew Pepper

Les derniers jours de Newgate d'Andrew Pepper1829, l’Angleterre pré-victorienne, et surtout pré-Scotland Yard. Grâce à sir Henry Fielding, l’écrivain, la sécurité des rues de Londres est assurée par les Bow Street Runners, du nom de la rue de leur quartier général. Les agents y sont recrutés sans tenir compte de leur moralité, ni même de leur sens de la justice. Mieux encore, ça n’est pas si mal s’ils ont un pied chez les Bow Street Runners et un autre chez les bandits, c’est utile pour les enquêtes.

Pyke est l’un de ces agents très spéciaux que le crime ne rebute pas. Il est redoutablement intelligent, débrouillard, et surtout, il déteste se faire manipuler.

« …une partie de son travail consistait à se mettre au service de clients aisés victimes d’un crime, généralement un cambriolage. S’il parvenait à retrouver  ce qui avait été volé, Pyke recevait une commission. Deux ans auparavant, il avait effectué ce type de tâche pour le compte d’Edmonton à qui on avait dérobé six mille livres de bijoux et de bons au porteur de Belgravia. A cette occasion, Pyke avait organisé la restitution des biens volés et touché trois cents guinées.
Toutefois Edmonton ignorait que, grâce à l’assistance d’un autre Runner, qui avait un compte à régler avec Edmonton, il avait également réalisé le cambriolage.
« 

Il est à nouveau sollicité par lord Edmonton, qui se dit victime de vols lors de transports de fonds. Alors qu’il est sur les traces d’un éventuel coupable, Pyke découvre les cadavres égorgés d’un couple et de leur bébé tout nouveau-né. Il découvre bientôt que la femme était catholiques et l’homme protestant. Dans un contexte de luttes sanglantes entre communautés religieuses et de loi sur l’émancipation des catholiques, l’enquête de Pyke prend un tour politique qui va dévoiler bien des compromissions, le conduire en prison et à la condamnation à mort, et aux meurtres, toujours de sang froid et parfois extrêmement cruels.

Au cœur de ce roman se trouve la haine viscérale entre catholiques et protestants. Le ministre de l’Intérieur Robert Peel, est un des personnages principaux, intransigeant au départ, mais qui est amené, pour éviter une guerre en Irlande, à présenter une loi permettant de lever les restrictions sociales et politiques à l’encontre des catholiques. Il est aussi celui qui soutient la création d’une nouvelle police métropolitaine (les bobbies lui doivent leur nom) centralisée et placée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. Psychiatres et criminologues font leur entrée sur les terrains d’enquête, ce qui n’est pas pour plaire à des types comme Pyke.
Un vent de réformes menées par des politiques souffle donc sur le Royaume Uni, mais certains aristocrates se préoccupent aussi du sort des plus défavorisés. Ainsi Emily, la fille de lord Edmonton, lutte-t-elle pour l’amélioration des conditions de vie des prisonniers.

Andrew Pepper brasse donc dans ce roman des données historiques, sociales, politiques et religieuses avec une maîtrise rarement atteinte par des auteurs de romans policiers. A cette érudition qu’il restitue simplement, il ajoute des personnages vraiment originaux, au premier rang desquels ce Pyke à la morale on ne peut plus élastique. Un homme prêt à tout pour se venger mais qui peut aussi faire preuve d’une grande sensibilité. Il nous fait vivre de l’intérieur le monde des Bow Street Runners, les bas-fonds londoniens si propices au crime et les salons dorés de l’aristocratie qui tire les ficelles sans souci du nombre de vies humaines en jeu.

« Mais est-il moralement acceptable  que les innocents soient massacrés, alors que les coupables ne sont pas châtiés sous prétexte que cela sert l’intérêt général ?« 

La réponse à cette question formulée par Pyke change selon que les victimes sont catholiques ou protestantes. Et Andrew Pepper met très bien en scène cette période cruciale et meurtrière, le fanatisme de part et d’autre et l’importance de l’Union (celle de la Grande-Bretagne et de l’Irlande). On apprend donc beaucoup dans ce roman, tout en savourant une énigme bien complexe, des personnages intéressants et une restitution d’un grand réalisme.

Ce roman est le premier d’une série mettant en scène le terrible et fascinant Pyke.

 
Les derniers jours de Newgate

Andrew Pepper traduit de l’anglais par Daniel Lemoine
Rivages, 2010
ISBN : 978-2-7436-2069-1 – 397 pages – 21.50 €

The Last Days of Newgate, parution en Grande Bretagne : 2006

38 commentaires sur “Les derniers jours de Newgate d’Andrew Pepper

  1. Bon, si je n’étais pas sur un blog sérieux, je ferais un « hiiiiii » à la lecture de ce billet ma foi très, très tentant. Il semble y avoir tout ce que j’aime là-dedans!!

  2. Hum, mais où trouves-tu tout cela? jamais entendu parler, et pourtant, pourtant, il y a du potentiel dans ce type de roman! merci…
    Pas trop sanglant quand même?

    1. Ben je l’ai trouvé au Salon du Livre de Paris 🙂 C’est la couverture qui m’a appelée, et le résumé a fait le reste. Ça n’est pas extrêmement sanglant, non, mais il y a quand même quelques scènes assez dures.

    1. Je ne crois pas. Je n’en ai pas entendu parler, j’ai juste aimé la couverture puis le résumé au dos et eu envie de le lire. Et bien m’en a pris car elle est vraiment très riche, surtout historiquement concernant une période par vraiment plébiscitée en littérature policière.

  3. Couverture et période alléchante mais par contre, les gueguerres entre religions ne me passionnent pas. Je peux relâcher la pression et me sens soudainement toute légère 😉

  4. Connaissais pas, mais ton billet met l’eau à la bouche ! En plus, époque pré-victorienne, roman policier, historique, social, sociologique … Tous ces mots titillent des zones sensibles de mon cerveau en ébullition ;-D Je prends donc, et je me sers ! Vile tentatrice …

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